La semaine dernière, un reportage sur les coulisses de la libération des otages d’Arlit, le 29 octobre 2013, et sur l’assassinat de nos deux collègues Ghislaine Dupont et Claude Verlon a été diffusé sur France 2. Parmi les principaux acteurs évoqués dans ce reportage, on trouve Mohamed Akotey. Ce négociateur nigérien, dont le rôle a été central, n’a jamais souhaité s’exprimer sur ces négociations. Pour la première fois, il accepte de parler. Et c’est au micro de RFI. De manière inédite il donne sa version des faits et ne se montre pas tendre avec les deux négociateurs français qui ont travaillé sur ce dossier en même temps que lui.
RFI : A quel titre avez-vous participé aux négociations qui ont permis de libérer les quatre derniers otages d’Arlit ?
Mohamed Akotey : C’est le président de la République [du Niger], monsieur Issoufou Mahamadou qui m’a mandaté pour négocier la libération des otages. A partir de la mi-juin 2013, j’ai tout mené, du début jusqu’à la fin.
Qui était votre interlocuteur, côté français ?
Côté français, nous n’avions pas d’interlocuteur attitré. Moi, à la fin de chaque mission, je rendais compte au président, en présence de ses services compétents. Et puis, je suppose que les services, eux, s’échangent des infos.
Est-ce que vous avez eu des contacts avec Pierre-Antoine Lorenzi ?
Oui, au tout début, avant mi-juin parce qu’il était prévu qu’il fasse le travail que faisait auparavant monsieur Gadoullet.
Un premier négociateur.
Oui, un premier négociateur qui n’était plus négociateur. Donc, Pierre-Antoine Lorenzi a voulu reprendre sa place et il avait l’appui du ministre français de la Défense. On avait prévu une mission entre le 12 et le 14 juin 2013 avec M. Lorenzi mais le directeur général de la DGSE s’était opposé fermement à la présence de M. Lorenzi dans la mission.
Et d’ailleurs, aujourd’hui, selon la DGSE, les renseignements extérieurs de la France, Pierre-Antoine Lorenzi n’a joué strictement aucun rôle dans la libération des otages.
Quand le directeur général de la DGSE s’est opposé à sa présence dans la mission, finalement M. Lorenzi m’a appelé pour me dire qu’il se retirait de la mission et m’a souhaité bonne chance. Il disait qu’il le faisait pour l’intérêt de la mission, pour que celle-ci réussisse. A partir de ce moment-là, sur le terrain, il n’a participé à aucune opération de négociation. Aucune.
Et auparavant, vous disiez qu’il était mandaté par le ministère français de la Défense ?
En tout cas, le ministre de la Défense a recommandé au président Issoufou – en ma présence d’ailleurs – qu’il devrait, en fait, reprendre le rôle que jouait Gadoullet à l’époque.
Justement, est-ce que vous aviez été informé des premiers contacts établis avec Aqmi par Jean-Marc Gadoullet qui donc était mandaté par Areva pour négocier la libération des otages, avec la bienveillance de la DGSE ?
Je vais vous dire une chose. J’ai rencontré les jihadistes avant M. Gadoullet. Il les a rencontrés précisément mi-octobre 2010, soit un mois après le rapt d’Arlit. Lors de mon second voyage, fin décembre 2010, on m’avait dit qu’il y avait un Français qui était venu deux semaines avant, qui était reparti mais qui était mandaté uniquement par Vinci.
Je suis ensuite revenu plusieurs fois et je suis donc au courant de ce que Gadoullet faisait là-bas, mais je ne suis jamais rentré dans les négociations proprement dites parce que j’ai promis – c’est ce qu’on a convenu avec les jihadistes – que je suivrais de loin mais je ne n’aurais pas les détails de ce qui se faisait.
Jean-Marc Gadoullet vous accuse, aujourd’hui, d’avoir – vous et Pierre-Antoine Lorenzi – récupéré les fruits du travail qu’il avait lui-même initié, à l’époque.
Il se trouve que, lors de mon premier voyage dans cette affaire des otages, en septembre 2010, j’ai rencontré une personne que Gadoullet a rencontrée après. Mais cette personne n’est pas la propriété de M. Gadoullet.
C’est quelqu’un en qui Aqmi a confiance et qui sert un peu de relais avec des gens qui voulaient négocier le sort des otages occidentaux qui étaient entre leurs leurs mains. Ce sont des gens qui étaient là, depuis le début des années 2000, avec la prise d’otages des touristes allemands et d’autres qui ont suivi. Donc, ce n’est pas la propriété de M. Gadoullet.
Ce que vous dites, c’est que vous avez fait vous-même votre propre travail ?
Exactement. J’ai fait mon travail. Moi, je suis arrivé avant Gadoullet – deux mois avant – j’ai rencontré les gens et il vient, après, en disant que je lui ai pris son réseau. Ce n’est pas la propriété de M. Gadoullet ni la propriété de personne. Ça appartient à tout le monde.
Celui qui vient, qui est sérieux, ils vont le prendre au sérieux et la preuve c’est que je n’ai jamais eu de problèmes avec les gens que Gadoullet a contactés. Je n’ai jamais eu de problèmes parce que je ne suis jamais intervenu dans leurs affaires. Je n’ai pas cherché à me mettre à la place de Gadoullet. J’ai suivi de loin.... suite de l'article sur RFI