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Accord CEDEAO-CNRDRE : Prime à la barbarie et la conjuration apatride
Publié le mardi 29 mai 2012   |  Aurore


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© AP par DR
Retour à l`ordre constitutionnel: Le CNDRE remet le pouvoir aux civils
Mercredi 6 avril 2012. Kati, Mali. Après d`intenses pressions de la part de la CEDEAO la junte militaire avec à sa tȇte le capitaine Amadou Haya Sanogo signe un accord pour un retour à l`orde constitutionnel.


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Accueillie avec satisfaction et euphorie par nombre d’observateurs à travers la sous-région et dans le monde, la solution de sortie de crise conclue entre la CEDEAO et la junte putschiste malienne risque de passer pour une poudre aux yeux, comme naguère l’accord-cadre qui l’avait précédée. Certes, le président du CNRDRE s’est retenu de pousser l’imprudence jusqu’à jouer le jeu de la manipulation politicienne, mais les évolutions immédiates de la situation au Mali prouvent, s’il en était besoin, que la CEDEAO s’est laissée une fois de plus piéger dans un engrenage dont elle ne maîtrise pas les réels contours. Pourtant, elle avai été avertie à travers des attitudes quasi similaire de la part des mêmes interlocuteurs.

Sous quel autre angle percevoir le fait que des partisans de la junte militaire putschiste puissent impunément verser dans la barbarie qui a consisté à s’en prendre aussi violement à la première autorité du pays ? Survenu au lendemain de la conclusion d’un difficile accord autour de la transition – lequel semblait pourtant satisfaire l’ensemble des protagonistes -, l’acte odieux porte le label du MP-22 et de la COPAM et n’a de cesse de faire le tour du monde, couvrant d’opprobre un pays constamment meurtri de flétrissures, depuis le renversement du régime d’ATT.
Le coup d’Etat, qui s’éloigne selon toute évidence des faux espoirs suscités au départ, aura donc plus contribué à plonger le pays dans les abysses qu’il ne l’a aidé à se hisser au-dessus des pâquerettes, à en juger à tout le moins par les dérives anti-démocratiques et anarchistes caractéristiques du système étatique malien.

- Un scénario prévisible

Le crédo et le maitre-mot de la junte ne se sont jamais dissociés de la violence et d’un penchant naturel pour l’asphyxie de toute voix dissidente ou qui respire à contre-courant du coup d’Etat. Que ses excroissances politiques l’aient manifesté par une tentative de meurtre contre le président de la République n’est donc que le couronnement logique d’une dynamique congénitale de l’alliance entre le CNRDRE et ses acolytes, de leur commune répugnance pour toute revendication démocratique et de retour à l’ordre constitutionnel.
C’est la posture que corrobore en tout cas la dérive xénophobe ayant consisté pour le front putschiste à faire obstacle à la délégation de haut niveau commise par la CEDEAO auprès de la junte. Celle-ci on s’en souvient, a dû renoncer à son séjour à Bamako, à cause d’un dispositif politique et militaire assez dissuasif pour l’empêcher d’atterrir à Bamako. Et même si l’effort de ses émissaires a pu se conclure par l’avènement d’un accord-cadre, l’investiture du président intérimaire et la formation d’un gouvernement, le retour à l’ordre constitutionnel, qui en est un corollaire, n’a jamais été qu’un vœu pieux contrarié par l’omniprésence de la junte dans le jeu institutionnel, son interférence dans les prérogatives régaliennes des autorités intérimaires, ainsi que son refus catégorique de leur faire allégeance.
Les arrestations arbitraires et l’instauration d’une terreur sélective et partisane ont été légion pendant toute la période intérimaire, tout comme la cohabitation sournoise d’une légitimité politique banalisée avec une puissance qui impose le respect par la facilité de sa gâchette.
Après sa réaction vigoureuse aux solutions de la CEDEAO sur la gestion de la transition, la propension de la junte à l’agressivité s’est davantage mise en exergue lors de la nébuleuse confrontation des bérets. Une autre occasion pour elle et ses alliés politiques de verser derechef dans la dérive terroriste et de justifier sa réticence à abandonner la scène publique aux institutions légitimes. Du reste, les engagements consentis à ce sujet n’ont été chaque fois obtenus qu’à coups de menaces de sanctions dissuasives, et non par le biais d’une persuasion, ou d’une quelconque convergence de vues sur la perception de la crise malienne.
Il n’est donc point étonnant que la longue résistance du front putschiste, au processus de sortie de crise, se conclue par cette barbarie perpétrée avec la caution et la conjuration, selon toute vraisemblance, de sa frange qui a mainmise sur la puissance publique et les forces protectrices des institutions républicaines.

- La CEDEAO à nouveau dans la nasse de la junte

L’institution sous-régionale ouest-africaine, en dépit de sa volonté et de ses résultats, n’a pas jusqu’ici réussi à obtenir l’essentiel de la junte militaire malienne, à savoir un retrait définitif de la vie publique en tant qu’entité organisée au sein de l’armée. Le premier coup d’essai a accouché d’un marché de dupes où le CNRDRE a pratiquement réussi à légaliser son coup d’Etat avec l’obtention de la démission du président de la République et l’amnistie de tous les forfaits ayant contribué à la déchéance de l’ancien régime sortant.
Quant au protagoniste de la sous-région, il n’a pu obtenir de la junte qu’une maigre brèche pour déclencher l’ordre constitutionnel et le déroulement de quarante jours intérimaires que les autorités n’ont jamais réussi à exercer, faute d’emprise sur les médias publics et les forces de l’ordre. Conséquence : une sorte de bicéphalisme s’est installé à l’avantage de la junte putschiste bénéficiaire d’une loi d’amnistie sans avoir réellement lâché prise.
La dernière tentative, à la faveur notamment des ultimes négociations sur la transition, aura été un échec, à en juger par le contenu du rapport ci-contre cosigné par le président de la République, le CNRDRE, la CEDEAO et le chef de gouvernement. Le fait que les manifestants pro-putschistes aient réussi à pousser la protestation contre, jusqu’à pouvoir agresser physiquement le président de la République en exercice, n’est qu’un indice parmi d’autres des obstacles auxquels pourrait heurter l’application du document. Et pour cause, sa conception laisse apparaître en filigrane des énormités qui posent les germes de grandes difficultés à venir dans le mécanisme institutionnel du Mali.
L’une d’entre elles réside dans une sorte de rapports horizontaux que la médiation a laissé s’échapper entre les autorités de la transition, car la traditionnelle subordination caractéristique desdits rapports semble sauter au profit du plein-pouvoir auquel allusion est faite dans l’Accord-Cadre. Et, comme entrée en matière, le Premier Ministre, qui en est bénéficiaire, vient d’effectuer une tournée dans la sous-région pour remercier les chefs d’Etat au nom du peuple malien sans se référer au premier responsable de la nation. Une démarche avant-coureur pour le moins d’empiétements et conflits de compétences de plus grande envergure tout au long des 12 mois indicatifs de la transition, en dépit même des interprétations et clarifications verbales faites par les émissaires de la CEDEAO au sortir des négociations.
D’autre part, la référence excessive à l’Accord-Cadre déjà floue constitue en elle-même les germes d’un conflit d’autant plus que ledit accord le dispute finalement à la constitution, unique texte de référence pour un ordre constitutionnel véritablement républicain.
Comme une prime, parmi tant d’autres, à un forfait sanctionné d’imprescriptibilité dans le texte fondamental, le rapport fait état, par ailleurs, d’avantages à accorder aux membres du CNRDRE, cette entité associative qui n’a de cesse de s’implanter et on n’a la moindre estimation de sa dimension numérique.
Mais le comble de légèreté et du paradoxe réside dans le statut d’ancien chef d’Etat accordé au Capitaine Amadou H. Sanogo. Les avantages et privilégiés inhérents à ce statut, à défaut d’aiguiser les appétits pour un autre putsch, suscitent à coup sûr des envies et des jalousies susceptibles de remettre en cause l’accord passé avec un chef de file circonstanciel de la mutinerie, dont l’emprise sur les troupes n’a jamais été irréfutablement prouvée. En attestent du reste les nombreux cas d’indiscipline et de comportements périphériques abusifs qui échappent à son contrôle et dont il disait lui-même ne rien savoir, lors d’une interview.
Quoi qu’il en soit, le statut rime difficilement avec un leader militaire qui n’a visiblement pas de mérite, eu égard à l’abandon de deux-tiers du territoire et de ses habitants sans défense aux abus d’assaillants, la caution au refus de défendre la patrie pour une armée entretenue par le contribuable, la destruction du processus démocratique et électoral, ainsi que du tissu socio-économique.

A.Keïta

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