Le Mali est une république souveraine. Du moins sur le papier. Car dans la réalité, des groupes armés font la loi au au nord et au centre du pays. Pour ne rien arranger, des armées internationales sous mandat franco-onusien font sur le territoire ce que bon leur semble. Ce qui est vrai au plan militaire l’est, bien entendu, au plan politique puisque depuis la nuit des temps, c’est qui tient l’épée qui imposesa politique. C’est pour quoi le Mali est tenu par les puissances étrangères d’entrer, sous leur dictée, dans un processus de négociations avec des groupes dont les buts séparatistes sont connus et qui, sous d’autres cieux, seraient jugés et pendus. Pour mieux nous enserrer dans ce qu’on appelle pompeusement « processus de paix », la décision est prise, à l’échelle internationale, de priver l’Etat malien de toute possibilité d’acquérir les seules armements susceptibles d’écraser les rebelles du nord: les chasseurs bombardiers.
Sous le régime du général Moussa Traoré, l’armée de l’air malienne alignait une bonne quarantaine de chasseurs bombardiers de marque russe « MIG ». Il pouvait donc prétendre défendre par les airs toutes ses frontières. Ce sont ces MIG qui, en 1984, ont bombardé des cibles burkinabè et obligé le bouillant Thomas Sankara de rechercher la fin de la guerre qu’il avait déclenchée. Mais depuis l’avènement de la 3ème République, en 1992, cette belle flotte a disparu, faute d’entretien et de volonté politique d’acheter de nouveaux appareils. Le Mali n’a plus aujourd’hui un seul chasseur bombardier. Ni, bien entendu, de pilote qualifié. Si, par hypothèse, un avion étranger venait à violer notre espace aérien, nous n’aurions aucun moyen de l’intercepter. Le pire, c’est que les rebelles et les terroristes de tout acabit avancent librement, par colonnes entières, comme à Konna en 2013, sans que l’armée malienne puisse leur infliger la moindre frappe aérienne.
Embargo de fait
La situation se complique à partir de 2011, avec l’éclatement d’une nouvelle rébellion touarègue au nord. Au motif que les Touaregs et les Arabes constituent une minorité ethnique et doivent, à ce titre, être protégés, la communauté internationale place le Mali sous un embargo de fait. S’il est vrai que la Charte de l’ONU prescrit la protection des minorités, il faut cependant souligner que la privation du Mali du marché des avions de combat est facilitée par son inertie diplomatique et, surtout, par le jeu trouble de la France qui, comme chacun le sait, nourrit des amitiés avec les rebelles arabo-touaregs.
Echec malien en Grèce.Très en pointe sur le front diplomatique, les rebelles du nord mettent en mouvement leurs alliés du parlement européen qui, déjà en 1992, avait tenté de voter une résolution condamnant un prétendu « génocide touareg » par le Mali. Les rebelles s’appuient aussi sur des personnalités suisses et belges très écoutées des gouvernements occidentaux. Ainsi, quand, sous la Transition de 2012, le Mali tente d’acheter à la Grèce, en crise financière, de vieux chasseurs bombardiers, il se heurte au veto français et au lobbying euro-arabo-touareg. Le gouvernement grec reçoit même l’assurance que s’il vend des avions de guerre au Mali, sa dette envers l’Union européenne ne sera pas réaménagée. Pressée d’arrondir ses fins de mois, Athènes écoulera sa quincaillerie militaire ailleurs.
Echec malien en Bulgarie et en Ukraine
Le Mali se tourne alors vers la Bulgarie puis vers l’Ukraine. Pour les mêmes raisons, il ne rencontre pas plus de succès.
Echec en Russie
Il ne reste plus qu’à solliciter la Russie. Vieux partenaire militaire du Mali depuis l’époque soviétique et doté d’un arsenal inépuisable, ce pays a l’avantage de pouvoir résister aux pressions occidentales. Problème: le Mali se fait prendre de vitesse au Kremlin. A l’instigation de la France, une délégation de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dirigée par Bilal Ag Acherif, chef du groupe séparatiste touareg MNLA, fonce à Moscou en mars 2014. Elle est reçue par Mikhaïl Boganov, vice-ministre russe chargé de l’Afrique et du Moyen-Orient. La visite déplaît aux autorités maliennes au point que l’ambassadeur de Russie au Mali est convoqué par le ministre des Affaires étrangères, ZahabiOuld Sidi Mohamed, qui explique : « On a trouvé que ce n’était pas amical car la Russie ne nous avait même pas prévenus ! ». Au sortir de l’entretien, le ministre se dit « rassuré » par le discours « sans ambiguïté » du diplomate russe. Dans un communiqué hâtivement produit pour arrondir les angles, Moscou réaffirmera son « attachement à l’intégrité territoriale du Mali » et sa disponibilité à « faciliter les discussions » entre le gouvernement et les rebelles touaregs. En termes diplomatiques, ce communiqué signifie que la Russie, tout en restant attachée à l’intégrité territoriale du Mali, se refuse à livrer des armes au Mali et lui recommande de négocier avec les rebelles touaregs. Cette déclaration marque une grande victoire diplomatique des rebelles, d’autant qu’elle intervient au moment même où le président IBK conditionne toute négociation avec les rebelles à leur désarmement préalable. Bilal Ag Acherif, confiera avoir « porté le message du peuple de l’Azawad » à Poutine auquel il aurait décrit « la souffrance » des Azawadiens ainsi que les causes de leur révolte contre l’Etat malien.
L’alibi GATIA
La Russie et d’autres partenaires étrangers auraient pu se raviser et livrer des moyens aériens au Mali si notre pays n’avait pas commis une des pires erreurs de son histoire. En effet, suite à divers accrochages et renseignements de terrain, il apparaît que le GATIA, qui se définit comme une milice de Touaregs Imghads, a des liens avec l’armée malienne. Le fait qu’il se se place lui-même sous l’égide de Gamou, officier général du Mali, achève de convaincre les plus sceptiques que le GATIA n’est autre que le bras armé de l’Etat pour contourner le processus de paix et menacer les minorités arabo-touarègues. Cette logique conduit au durcissement de l’embargo qui, désormais, s’étend aux armes lourdes, voire aux simples munitions. Participant aux obsèques des soldats maliens tués à Nampala en juillet 2016, le président IBK ne cachera pas sa déprime. Il déclare publiquement que le Mali a besoin d’avions de guerre pour surveiller son territoire mais qu‘ »on l’empêche » d’en acheter.Tout est dans ce « on »…