(Une année de recrudescence des violences et des actes terroristes dans le Nord et dans le Centre- Bamako, Paris) La FIDH et l’AMDH sont inquiètes de la recrudescence des attaques, des violences et des violations graves des droits humains au nord et au centre du pays. Nos organisations dressent un sombre bilan de l’année 2016, et les récents évènements de janvier 2017 présagent encore une nette aggravation de la situation sécuritaire.
La FIDH et l’AMDH appellent à faire évoluer la stratégie politique et sécuritaire au Mali et dans la région en intégrant également la justice et la lutte contre l’impunité comme une priorité d’action pour garantir le retour à une paix durable.
2016 a été une année sombre en matière de droits humains au Mali. La FIDH et l’AMDH ont comptabilisé au moins 385 attaques qui ont couté la vie à au moins 332 personnes dont 207 civils dans le Nord et le Centre du pays. A cela s’ajoutent des actes de torture, des enlèvements, des détentions arbitraires et des extorsions de tous types, soit au moins 621 cas répertoriés, dont 67 mineurs concernés, principalement du fait des groupes armés mais également des Forces armées maliennes (FAMA) ainsi que des forces internationales (MINUSMA et force Barkhane). Des chiffres qui ont doublé depuis 2015 et qui révèlent un haut niveau de violence et une nette aggravation de la sécurité.
« En l’absence d’avancée concrète dans la mise en œuvre de l’Accord de paix, on assiste à une multiplication et une atomisation des groupes armés, accompagnées d’une violence qui perdure au Nord et se développe au Centre du pays. Plus de 200 civils ont perdu la vie lors d’attaques en 2016. Il est urgent de réagir pour protéger les populations civiles et poursuivre et condamner les auteurs des actes de violence. »
Me Drissa Traoré, vice-président de la FIDH
Au nord, la multiplication des groupes armés et leurs liens complexes ont rendu la situation instable et imprévisible, avec notamment une reprise des hostilités entre certaines parties signataires de l’Accord de paix – en particulier entre la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad - groupes rebelles) et le GATIA (Groupe autodéfense touaregs Imghads et alliés - entité de la Plateforme, groupes pro-gouvernementaux) durant l’été 2016. Malgré la présence d’environ 10 000 casques bleus de l’ONU et 1500 soldats français de l’opération Barkhane, le terrorisme ne recule pas, au contraire sa zone d’influence s’étend du nord vers le centre du pays.
Dans le centre du pays, les groupes terroristes et extrémistes violents mènent depuis plus d’un an, des attaques et actions ciblées contre les représentants de l’État, les notables et les communautés locales. Cette stratégie d’insécurité accroît le désengagement de l’État dans certaines zones, qui n’est plus en mesure de garantir les services publics de bases (écoles, centre de santé, etc), ce qui constitue non seulement un terreau favorable à l’implantation des groupes terroristes, mais également à l’exacerbation d’affrontements intercommunautaires violents et une forte augmentation des actes de banditisme armé.
La réponse de l’armée malienne à ces nouveaux phénomènes s’est aussi accompagnée de nombreuses violations des droits humains, notamment dans le centre du pays, comprenant des dizaines d’arrestations arbitraires, des cas de torture et d’exécutions sommaires. Plus de 300 personnes ont été arrêtées durant l’année 2016 pour des raisons liées au conflit, et nos organisations estiment que plusieurs dizaines d’entre elles au minimum sont détenues illégalement, sans mandat d’arrêt ou après l’expiration du délai légal du mandat de dépôt. Des élus locaux et des individus perçus comme coopérant avec l’armée malienne ou les forces internationales subissent des représailles de la part des groupes terroristes ou armés, ce que l’on constate au travers d’une multiplication des assassinats des maires et des notables, et de nombreux cas de menaces et intimidations.