L’affrontement entre les Dogons et les éleveurs peulhs au Mali qui a enregistré une centaine de morts, a fait l’objet de rencontre d’une mission conjointe à la frontière des deux pays. Le gouverneur de la région du Nord, Boukari Khalil Bara et celui de Mopti, Seïdou Toumani Camara sont allés évaluer la situation et rassurer les rescapés de leur sécurité en territoire burkinabè. A la date du dimanche 27 mai 2012, sept sites dans la commune rurale de Banh accueillent les rescapés au nombre de 1108. Voici la vie sur les sites d’accueil.
Ils sont plus de mille déplacés : hommes, femmes, jeunes et enfants dans la commune de Banh. Fuyant la furie de Sari, village malien situé à une quinzaine de kilomètres de la frontière. Groupés sous les hangars et à l’ombre des arbres, ils sont attentifs au moindre bruit. Les femmes et les jeunes filles s’isolent. La main au menton, elles portent des boucles d’oreille et des bagues brillantes au nez. Le corps chétif dans un boubou, le porte-parole des rescapés, Barry Guibrilou Mayo s’est adressé à la mission conjointe avec une émotion désespérée. La liste des biens pillés est longue à l’entendre.
A côté de lui, un autre Barry Assane, qui depuis son arrivée chez les hôtes n’a pu ouvrir la bouche pour s’adresser à quelqu’un. Père de vingt enfants avec six femmes, il affirme qu’ils sont tous tués par l’ennemi. Dans une démarche hésitante avec un regard en détresse, un jeune homme raconte le début de la scène macabre. "L’autre camp, c’est-à-dire les Dogons nous interdisaient de puiser dans le puits du village. Un matin, un des nôtres est allé constater que la margelle du puits était fermée. C’est ainsi que suite à des injures, il a ouvert deux coups de feu sur eux. La situation a dégénéré plus tard et a touché tous les Peulhs habitant Sari ».
La situation est toujours instable
« La consternation est grande », a déploré le maire de Banh, Boukary Barry. " Je salue l’initiative prise pour que ces problèmes connaissent une solution aussi rapide pour que ces populations qui sont dans la nature puissent être réintégrées dans leurs droits », a suggéré le bourgmestre. Car, " c’est une communauté peulh du Mali, mais qui a des proches parents au Burkina ". La situation est toujours instable. Les gouverneurs des deux régions voisines ont rassuré les rescapés de leur soutien. Boukari Khalil Bara, face aux déplacés massifs a peint la situation d’accueil à son collègue du Mali. " Ceux qui sont en face de nous sont des administrés maliens en détresse. Il est de notre devoir en tant que pays ami et frère, de les accueillir et de les soutenir ".
A l’issue d’un recensement exhaustif effectué le 25 mai dernier par le Conseil provincial de secours d’urgence et de réhabilitation du Loroum, il ressort 1108 déplacés. Et leur sécurité pose problème dans la mesure où il y a des velléités belliqueuses qui se font entendre de Sari. « C’est une chasse à l’homme », ajoute le gouverneur. « Nous ne pouvons pas franchir la frontière pour aller porter secours à ses gens en détresse », poursuit-il.
Les autorités maliennes rassurent
« Notre déplacement à Sari est d’abord, a dit le gouverneur de Mopti, d’évaluer la situation sanglante survenue dans le village. » Des choses horribles, des crimes odieux, commis ont été commis par des Maliens sur d’autres Maliens. Et cela pour des raisons non-fondées. " Je voudrais rassurer nos compatriotes rescapés que nous sommes en train, dès ce dimanche 27 mai, de prendre toutes les mesures idoines pour chercher, arrêter et traduire tous les auteurs de ces crimes odieux. Il faudrait qu’ils soient soumis à toute la rigueur de la loi. Des travaux sont en cours pour permettre le retour de ces hommes et femmes. Leur retour dans les foyers et dans la dignité ", a-t-il rassuré. L’autorité malienne souhaite également dynamiser la coopération administrative transfrontalière. Avec un ton ferme, le gouverneur de Mopti a réaffirmé la volonté commune du peuple malien à s’inscrire constamment dans cette dynamique de régions complémentaires.
Un devoir pour les deux camps. Les populations doivent connaître une cohabitation paisible, d’interpénétration et d’échanges féconds. Celles vivant le long de la frontière commune méritent une protection de sécurité particulière. Dans une expression fraternelle, des condoléances ont été présentées aux familles endeuillées. Mais comment survivre sans nourriture ?
Le secours d’urgence
Avant de quitter le village de Djengué, le gouverneur de la région du Nord a rassuré les rescapés, de l’arrivée de vivres et du matériel de protection, offerts par le Conseil national de secours d’urgence (CONASUR). A Banh où nous sommes retournés, à 18 heures le camion dix tonnes estampillé CONASUR a fait son entrée dans la cour de la mairie. Le directeur régional de l’Action sociale qui supervise l’opération, va conduire avec le maire de Banh la distribution des vivres sur les sites. C’est un chargement composé de maïs, du riz, de l’huile, du savon, des ballons de friperies pour enfants et femmes et des lampes-torches. Malgré ce soutien, la rareté de l’eau rend la vie difficile.
L’eau, une ressource rare
À Djengué, il n’y a qu’un seul forage pour les habitants et les déplacés qui ne cessent d’arriver. Un puits d’une grande profondeur à telle enseigne que les dromadaires aident à tirer l’eau avec des bidons transformés pour la circonstance en puisards. Il faut bousculer fort pour se faire servir. Et quand on est étranger (un déplacé) ça se présente sous une autre forme et s’accepte difficilement. Il n’y a pas suffisamment d’eau pour les hommes n’en parlons pas d’animaux. Une ressource rare pour le village et l’école. Cela se remarque très facilement de part les effets d’habillement. L’hygiène est foutue à la porte et les maladies contagieuses ne tarderont pas à se déclarer. Les enfants seront encore les premières victimes. Déjà qu’ils sont déscolarisés.
Sur le plan éducatif
Les conditions d’éducation dans les villages d’accueil laissent à désirer. Deux enseignants pour quatre classes à Djengué. Chacun est chargé d’une classe dite multigrade. Le CM2 et le CM1 ensemble et de l’autre le CP1 et le CE1. Les deux classes font une, en dur inachevé. Mais, celle sous la paillote a déjà perdu son toit avec les premières pluies. Quant aux enfants des déplacés qui fréquentaient respectivement les écoles de Dinacrou et Bangfané au Mali, dont le nombre varie entre 40 à 50, ils sont dans la nature. Ce sera un défi pour les responsables de l’éducation de notre pays de pouvoir réintégrer ces enfants à l’école, quand on sait que l’éducation est la base de tout. Elle libère l’homme et constitue un fondement pour le développement et la paix entre les frontières.