Dans notre parution n°344 du lundi 25 juillet 2016, nous publiions l’histoire d’Oumar Sabo, ce jeune homme qui, après avoir ramassé un diamant, avait été agressé par un prétendu acheteur. La gendarmerie de Sikasso, saisie de l’enquête, a procédé, le jeudi 9 février 2017, à l’interpellation de Youssouf Poudiougo, le présumé agresseur, et de ses complices.
L’histoire commence un matin d’avril 2016. Oumar Sabo se trouve dans le village de Papara, situé en territoire ivoirien, près de la frontière malienne. Sabo décide de rejoindre des parents dans un hameau dénommé Allahmdouliilaye-Dadjan, qui dépend du village de Finkolo, dans la commune malienne de Fourou. Il loue les services d’un motocycliste qui le dépose au bord du marigot qui constitue la limite entre le Mali et la Côte d’Ivoire. Le reste du chemin ne consiste qu’à traverser le marigot pour se retrouver au hameau. Sabo le fait à pied. Pendant la traversée, il aperçoit une pierre qui brille comme le soleil. Pour avoir travaillé dans des mines traditionnelles, il comprend que la pierre brillante est un diamant.
Diamant dans un marigot
Fou de joie, il la ramasse et fonce dans le premier bureau d’achat de pierres précieuses de la localité. Le gérant du bureau, Youssouf Poudiougo, confirme qu’il s’agit bien d’un diamant de 20 kilos d’une valeur marchande de 40 milliards de FCFA! Poudiougou offre d’acheter la pierre et propose à Oumar Sabo 40 milliards de FCFA. Il fait photographier Sabo, le futur milliardaire (photo) et promet de délivrer une attestation certifiant la réception du diamant par son bureau. Youssouf Poudiougo, profitant de la naïveté du jeune homme, lui dit d’attendre dans le bureau: « Je me rends de ce pas à Fourou pour légaliser l’attestation de réception que je viens de te signer ». Quelques heures plus tard, Poudiougou revient avec une attestation. Problème: elle n’est pas légalisée. Pis, sur l’attestation dont avons obtenu copie, il est mentionné que « Oumar Sabo reconnaît avoir reçu des mains de Oumar Sabo » la pierre précieuse. Un non-sens puisque l’attestation est censée prouver que la pierre a été remise à Poudiougou! Ne sachant pas lire, Sabo ne comprend pas que son nom est répété deux fois sur l’attestation et la décharge.
Bastonnade
Vers 15 heures, ce même 2 avril 2016, Poudiougou prend dans son véhicule 4X4 Oumar Sabo pour Bamako, avec la promesse de verser à Sabo le prix de vente de la pierre: 40 milliards. Dans le véhicule, Poudiougou fait entrer trois gaillards. Le voyage se passe bien jusqu’à l’entrée de Bamako. Poudiougou arrête le véhicule dans un endroit obscur et en descend au motif que c’est là que les 40 milliards lui seront remis. Dans la foulée, Poudiougou colle son portable à l’oreille, faisant mine d’appeler ses riches clients. Au même moment, les trois gaillards encerclent Sabo et le rouent de coups. Il est ligoté et laissé pour mort.
Revenu à lui-même le matin, Sabo pousse des cris de détresse qui attirent l’attention d’un passant. Celui-ci lui pose des questions. Après avoir raconté sa mésaventure, Sabo est détaché par le passant. Il rejoint en pleurant son village. Un mois plus tard, guéri de ses blessures, l’infortuné diamantaire revient à Bamako pour réclamer sa pierre à Poudiougou qui le croyait mort. Sabo cherche alors à rencontrer les autorités judiciaires et policières.
Enquête
Après une première plainte auprès du juge à compétence étendue de Kadiolo, Oumar Sabo n’obtient pas gain de cause, bien que devant le juge, Youssouf Poudiougo ait reconnu avoir fait bastonner Oumar Sabo qui, à ses dires, « était en train de perdre la tête ». Pour autant, Poudiougou n’est pas inquiété…
Oumar Sabo n’abandonne pas la partie. Il retourne à Bamako pour rencontrer le procureur général près la Cour d’appel, Mamadou Lamine Coulibaly. Celui-ci charge le procureur de Sikasso de tirer au clair cette ténébreuse affaire. Venu au parquet de Sikasso, Oumar Sabo ne parvient guère à retrouver son diamant. Ni les 40 milliards. Ni même un débaut de solution à sa préoccupation. Sur les conseils d’un parent, il se rend au gouvernorat de Sikasso. Il y est reçu par un conseiller du gouverneur auquel il explique son infortune. Le conseiller semble croire à son histoire et instruit au commandant de la légion de gendarmerie de Sikasso d’ouvrir une enquête. Ce dernier confie l’enquête à la brigade territoriale de gendarmerie de Sikasso. Le commandant de brigade confie à son tour le dossier à un de ses limiers. Le gendarme enquêteur prend tout d’abord la déposition d’Oumar Sabo sur les faits. Pour vérifier les allégations de folie émises contre le plaignant, l’agent enquêteur sollicite l’unité psychiatrique de l’hôpital de Sikasso. Après une semaine d’observation, le médecin conclut qu’Oumar Sabo ne souffre d’aucune maladie mentale de nature à altérer ses facultés de discernement.
Le gendarme enquêteur se décide à interroger Youssouf Poudiougou pour lui demander sa version des faits et, surtout, savoir pourquoi il a fait bastonner Oumar Sabo comme il l’avait lui-même reconnu. Le gendarme fait donc rechercher et place en garde à vue Poudiougou. De même, les trois gaillards qui ont personnellement bastonné Oumar Sabo sont appréhendés. Mais au moment où nous mettions sous presse, l’agent enquêteur faisait l’objet de fortes pressions de la part de certaines personnalités qui souhaitent la libération de Youssouf Poudiougou et de ses complices.
En tout état de cause, l’arrestation de Youssouf et de ses complices est une première victoire d’Oumar Sabo. Et un succès pour votre journal qui a contribué à vulgariser le dossier. L’arrestation est bien la preuve que ce jeune homme est désormais pris au sérieux et qu’il n’a rien inventé au sujet de sa bastonnade. Pourquoi douter alors qu’il ait ramassé un diamant détourné par ses agresseurs ? Affaire à suivre…