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Révision irrégulière de la constitution: La Cour constitutionnelle interpellée
Publié le mardi 14 fevrier 2017  |  Le Matinal
Palais
© Autre presse par DR
Palais de la cour constitutionnelle
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La Cour constitutionnelle du Mali, à la crédibilité douteuse fortement entamée par ses jurisprudences successives, va-t-elle de nouveau courber l’échine sous le poids excessif de sa politisation, ou va-t-elle au contraire, au moins pour une fois, faire preuve de courage et d’indépendance d’esprit pour enfin dire le droit en veillant à la régularité des opérations de référendum constitutionnelle qui s’annoncent déjà dans des conditions d’irrégularité procédurale manifestes ? La question taraude de plus en plus les esprits, alors que le projet de loi constitutionnelle très problématique dont nous détenons la copie, paraît déjà condamné du fait de son inconstitutionnalité.
LE FONDEMENT JURIDIQUE DE LA CONSULTATION OBLIGATOIRE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Le contrôle du référendum à travers la procédure consultative trouve son fondement juridique dans la Constitution, la loi organique sur la Cour constitutionnelle, le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle et la jurisprudence de la Cour constitutionnelle.
En ce qui concerne la Constitution, la révision constitutionnelle est encadrée par les articles 86 et 118 :
- L’article 86 de la Constitution dispose que « la Cour constitutionnelle statue obligatoirement…. sur la régularité…… des opérations de référendum dont elle proclame les résultats »
- L’article 118 est ainsi libellé : « L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et aux députés. Le projet ou la proposition de révision doit être voté par l'Assemblée Nationale à la majorité des deux tiers de ses membres. La révision n'est définitive qu'après avoir été approuvée par référendum. Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire. La forme républicaine et la laïcité de l'Etat ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l'objet de révision ».
Quant à la loi organique n°97-010 du 11 février 1997 modifiée déterminant les règles d'organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle, son article 26 qui complète les dispositions constitutionnelles relatives à la question, précise : « La Cour Constitutionnelle veille à la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats. A ce titre, elle est consultée par le Gouvernement pour l’organisation des opérations de référendum. Elle porte toutes observations qu’elle juge utiles. Elle peut désigner un ou plusieurs délégués choisis avec l’accord des ministres compétents parmi les magistrats de l’ordre judiciaire et administratif pour suivre sur place les opérations référendaires et les élections présidentielles ».
Le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle précise à son article 11 relatif au référendum que « La Cour Constitutionnelle veille à la régularité des opérations de référendum, statue sur leur régularité et en proclame les résultats ».
Au-delà de ces textes juridiques, la consultation obligatoire de la Cour constitutionnelle dans la procédure référendaire trouve également son fondement dans la jurisprudence de la Cour elle-même, tirée notamment de l’Avis n°01-001/référendum du 4 octobre 2001 et de l’Arrêt CC-n°01-128 du 12 décembre 2001 invalidant la loi de révision ad referendum sous le président Alpha.
S’agissant de l’Avis n°01-001/référendum du 4 octobre 2001, il faut préciser qu’il n’a pas la consistance juridique d’un arrêt, même si par ailleurs dans la pratique, on image mal comment, d’un point de vue politique, une procédure référendaire pourrait être poursuivie au mépris de cet avis, surtout dans le cas où il n’était pas favorable à l’initiative présidentielle. Dans son Avis n°01-001/référendum du 4 octobre 2001, la Cour constitutionnelle a passé au peigne fin l’ensemble de la procédure de révision constitutionnelle et est allée jusqu’à se prononcer sur les modifications contenues dans le projet de loi constitutionnelle.
L’arrêt CC-n°01-128 du 12 décembre 2001 quant à lui, va expliciter davantage le sens et la portée que la Cour donne à la procédure consultative liée au référendum. Elle affirme notamment « qu’il s’agit, comme tout avis déclaré non contraignant, d’un avis qui ne lie pas son destinataire, donc dont il peut ne pas être tenu compte sans pour autant vicier la procédure de la révision constitutionnelle ». La Cour précise en outre que « cet avis est juridique exclusivement, qu’il porte sur la régularité de la procédure de la révision constitutionnelle et sur certaines nouvelles dispositions qui créent une contrariété dans le texte constitutionnel ou constituent une régression dans la promotion et ou la protection des droits de la personne humaine et dans la transparence en matière de gestion des affaires publiques ».
En vertu de l’ensemble de ces prescriptions juridiques, le Président de la République a l’obligation constitutionnelle de saisir la Cour constitutionnelle chargée du respect de la Constitution, aux fins d’examiner dans le cadre d’un contrôle préventif, la conformité de son projet de révision constitutionnelle à l’esprit général de la Constitution et aux principes généraux du droit. En l’occurrence, pour s’assurer particulièrement de cette conformité, la Cour constitutionnelle est consultée sur tous les textes relatifs à l'organisation du référendum constitutionnel et a toute latitude pour exercer son contrôle en examinant la régularité de la procédure, la forme du texte, et au fond le respect des limites fixées par la Constitution.

LE CONTENU DE L’AVIS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE DANS LA PROCEDURE REFERENDAIRE
A titre de rappel, il faut savoir que dans le cadre de la procédure consultative engagée lors de la tentative avortée de référendum constitutionnel du Président Alpha, il avait été transmis pour avis à la Cour constitutionnelle les décrets de convocation du collège et de campagne électorale accompagnés du projet de loi constitutionnelle. La Cour avait cependant estimé, sans doute dans des conditions constitutionnellement discutables, que pour qu’elle puisse faire des observations sur les projets de décret, le Président de la République devait au préalable lui transmettre pour avis le projet de loi constitutionnelle et que cet avis devait être publié au Journal Officiel.
En tout état de cause, la procédure consultative offre à la Cour constitutionnelle, le moyen juridique de s’assurer du respect de certaines règles de procédure et de fond en matière de révision constitutionnelle telles que prévues notamment par l’article 118 de la Constitution. A ce titre, ses observations portent sur les règles de procédure régissant la révision constitutionnelle et sur le contenu de la révision constitutionnelle.
Ainsi, du point de vue des règles de procédure de la révision constitutionnelle, la Cour constitutionnelle va s’attacher à examiner deux questions portant essentiellement sur l’initiative de la révision constitutionnelle (Président de la République et députés) et sur le mode d’adoption du projet ou de la proposition de révision, c’est à dire la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale. Ce qui lui permet de se prononcer sur la régularité formelle de la révision Constitutionnelle proposée. Il faut savoir que les observations de la Cour constitutionnelle portent également sur le contenu de la révision constitutionnelle, en particulier du point de vue de sa conformité aux deux derniers alinéas de l’article 118 de la Constitution : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l'objet de révision ».

A cet égard, l’examen de la Cour constitutionnelle tend à vérifier le respect de deux grandes catégories de limitations au fond du pouvoir de révision constitutionnelle : les limitations tenant à la préservation de la forme républicaine de l’Etat, de la laïcité et du multipartisme et la limitation tenant à la circonstance d’atteinte à l’intégrité du territoire.
S’il est difficile à ce stade de se prononcer sur la question des limitations tenant à la préservation de la forme républicaine de l’Etat, de la laïcité et du multipartisme et d’autres questions de fond, il est évident que le projet de révision constitutionnelle initié par le Président de la République méconnaît déjà de façon ostensible l’interdiction de toute révision constitutionnelle « lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». D’où l’interpellation de la Cour constitutionnelle qui ne doit, sous aucun prétexte, s’abstenir de sanctionner l’initiative présidentielle de révision constitutionnelle engagée sous la pression de l'occupant rebelle d’une partie du territoire national qui échappe au contrôle souverain de l’Etat du Mali.

DE L’INTERDICTION D’ENGAGER OU DE POURSUIVRE TOUTE PROCEDURE DE REVISION CONSTITUTIONNELLE LORSQU’IL EST PORTE ATTEINTE A L’INTEGRITE DU TERRITOIRE FACE A L’OCCUPATION DE KIDAL
Etant donné le statut de « territoire hors la République » dont s’est arrogé de facto sinon de jure Kidal, le Président de la République ne peut constitutionnellement engager comme il est en train de le faire, une quelconque procédure de révision constitutionnelle au Mali. En cautionnant cette grave violation de notre Constitution, la Cour constitutionnelle se rendrait coupable d’une jurisprudence scandaleuse et honteuse dont la portée s’avère gravissime y compris dans l’avenir pour notre pays.
Chacun voit bien que cette révision constitutionnelle ne s’inscrit nullement dans l’esprit de la Constitution du Mali et l’interdiction posée à l’article 118 qui vise justement à éviter et empêcher, au moment où les plus hautes autorités ne sont plus libres de leurs décisions comme on le voit bien dans le cadre de la mise en œuvre du fameux Accord d’Alger, tout tripatouillage de la Constitution sous la pression et pour les seuls besoins de groupes armés rebelles.
La notion d’intégrité renvoie à l’état d’une chose, d’un tout qui est entier, qui a toutes ses parties et qui n’a subi aucune altération. Du point de vue territorial, elle suppose l’interdiction de toute atteinte à la consistance physique du territoire d'un Etat ou à son unité politique, étant entendu que le territoire constitue le substrat matériel de la souveraineté. L’intégrité du territoire national suppose le droit pour tout Etat de déployer la plénitude de ses prérogatives, d’exercer toutes les compétences étatiques sur l’ensemble de son territoire national. Toutes choses impossibles à Kidal !
A Kidal, l’Etat malien a été chassé et dépouillé de sa petite parcelle de souveraineté suite à l’occupation de cette localité par des forces irrégulières non étatiques qui en ont fait une enclave, une sorte de sanctuaire ou « no man’s land » sur le territoire national où la République est déclarée « personae non grata » et frappée d’interdiction d’entrée et de séjour sauf autorisation expresse préalable négociée avec les rebelles kidalois.
Il est clair aujourd’hui que la République du Mali souffre d’un grave déficit d’intégrité territoriale au nord du pays et particulièrement à Kidal et que ce déficit est officiellement et unanimement reconnu et dénoncé par de nombreuses voix aussi bien au plan national qu’international. A commencer par le Président de la République lui-même qui disait lors de sa dernière visite à Ségou, qu’« aucune fanfaronnade politicienne ne me fera prendre mon avion pour débarquer à Kidal et créer un incident ». Le Président de la République du Mali n’est pas le bienvenu dans une partie du territoire national ! De nombreux autres leaders nationaux partagent son mea culpa. A l’instar du Président Bocar Moussa DIARRA lors du 2ème congrès de l’UM-RDA tenu le 24 janvier 2017 qui a déploré « l’ineffectivité de la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du territoire national ».
Même l’Assemblée nationale n’a plus la pudeur de se taire sur le statut d’abonnée absente de notre République à Kidal. Sa Commission d’enquête parlementaire sur la visite meurtrière de MARA à Kidal le 17 mai 2014 admet que cette visite a été à l’origine de « l’éviction de l’État de Kidal ». Si l’Etat est « évincé de Kidal » comme cela ressort de la bouche des élus de la nation qui incarnent l’expression même de la souveraineté nationale, que dire de plus quant à l’atteinte à l’intégrité de notre territoire national ?
Au plan international, la vague de dénonciation de l’intégrité territoriale bafouée du Mali est tout aussi déferlante même si elle paraît plus humiliante pour le citoyen malien.
C’est ainsi que dans le Communiqué final de sa 49ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement qui s’est tenu le 4 juin 2016 à Dakar, la CEDEAO « exprime son indignation face à la situation à Kidal où, un an après la signature de l’Accord, le Gouvernement et les Forces de Défense et de Sécurité du Mali n’ont toujours pas accès pour une sécurisation complète du territoire national et exige que cette situation prenne fin ».
Le dernier Sommet Afrique-France tenu les 13 et 14 janvier 2017 à Bamako n’est pas en reste. Dans sa Déclaration finale, les Chefs d’État et de Gouvernement ont « appelé à la restauration et au rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, conformément aux dispositions de l’Accord… ».
A la conférence de presse des Présidents malien et français tenue le 14 janvier 2017 suite au Sommet France-Afrique, François Hollande a été on ne peut plus clair : « l’autorité de l’Etat malien doit s’exercer sur l’ensemble de son territoire. Les patrouilles mixtes doivent commencer pour que le drapeau malien flotte à nouveau à Kidal ».
Comment pourrait-on, si l’on éprouve réellement et non de manière démagogique et politicienne la moindre considération pour la loi fondamentale de notre pays et son esprit républicain, engager une procédure de révision constitutionnelle dans ces conditions ? On est presque tenté de dire que la Cour constitutionnel n’a pas le choix pour dire que la procédure de révision constitutionnelle en cours est contraire à l’article 118 de la Constitution malienne du 25 février 1992. Même si l’on sait aussi hélas, qu’elle croule sous le poids de sa politisation excessive. On peut toujours rêver !
Dr Brahima Fomba
Chargé de Cours à Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)
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