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Témoignage : Qui était Souleymane Ongoïba, maire de la Commune Rurale de Mondoro, Cercle de Douentza ?
Publié le mercredi 15 fevrier 2017  |  Delta News
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Loin des oripeaux de la capitale, dans une région presque délaissée, à la merci des hommes sans foi, ni loi, un homme à la fleur de l’âge a été froidement abattu. Pourquoi ? Nous ne saurons répondre, mais ce que nous savons c’est que l’homme était tout dévoué à sa communauté et principalement à son cercle, Douentza et particulièrement à sa commune, Mondoro. Il a été inhumé dans l’anonymat à Douentza au lendemain du crime. Mais dans sa communauté, il existe des hommes et des femmes qui reconnaissent ses compétences et qui ont tenu à apporter des témoignages sur sa vie si brève mais si intense. Nous en publions un : celui d’un camarade de promotion mais aussi parent et un ami du défunt.

Le Maire de la Commune Rurale de Mondoro, Souleymane ONGOIBA, Petit Souley pour les intimes, a été abattu lâchement le samedi 28 janvier 2017 à Douentza, alors qu’il revenait de la mosquée, après la dernière prière de la journée, Isha. C’est tout un symbole de religiosité que de mourir au sortir d’une mosquée, car la prière est un instant solennel de repentir. C’est le moment qui nous rapproche le plus de notre Créateur. Plaise à Dieu que les mérites de ses prosternations lui soient agréés.



Petit Souley, je ne saurais situer à quel moment nos destins se sont croisés. Dire que nous sommes, tous les deux, nés à Mondoro, et que nous y avons grandi ensemble ne suffit pas pour refléter les liens de parenté, de voisinage, de fraternité et d’amitié qui nous ont liés depuis toujours. En vérité, nous avons en partage presque tout, au cours de plus de cinq décennies de notre vie. Les raisons sont nombreuses et fortes pour que son assassinat me fasse tomber des nues. Notre dernier échange téléphonique a eu lieu exactement le 28 janvier 2017 à 14H.12. Il me consolait dans l’épreuve que je traversais à la suite du décès d’une de mes tantes survenu le même jour à Mondoro, très tôt dans la matinée. Sa voix grave et les formules de condoléances apaisantes qu’il s’est choisies pour me consoler me resteront longtemps en souvenir.

En début janvier, de passage à Bamako, il m’avait donné le privilège de dîner, avec moi, à mon domicile sis à Kalaban Coura. Ce jour-là, nous avions, tout naturellement, abordé, entre autres sujets, la question sécuritaire dans le cercle de Douentza, et de façon spécifique dans la commune de Mondoro. Ma préoccupation était de savoir, compte tenu de la recrudescence de l’insécurité, comment allait-il assurer ses fonctions de Maire, mais aussi mener ses propres activités professionnelles qui lui imposaient de nombreux déplacements dans la zone. Il me répondit dans un style empreint d’humour dont il avait, sans doute, le don, mais aussi avec beaucoup de sagesse et d’humilité : « écoute, Thalès, si je reste enfermé dans ma maison par crainte de l’insécurité, c’est sûr que je finirai par mourir de faim. Alors, je choisis le risque de prendre une balle en menant mes activités professionnelles et en assumant, au mieux que je puis, mes responsabilités de Maire, tout en me remettant à Dieu. » Sans équivoque, ces propos prémonitoires sont ceux d’un homme de foi. Oui, Petit Souley était un homme de foi. Mieux, il avait de la rigueur dans ses pratiques religieuses. Qu’il ait trouvé la mort sur le chemin de la mosquée n’est pas fortuit. L’homme n’ignorait rien des risques sécuritaires qui faisaient partie de son quotidien. Mais, il avait une foi inébranlable en l’Absolu qui reléguait le reflexe sécuritaire au second rang. Sa foi en Dieu défiait toutes les épreuves de la vie.

Petit Souley et moi, comme tant d’autres de notre génération de Mondoro, avons eu en partage la fréquentation de l’Ecole Fondamentale de Hombori au milieu de la décennie 70. De Mondoro à Hombori, les dures épreuves de voyages à pieds, escaladant dunes, vallées et monts, sont au nombre des souvenirs qui me restent et resteront vivaces dans la mémoire. Lorsque nous étions tous ratatinés et tout couverts de poussière pour avoir marché de longues distances, Petit Souley avait le sens de l’humour qui pouvait nous faire oublier, par moment, nos peines et nos tracas. Je ne puis, aujourd’hui, méditer sur la disparition de ce compagnon des moments d’épreuves et d’incertitudes, sans penser aux épisodes stoïques que nous avons vécus enfants. Il est aisé de comprendre combien mon émotion est grande ; elle n’a d’égale que la mélancolie qui brûle mon cœur meurtri.

Tout au long de son parcours scolaire et universitaire, de l’Ecole Fondamentale de Mondoro à l’IPR de Katibougou, en passant par Hombori, Douentza et Sévaré, Petit Souley aura laissé les souvenirs d’un élève ou d’un étudiant d’une intelligence nettement au-dessus de la moyenne. C’est en 1987 qu’il va sortir diplômé de l’Institut Polytechnique Rural (IPR) de Katibougou, section Ingénieur d’Elevage.

A la fin de ses études, le pays se trouve sous ajustement structurel, les chances de recrutement au sein de la fonction publique sont plus que maigres. Sans perspective dans son pays, le jeune diplômé choisira le chemin de l’exil qui le conduira dans les faubourgs d’Abidjan. Malheureusement, la situation ne va guère mieux dans le pays de Félix Houphouët Boigny ; la Côte d’Ivoire n’est plus l’Eldorado d’antan : l’économie est en récession, le chômage augmente en flèche, la xénophobie gagne du terrain. Le jeune malien va vivre la désillusion dans la capitale ivoirienne. Il doit sa survie à la solidarité de la communauté mondoroise d’Abidjan, qu’il n’avait de cesse de louer. Au gré des circonstances, il parvint à intégrer le personnel soignant d’une structure de santé clandestine dans l’un des quartiers populaires d’Abidjan, Koumassi. Très vite, il fera preuve d’un professionnalisme avéré. Il sera apprécié de ses collègues et estimé des nombreux patients de ce centre santé qui sera fermé par les autorités ivoiriennes pour activités illicites. Petit Souley offrira ses services, à son domicile, dans la clandestinité, pendant de nombreuses années.

En septembre 1992, j’ai profité de sa présence pour effectuer un séjour touristique dans la capitale ivoirienne. J’y ai passé des moments agréables, riches en découvertes et en retrouvailles d’amis d’enfance de Mondoro qui vivaient en Côte d’Ivoire. L’épilogue de cette aventure vacancière, Petit Souley me fit découvrir une traduction du Saint Coran, celle de Mohamed Hamidullah que le Roi Fahd considérait comme étant la meilleure traduction du saint Coran qui puisse exister en langue française de nos jours. C’est à cette occasion que j’ai lu, pour la première fois de ma vie, l’entièreté du texte coranique. Grâce à cet ouvrage et aux nombreuses discussions que j’ai euesavec mon hôte, j’ai pu repousser les limites de mon savoir dans le champ religieux. Toute ma reconnaissance à Petit Souley. Je prie Dieu pour que cela lui soit comptabilisé en bien.

Quand bien même vivant en Côte d’Ivoire, l’esprit du jeune malien n’avait jamais quitté le Mali. Mais comment y retourner, sans perspective d’emploi ? C’est en cela que la rencontre de Petit Souley avec son cousin et aîné Hassim B. ONGOIBA, lui-même infirmier de son état, en visite à Abidjan, sera déterminante. Hassim lui proposa d’entrer au pays, précisément à Douentza, lui promettant une place au sein des structures de santé du cercle de Douentza. Effectivement, il réussit à négocier avec les autorités sanitaires locales le recrutement de son cousin au Centre de Santé de Douentza, comme agent de santé.

Ainsi, de retour au pays, il mettra d’abord son talent, son intelligence et ses expériences au service de la population du cercle du Douentza à travers le Centre de Santé au sein duquel il eut à officier pendant quelques années. Encore une fois, il sera victime du professionnalisme dont il faisait preuve. La qualité de ses prestations fit très vite ombrage aux diplômés de médecine humaine qui y officiaient. Le complexe de voir un Ingénieur d’élevage prester mieux, en termes de résultats auprès des patients, que des professionnels du domaine faisait du chagrin à plus d’un. Sa dextérité professionnelle lui a valu mépris et frustrations qui ont conduit à la rupture de son contrat de travail. Comme il n’avait jamais manqué d’imagination, il obtint le mandat vétérinaire pour le cercle de Douentza, en qualité d’Ingénieur d’élevage. Il eut, jusqu’à la fin de ses jours, la passion de servir les éleveurs de notre pays.

Petit Souley n’était pas seulement intelligent ; il était entreprenant. L’homme avait toujours eu l’audace de vouloir transformer ses rêves en réalités. Ainsi créa-t-il au début de la décennie 2000, une entreprise de construction civile. Sur ce terrain qui ne tolère pas la moindre maladresse, compte tenu de la pléthore d’acteurs dans le secteur du BTP, le novice, non sans surprise, fit preuve d’efficacité. Sa nouvelle entreprise s’imposa très vite comme une des plus fiables à l’échelle du cercle de Douentza. Au cours de ces dernières années, il avait arraché des parts importantes de marchés à des entreprises traditionnelles de la région de Mopti. Avec la disparition brutale de Petit Souley, une virtuose de l’entreprenariat rural s’en est allée.

Notre génération d’universitaires ressortissants de Mondoro ne s’est, malheureusement, pas illustrée en politique. Petit Souley en fait exception. Dès les premières heures de l’entrée du Mali dans l’ère démocratique, l’homme n’a pas hésité à s’essayer en politique. Il fut d’abord membre de la section ivoirienne du PSP qu’il représentera au congrès du parti à Bamako en 1993. A son retour au bercail, c’est sous les couleurs de l’ADEMA-PASJ qu’il va galvaniser les troupes dans le cercle de Douentza, et en particulier dans la commune de Mondoro dont il sera le premier Maire élu à l’issue du processus électoral de juin 1999. Miné de tous les côtés par des adversités de toutes sortes et des intrigues les plus malicieuses, son bilan au cours de cette mandature fut loin de refléter sa volonté de bâtisseur. Aux élections communales de la deuxième mandature, il perdit son siège de Maire, mais il réussit à se maintenir au sein du conseil communal. Mais, en homme politique avisé, il sut garder la proximité avec son électorat, au prix d’un altruisme politicien dont il avait le secret. Il fit, sous les couleurs du RPM, un retour tonitruant en novembre 2016 à la tête de la commune de Mondoro, à l’issue des récentes élections. Petit Souley fut investi dans ses fonctions de Maire le vendredi 23 décembre 2016. Il aura exercé ce nouveau mandat pendant 36 jours, avant d’être froidement assassiné. En si peu de temps, à la tête du Conseil Communal, les actes de développement qu’il avait posés resteront pendant longtemps dans les esprits des citoyens de sa commune. Petit Souley s’était impliqué, avec succès, pour le retour des forces de défenses et de sécurité à Mondoro et à Boulikessi, après que celles-ci s’étaient retirées au lendemain des élections communales. Le projet d’électrification de l’ensemble des villages de la commune au moyen de cellules photovoltaïques, avec, déjà, un début d’exécution au chef-lieu de la commune, Mondoro, restera longtemps en mémoire. L’histoire retiendra que Mondoro lui doit les premiers éclairages publics.

La disparition inattendue de Petit Souley, au-delà de sa famille et de ses proches, laisse inconsolables plus 40.000 âmes d’une commune à laquelle il entendait dédier toute son énergie et tout son engagement politique.

Très cher Petit Souley, tu me manqueras aussi longtemps que je serai conscient que le soleil se lève à l’est. Dors en paix Monsieur le Maire. Que Dieu te soit indulgent.

ONGOÏBA Hamidou,

Local Development &Decentralization Policy Consultant

Phone Numbers;

Canada: +1 819 360 64 66

Mali: +223 7 603 60 72
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