Le manque de variétés performantes, la non maîtrise des techniques de transformation et de conservation, l’insuffisance de matériels destinés à la production sont autant de problèmes auxquels la filière est confrontée
Le manioc est une plante cultivée pour ses racines. Il entre pour une grande part dans l’alimentation quotidienne des populations des 2/3 de notre territoire et des pays côtiers de l’Afrique occidentale et centrale. Le manioc est originaire d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud où sa culture est très ancienne. C’est une plante vivace dont la croissance peut s’étendre sur plusieurs années si on ne l’arrache pas. Les feuilles et les tubercules ( les racines), sont utiles. Les tubercules se réunissent en touffe dans le sol et se remplissent d’amidon. Si le manioc forme une centaine de racines, seules quelques unes se transforment en tubercules. La grosseur des tubercules varie de 5 à 15 cm de diamètre . La longueur se situe entre 20 et 80 cm.
L’importance des tubercules est avérée dans l’alimentation des exploitants agricoles au Mali. Pendant la période de soudure cet aliment devient la nourriture de base dans de nombreuses localités du pays. Il s’intègre dans le système d’association traditionnelle de plusieurs cultures sur la même parcelle. Dans les milieux prédisposés à la sécheresse où les pluies sont insuffisantes et irrégulières. Dans ce contexte le manioc comporte moins de risque comparé à plusieurs cultures. Il supporte assez bien la pauvreté de nombreux sols sans apports chimiques.
Le vieux Daouda Coulibaly, originaire du Mali est installé depuis des décennies dans le village de N’zikoro, en Côte d’Ivoire. Il a cultivé le manioc pendant des décennies. Ce paysan blanchi à l’ombre des feuilles du manioc tire les leçons de sa longue expérience. Il enseigne que « la culture du manioc est tellement aisée que dans certains villages on ne tolère pas les voleurs de manioc. Tout le monde peut le cultiver. Par contre les paysans accordent le pardon aux voleurs de céréales surpris dans les champs. Voler le manioc est un crime dans la sagesse africaine. Le coupable de ce vilain acte est vraiment très paresseux. »
La tolérance du manioc envers la pauvreté de nos sols en Afrique est déterminante pour les paysans n’ayant pas les moyens d’acheter des fertilisants. Le manioc par ailleurs s’adapte à la pratique d’une agriculture biologique. Ce système de gestion globale de la production exclut l’utilisation d’engrais, de pesticides et d’organismes génétiquement modifiés. Ces produits réduisent au maximum la pollution de l’air, du sol et de l’eau.
La problématique des aliments devenus dangereux à cause du système de production alimentaire mondiale est d’actualité. Selon un document signé par la FAO (averting risks to the food chain, sauver la chaîne alimentaire mondiale), plus de 200 maladies sont propagées à cause d’aliments contaminés par des bactéries, virus, substances chimiques et radioactives. Excepté la région de Kidal, le manioc est cultivé dans toutes les régions du Mali. Cette culture se fait avec des charrues, une paire de bœufs, une charrette, des tracteurs, de petits outillages. Environ 86% du manioc produit au Mali est vendu à l’état frais. « Les méthodes de transformation connues et pratiquées sont très diversifiées », selon Mme Sangaré Nafatouma Diawara, point focal de la filière manioc à la direction nationale de l’agriculture.
Les réponses des personnes enquêtées sur la question ont porté sur 16 méthodes de transformation pour la zone de Sikasso contre 11 pour la zone de Ségou, 4 pour celle de koulikoro , 5 pour Kayes et 2 pour Mopti. Le manioc est transformé au Mali en « tô », en » dèguè « , en savon . « Mais l’amidon de manioc entre aussi dans la fabrication de la gélule de certains médicaments. Il est utilisé dans la fabrication des papiers. Ces deux utilisations représentent un immense marché, en plus de l’apport du manioc à la sécurité alimentaire. « Cette culture peut donner trois tonnes à l’hectare « , a expliqué Nafatouma Diawara. Le manioc sera une mine d’or si sa culture se vulgarise dans notre pays.
La filière manioc est confrontée à de nombreux défis. Les techniciens citent le manque de variétés performantes, la non maîtrise des techniques de transformation et de conservation, l’insuffisance de matériels destinés à la production. Les animaux en divagation détruisent les champs de manioc pendant que les producteurs sont occupés ailleurs. La filière ne dispose pas encore d’interprofession à cause de la faible organisation des paysans cultivant le manioc malien.
Le point focal assure que des efforts sont en cours pour valoriser cette filière. Elle représente un grand espoir pour la sécurité alimentaire. La culture du manioc peut générer des milliers d’emplois à travers de multiples unités de transformation. N’est ce pas la mission historique du paysan moderne et visionnaire Bakary Togola ? Vivement le séminaire pour l’industrialisation de la production du manioc malien.