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A Bamako, la détresse des candidats au recrutement dans l’armée
Publié le mercredi 15 fevrier 2017  |  sahelien.com
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© aBamako.com par Momo
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Mardi 14 février, il est 6 heures. A Kalaban-coro, au sud-est du district de Bamako. La devanture de la brigade de gendarmerie est noire de monde. Ils sont tous jeunes, il y en a qui, n’ayant pas trouvé de place dans la file indienne qui s’étend jusqu’au bord du goudron, sont agglutinées au mur ou encore perchés sur leur moto. Que cherchent-ils ? Ces jeunes sont candidats au recrutement dans l'armée.

A ce jour, le recrutement dans les forces de défense et de sécurité lancé le 26 janvier dernier se poursuit jusqu’au jeudi 16 février. Il concerne, selon le ministère de la Défense et des anciens Combattants, les services et armées à savoir l’Armée de terre, l’Armée de l’air, la Garde nationale, la Gendarmerie nationale, la direction du Génie militaire, la direction des Transmissions et des Télécommunications des armées, la direction centrale des Service de Santé des Armées, la direction du Matériel, des Hydrocarbures et des Transports des Armées.

Parmi les conditions à remplir pour être candidat, figure l’âge : 18 à 22 ans. Sadio a 19 ans. Après avoir obtenu un Brevet de Technicien (II) en Comptabilité, qui lui a permis de faire un stage de deux mois à la Douane, elle a échoué au concours d’entrée à l’Institut universitaire de gestion (IUG) et à la Fonction publique. Elle est candidate au recrutement pour la Garde nationale. « Je veux tenter ma chance, ça vaut mieux que de rester sans travail. On ne sait jamais », confie-t-elle.

Depuis deux jours, elle broie du noir car ne pouvant déposer ses dossiers sans la « fiche individuelle », qui remplace la carte NINA (Numéro d'Identification Nationale), que son père n’a pu encore obtenir au Centre de traitement des données d’état civil (CTDEC), sis à Korofina. « Des militaires, des vieillards viennent déposer les dossiers de leurs parents, enfants. Je ne sais pas comment ils font mais c’est injuste, pendant que nous, on souffre sous ce soleil de plomb », déplore-t-elle.

« J’aime ce pays, mais vous savez que je suis aujourd’hui prêt à être rebelle parce que je suis fatigué ? Vraiment ! J’ai fait le concours en 2016 à Tominkorobougou, cette année ce sont les mêmes souffrances que nous subissons », ajoute Ousmane (le nom a été modifié), ouvrier à SATOM pour un salaire de 80 000 francs CFA. Il confie avoir payé 1000 francs pour légaliser certains documents qui, croit-il savoir, ne coûtaient que 100 francs avant. Pour lui, il s’agit d’une enchère. « Non, c’est l’état civil qui fixe les prix. La légalisation se fait à 1 000 francs contrairement à la certification qui se fait à 100 francs CFA », explique-t-on du côté de la mairie de Kalabancoro.

Il est 10 heures. La foule n’arrête pas de grossir. Il y a un remue-ménage tel qu’il est difficile de se frayer un chemin. « Un tel monde affiche deux réalités, le désir ardent d'avoir un boulot ou le désir patriotique. Mais à mon avis, c'est le premier cas de figure qui pousse ces jeunes à choisir l'armée. Donc nous devons revoir notre politique d'emploi des jeunes », estime Souleymane Coulibaly, professeur de Philosophie à Kalabancoro.

A la Direction des Transmissions et des Télécommunications des Armées aussi, il y a foule. Nombreux sont ceux qui pensent que cela s’explique par le fait que Bamako est « peuplé », et que dans les régions le dépôt de candidature se fait sans problèmes.

« Le constat est qu’aujourd'hui beaucoup de jeunes s'engagent dans l’armée non pas par conviction mais plutôt par manque d’alternative, ajoute Séga Diarrah, spécialiste en science politique et porte-parole du collectif "Bi-Ton". Malheureusement, nous constatons qu’aucun mécanisme n'a été mis en place pour informer les candidats du métier d'un soldat. S'engager dans l'armée, c'est changer toute sa vie. Le problème est que le recrutement ne sera pas de qualité. Même si cette vague d’embauche est une opportunité pour les jeunes chômeurs, elle ne solutionne pas les problèmes liés à l’emploi que connaît le pays ».

Créé au début du mois de juillet 2016, ce collectif qui réunit une quarantaine d’associations de jeunes sans emploi autour du slogan « IBK, nos 200 000 emplois », était parvenu à faire de la question de l’emploi des jeunes la une de l’actualité.

« Comment peut-on mesurer le degré d’engagement de quelqu’un qui n’est même pas encore recruté ? C’est dans la formation que cela s’acquiert. Et une Commission de recrutement s’en chargera », répond Alassane Maïga, chargé de Communication au ministère de la Défense et des anciens Combattants.

Il ajoute qu’après le recrutement, les jeunes seront sensibilisés sur la vie de militaire. « Quand on postule, cela veut dire qu’on sait à quoi s’attendre », dit-il. « Il fallait d’abord créer des centres d’information pour échanger avec les jeunes. Et proposer plutôt des carrières très variées (informaticiens, mécaniciens, cuisiniers, pilotes d’hélicoptères, combattant de l’infanterie », insiste Sega Diarrah pour qui l’Etat malien doit être encore plus audacieux, en faisant de l’armée un lieu d’apprentissage des règles de la vie en communauté, offrir un avenir aux enfants qui sortent de l'école sans diplôme et se trouvent sans aucune activité par exemple.

Il reste que ce recrutement est vu, au ministère de la Défense, comme une occasion de marquer la rupture avec les précédents qui, selon l’avis le plus partagé, manquaient de transparence. « On ne va pas dire que ça sera parfait, mais ça sera différent », rassure M. Maïga, qui rappelle les innovations introduites dans l’organisation : « C’est la première fois qu’on fait un communiqué pour annoncer le recrutement. Parmi les dossiers, nous avons exigé la carte NINA pour éviter que des étrangers puissent postuler avec de faux documents, et il y aura des logiciels pour centraliser les résultats des 49 cercles. Il n’y aura pas de quotas pour les chefs militaires. »

On ne peut que le prendre au mot. Mais Souleymane n’est pas optimiste malgré ces garanties. Etudiant en première année Anglais-Arabe, il dit tenir à ce concours plus qu’à tout. « Ici, le pays c’est le cousin, le neveu, la tante, le tonton. Ce sera la même magouille », martèle-t-il, couché sur une natte à l’égal de beaucoup d’autres candidats derrière le mur de la brigade de gendarmerie de Kalabancoro. Il est 20 heures. Ils vont y passer la nuit…
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