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Le citoyen et le magistrat : un couple gagnant pour la justice malienne !
Publié le jeudi 16 fevrier 2017  |  Le Pays
Assises
© aBamako.com par A. SECK
Assises de la Fédération internationale des experts comptables et commissaires aux comptes francophones
Dakar, le 24 Novembre 2014 - Mouhamed Boun Abdallah Dionne a présidé, lundi, en compagnie de son homologue malien, Moussa Mara, le démarrage des travaux de la quinzième édition des assises de la Fédération internationale des experts comptables et commissaires aux comptes francophones (FIDEF).
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Notre justice est régulièrement décriée alors qu’elle doit constituer le socle de notre démocratie et le dernier rempart de l’harmonie sociale ! Nos magistrats sont critiqués, au point que leurs grèves soient impopulaires ! Ils forment cependant la substance de notre système judiciaire et doivent être, malgré tous les reproches qu’on peut leur faire, reconnus et considérés comme tel avec le renforcement continu et régulier de leurs conditions et de leurs moyens. Le programme de développement de la justice, depuis plusieurs années, est à la base d’un renforcement sans précédent des outils, aptitudes, effectifs au service de la justice malienne.

Il faut que ces efforts soient au moins maintenus afin que ce secteur vital puisse jouer un rôle accru dans l’édification d’une société de droit, démocratique et garantissant toutes les libertés. Il est accompagné par certaines réformes importantes comme l’ouverture de nos législations aux évolutions internationales, la mise en œuvre des grands chantiers réglementaires dans les domaines civil et pénal, la mise en place de certaines juridictions spécialisées et l’amélioration des moyens des tribunaux dans certains secteurs…Ces mesures illustrent la volonté des autorités à doter la justice malienne de capacités lui permettant d’assumer ses missions.

Malheureusement, force est de le reconnaître, ces efforts ne sont que peu perçus par les justiciables au point qu’aujourd’hui peu de citoyens accordent encore du crédit au système. Les Maliens ne manquent pas d’arguments pour appuyer cette défiance et commencent à développer un grand scepticisme sur les chances d’une véritable amélioration du dispositif judiciaire. Pourtant ce dernier peut être amélioré de manière significative. Plusieurs pistes existent, certaines ont déjà été expérimentées ou sont en voie de l’être. Une d’entre elles n’a pas encore été évoquée alors qu’elle ne présente pratiquement que des avantages. Il s’agit d’une plus grande implication des citoyens dans les processus judiciaires comme cela existe dans le monde anglo-saxon. Cela constituera une grande innovation voir un bouleversement significatif de nos habitudes judiciaires mais s’avérera bénéfique à plus d’un titre.

L’implication des citoyens permettra aux magistrats de décider en s’appuyant sur d’autres convictions que la leur et donc limiter les risques de se tromper et d’entraîner des conséquences fâcheuses. Elle accroîtra la transparence dans les processus, limitera les risques de corruption, de trafic d’influence ou de tentatives diverses de fraudes. Elle facilitera la prise de conscience au sein de la population et son appropriation des questions juridiques et judiciaires rehaussant ainsi l’image de celles-ci dans l’opinion.

Cette nouvelle forme de collaboration sera de nature à rapprocher la justice des justiciables, le magistrat de ceux au nom de qui il travaille. Elle constituera ainsi un des nombreux nouveaux domaines de collaboration entre les citoyens et les autorités publiques, collaboration sans laquelle il sera difficile de mettre le pays en mouvement vers le progrès collectif. Ces retombées bénéfiques pour la justice ne se feront cependant sentir que si la réforme est menée dans de bonnes conditions. Pour ce faire, il est indispensable d’en définir les modalités pratiques.

L’implication des citoyens dans la chose judiciaire dans notre pays se traduit presque uniquement par les jurys (assesseurs) constitués lors des procès d’assises, des assesseurs auprès des tribunaux de travail ou lors des jugements d’hérédité par les tribunaux de première instance. En dehors de ces exceptions, la règle est la prédominance des professionnels (magistrats, avocats généraux, avocats de défense, personnels auxiliaires). Le citoyen ne côtoie la justice qu’en tant que partie ou témoins. C’est ce qu’il faut revoir.

Il est souhaitable qu’à tous les niveaux de juridiction d’instance, y compris les tribunaux de police et les tribunaux abritant les juges de paix à compétence étendue, il soit institué des jurys aussi bien pour des affaires civiles que pénales. Les citoyens concernés doivent être choisis comme cela est fait pour les assises. La sélection doit intervenir afin d’assurer la participation de toutes les forces vives d’un ressort judiciaire donné. Pour des procédures spécifiques (commerciales, fiscales, administratives…), les membres peuvent être sélectionnés en fonction de leurs compétences et expériences pour exercer valablement leurs attributions. Ces fonctions doivent être gratuites car correspondant à un engagement citoyen et être dévolues de manière tournante entre les citoyens pour que chacun puisse effectivement exercer ce devoir.

L’implication des citoyens sous forme de jurys ou d’assesseurs doit être réelle à tous les niveaux de juridiction, aussi bien en appel qu’à la Cour suprême avec le même principe de fonctionnement, en l’occurrence participer aux débats, étudier le dossier et donner son opinion sur la question jugée, qu’elle soit d’ordre civil ou pénal. Le juge tranchera sur la base des débats, de sa connaissance du dossier, de l’avis des assesseurs citoyens et des prescriptions de la loi.

L’implication des citoyens doit être aussi envisagée au niveau des instructions avec la précision des étapes où il sera requis l’avis du jury et les formes dans lesquelles ce dernier sera demandé.

La mise en œuvre de la reforme nécessitera une franche collaboration entre les magistrats et les citoyens impliqués. Cette collaboration s’illustrera par le partage d’informations et de dossiers ; des échanges autour de la procédure et l’accompagnement permanent des citoyens. La décision du magistrat, quel que soit la procédure, doit prendre en compte la position du jury populaire. Si elle devait aller dans un sens contraire à celle-ci, le magistrat motiverait sa décision et l’ensemble des dossiers, notamment les positions du juge de siège et du jury, seront transmises éventuellement à la juridiction supérieure au cas où celle-ci devait être saisie par une des parties. Les magistrats de niveau supérieur qui auront également à collaborer avec les jurys populaires intégreront les divergences en se positionnant par rapport à elles avant d’examiner et de traiter les recours à leur niveau.

La généralisation de l’implication populaire dans les procédures judiciaires créera l’occasion de « civiliser » la justice et de « judiciariser » la société pour finalement créer un environnement où on craindra moins la justice et ses jugements, paraissant quelquefois arbitraires. Nous ne pouvons pas revenir aux formes traditionnelles de justice mais nous pouvons au moins faire en sorte que chacun, en devenant acteur, comprenne et accepte un peu mieux les décisions judiciaires prises en son nom ainsi que les juges qui les formulent. Ces derniers cesseront ainsi d’être en première ligne dès que les populations s’en prennent à l’Etat et à ses symboles.

Moussa MARA moussamara@moussamara.com
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