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Région de Mopti-Segou : Les germes d’une guerre civile
Publié le jeudi 16 fevrier 2017  |  L’aube
Mali
© Autre presse par DR
Mali : cinq soldats portés disparus après une attaque près de Mopti
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Entre 13 et 42 habitants tués le 12 février 2017 dans des hameaux peuls près de Macina (région de Ségou) dans une vendetta ; entre 38 et 50 morts le 1er mai 2016 dans un conflit ethnique entre Peuls et Bambaras du village de Maleimana (région de Mopti) ; 25 forains égorgés et les corps jetés dans un puits par des rebelles le 18 mars 2013 vers Doungoura (région de Mopti) ; plusieurs dizaines d’assassinats ciblés d’imans, de chefs de villages, de conseillers, d’autorités politiques locales ; des exécutions sommaires régulières etc.

Autant d’actes mis à l’actif des groupes armés, des djihadistes, des forces armées maliennes et au compte d’affrontements ethniques dus à des litiges fonciers et des actes de vengeance. Si l’on y ajoute que le centre du Mali semble être complètement abandonné par l’Etat, l’on déduit que les régions de Mopti et de Ségou sont sous la menace évidente d’une rébellion armée, voire même d’une guerre civile. Tous les signes patents qui ont servi de motifs au déclenchement de la crise du nord se dessinent à Mopti et Ségou, à savoir sous-développement, insécurité, absence de l’Etat.

De plus en plus, des groupes et milices d’auto-défense, de groupuscules de règlements de comptes se créent à travers ces régions. De même que se développe une haine accrue à l’égard des agents et des symboles de l’Etat. Toutes les tentatives des associations peules et des regroupements de développement des cercles des deux régions pour parer à l’irréparable risquent d’être anéanties par l’immobilisme, si ce n’est la fuite en avant et l’incapacité de l’Etat. Alors, demain, une autre crise ? Aux autorités faire la bonne lecture des douloureux événements qui se passent dans les régions de Mopti et Ségou et d’anticiper le pire.

Les populations des 4è et 5è régions du Mali se meurent, particulièrement celles implantées dans les cercles de Ténenkou, Youwarou, Douentza, Mopti, Ké-Macina, Niono et Ségou. Régulièrement, celles-ci font en effet l’objet d’exactions de toutes sortes : meurtres, assassinats, coups et blessures, enlèvements de bétails, vols d’engins et d’objets de valeurs, vendetta de la part de groupes armés, de djihadistes, de militaires et autres bandits de grand chemin. Les principales victimes étant en majorité les populations civiles du Macina, du Farimaké, du Méma, du Kounari, du Séno, du Guimballa etc., l’association Tabital Pulaaku (Association des amis de la culture peule) était montée au créneau moult fois, de même que les ressortissants et hommes politiques des deux régions, mais les autorités maliennes n’ont quasiment jamais réagi pas à leur cri de détresse. Alors, les populations des zones concernées ont décidé de prendre leur destin en main, autrement dit se défendre par tous les moyens.

Pour mieux comprendre les malheurs que vivent ces populations et mesurer l’ampleur du danger qui profile à l’horizon, il convient de revenir sur certains faits extrêmement graves et la passivité des autorités face à cette situation dramatique. Juste des exemples à titre illustratif.

Dimanche funeste à Ké-Macina : 42 morts

A ce jour, on ne connait pas encore le bilan exact des affrontements qui ont endeuillé, le 12 février dernier, la commune rurale de Macina suite à des affrontements ethniques entre Bambaras et Peuls. Le bilan officiel fait état de 13 morts. Le correspondant permanent du quotidien national L’Essor donne le chiffre définitif de 20 corps, alors que des sources locales parlent de 42 peuls massacrés.

Tout est parti de l’assassinat d’un boutiquier de Diawaribougou, village situé à 5 km de Macina par deux individus présumés djihadistes. En représailles à cet acte, les chasseurs de la localité ont investi tous les hameaux peuls de la zone, laissant derrière eux des cadavres d’hommes, de femmes, d’enfants et d’animaux et des ruines de maisons incendiées.

Après coup, les autorités ont apporté leur compassion aux blessés et aux familles des victimes.

Le carnage de Maleimana : 50 morts

Dans les journées de dimanche et lundi 2016, un conflit ethnique entre Peuls et Bambaras de Maléimana, village situé à 42 km de Dioura, commune rurale du même nom, cercle de Ténenkou, région de Mopti a causé entre 38 et 50 en fonction des sources. Comme à Ké-Macina, le récit des événements montre clairement et de manière regrettable que l’amalgame a (encore) fait des ravages et que les Djihadistes ont gagné un autre combat, celui de verser ou faire couler largement le sang au sein d’un Islam inventé.

Que s’est-il passé ? Sur la base d’une dénonciation, des Djihadistes (qui parleraient peul) ont abattu deux villageois bambaras de Maléimana, supposés être des indicateurs pour les Famas et les « Blancs ». Les Bambaras ont conclu que c’est sur dénonciation des peuls que les Djihadistes (eux-mêmes taxés d’être des peuls) ont repéré et abattu leurs cibles. En guise de représailles, ils ont tué 4 Peuls. La tension monte dans les deux camps. Chacun de son côté se réunit pour dégager la conduite à tenir.

En route pour la réunion des Bambaras (présidée par le maire), le 1er adjoint du maire et non moins responsable des jeunes, est intercepté et assassiné par les Peuls (qui venaient de perdre quatre parents). Ce qui mit le feu aux poudres. Les réunions sont écourtées pour faire place à l’affrontement. Mais, le duel est inégal. Et pour cause : les Bambaras, en majorité des chasseurs, envahissent le quartier des Peuls et tirent à bout portant sur tout ce qui bouge. Ce n’est pas tout. Durant le reste de la journée du 1er mai et le lendemain, les Bambaras ont constitué des groupuscules qui ont investi les coins de brousse pour exterminer tous les peuls qu’ils croisent ou dans les campements. Le bilan est lourd, et même très lourd, que vous savez déjà.

Le charnier de Doungoura : 25 cadavres au fond d’un puit

A propos de ce massacre, il convient de rappeler que dans l’après-midi du lundi 18 mars 2013, des forains, sur l’axe Dioura-Léré, ont été interceptés dans la plaine dite de Ngagna par des bandits armés enturbannés, à bord de deux véhicules.

Ils furent dépouillés de tous leurs biens, puis, attachés, les yeux bandés, transportés au lieu-dit Neenga, à une dizaine de kilomètres du village de Doungoura (commune rurale de Toguéré Coumbé, cercle de Ténenkou, région de Mopti).

Dans une furie indescriptible, les rebelles fusillent 25 d’entre eux qu’ils jettent dans les profondeurs d’un vieux puits.

Et depuis, aucune poursuite n’a été engagée contre les auteurs du crime, alors qu’ils ont été formellement identifiés par des rescapés. Et depuis, hélas, les dépositions des témoins sont restées sans suite.

Pis, aucune autorité administrative et politique majeure ne s’est présentée sur les lieux : pour constater les faits, pour témoigner les regrets de la Nation aux populations terrifiées, pour consoler les familles éplorées, les veuves et les orphelins.

Les multiples démarches entreprises par les parents des victimes, par des responsables d’organisations de la société civile comme Tabital Pulaaku (Association des Amis de la Culture Peule) et Jikke suudu baaba (Espoir de la patrie) et le Collectif Justice pour les Victimes de Doungoura (Cojvd) auprès des autorités régionales et nationales n’y ont rien fait.

Sur ce dossier, la presse (nationale et internationale) pourtant largement informée et à temps est restée sourde et aphone, les organismes et associations de défense des droits de l’Homme saisis observent le silence.

Cycle infernal

Seule la Minusma, à travers son département chargé des droits humains, s’est rendue à Doungoura du 2 au 4 avril 2014, pour observer les faits et échanger avec les populations.

Le silence d’Etat sur le massacre de Doungoura a engendré un sentiment de frustration et de révolte intérieure, parce qu’il apparait comme un quitus octroyé aux malfaiteurs qui ont commis beaucoup de crimes plus tard. Comme Boubou Tiello Tamboura, accusé d’excès de loyauté et froidement abattu dans sa concession, devant ses femmes et ses enfants à Saré-Kouyé (commune rurale de Toguéré Coumbé) le 4 mars 2015 ; le chef du poste forestier de Diafarabé (cercle de Ténenkou), criblé de balles sur son lieu de travail le 6 avril 2015 ; le chef du village de Dogo (cercle de Youwarou), Amadou Issa Mody Dicko, assommé pour refus de se soumette au diktat d’ennemis de la paix, le 22 avril 2015.

Le 31 décembre 2015, Souleymane Bah dit Kouragal a été assassiné entre Nampala et Dioura. Le 7 janvier 2016, Dioura a été attaquée et les locaux de la mairie saccagés.

Le lendemain, 8 janvier 2016, Ténenkou a été prise pour cible à un moment où le Gouverneur de la région y tenait une conférence de cadres. Les assaillants reviendront à Ténenkou, le 16 janvier 2016. Ils y seront chassés par les forces de défense et de sécurité malienne.

En mars 2016, des éléments des forces armées et de sécurité sont tués par un engin explosif, entre Dia et Diafarabé. Moins d’un mois après, soit avril 2016, Nabé Tamboura est assassiné à son domicile, à Samina.

Le 7 août 2016, des éléments de l’armée malienne sont morts (par noyade) dans le fleuve Diaka, aux environs du village de Kéra.

Le samedi 27 août 2016, quatre personnes ont perdu la vie à Falada, à 20km de Dioura.

En réaction à ce silence coupable des autorités, les communautés des secteurs concernés, meurtries dans leur chair et dans leurs âmes, ont décidé de prendre leur destin en main. On se rappelle qu’à l’issue d’une grande qui a regroupé le mercredi 26 février 2014, 46 villages après le massacre de Doungoura, une association de 120 membres avait été formée sur place pour suivre, encadrer et veiller à l’exécution d’une instruction: « Défendez-vous ! Financez-vous ! Préservez votre cheptel, vos biens, vos vies ! Usez de tous les moyens de défense possibles. C’est au prix de votre existence ». Un mauvais signe dans un pays.

Plus tard, naîtra un vaste mouvement armé peul appelé Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (Ansiprj). Dirigé par Oumar Aldjana, son objectif est de mettre fin aux exactions contre tous les Peuls du Mali, mais particulièrement ceux du centre du pays, victimes d’amalgame de la part des militaires maliens et français : « on les tue, on les agresse pour cela. Ils sont la cible de l’armée, mais aussi de milices proches du gouvernement. Dans la région de Ténenkou, le pouvoir a mis en place une milice bambara pour attaquer les Peuls. Cette milice a reçu des armes, et elle est dirigée par un capitaine de l’armée basé à Ténenkou. Il est temps de réagir. Des gens meurent. D’autres fuient dans des camps de réfugiés en Mauritanie. Nos familles sont dispersées. Les responsables maliens doivent mettre fin à cette barbarie. Tant qu’ils ne feront rien, nous nous battrons ».

Pour lui, l’ennemi numéro 1, c’est l’armée malienne, qui s’en prend à tous les Peuls. « Nous ne tolèrerons plus un seul mort. Nous ne sommes ni des djihadistes, ni des indépendantistes. Nous ne revendiquons pas un territoire. Nous ne sommes pas contre l’accord de paix d’Alger. Nous réclamons aussi la justice. En 2013, l’armée a tué trente Peuls à Léré, qu’elle a balancés dans des puits. Il n’y a eu aucune enquête. Le mois dernier, 90 Peuls ont été tués près de Ténenkou. Des hommes ont été arrêtés, puis ils ont été libérés. C’est inadmissible. Nous ne faisons que réclamer le droit de vivre, comme tout citoyen de ce pays. Et nous irons jusqu’au bout pour sauver l’identité peule. Partout où nous croiserons des soldats maliens, nous les attaquerons ».

Ce discours guerrier ne présage rien de bon dans pays en guerre, mais où l’Etat ne contrôle quasiment plus le centre, en plus du nord. Attention aux germes d’une autre rébellion.

Sékou Tamboura
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