Félon, rebelle dans l’âme et allié avéré de terroristes, l’ex-colonel Hassan Ag Fagaga a été désigné, vendredi dernier, président des autorités intérimaires dans la région de Kidal. Il devait être installé dans ses nouvelles fonctions, le samedi dernier. Raté ! Suite à un revirement spectaculaire, dont les rebelles de Kidal sont coutumiers. Mais la désignation de ce sinistre personnage est en soit une apocalypse. Plus d’un Malien reste encore pantois, tant Fagaga s’est distingué par des actes aussi ignobles qu’inhumains. Que dire de ses victimes ? Elles doivent certainement se retourner dans leur tombe. Retour sur le parcours sombre de ce « président » aux mains ensanglantées.
Le pas est donc franchi. La liste des présidents des autorités intérimaires a été établie par le gouvernement et les groupes armés, « conformément à la conclusion de la réunion de haut niveau qui s’était déroulée la semaine dernière ». Ainsi sur proposition du gouvernement, c’est Hassan Ag Fagaga de la CMA qui a été désigné président des autorités intérimaires dans la région de Kidal. Quel malheur!
Faut-il le rappeler, le nom de l’ex-colonel Hassan Fagaga revient constamment au-devant de la scène, chaque fois que le Nord du Mali est à feu et à sang. Il fut tout d’abord un membre actif du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA), un mouvement indépendantiste touareg modéré actif au sud de l’Algérie, au Nord du Mali et du Niger. Le MPA avait pris les armes en 1990 contre la dictature du président Moussa Traoré. Le MPA faisait partie des Mouvements et Fronts unifiés de l’Azawad (MFUA), qui signe un accord de paix avec le gouvernement malien le 11 avril 1992. Mais les rivalités entre mouvements touaregs auront raison des MFUA.
Finalement, un accord de paix est signé le 27 mars 1996, à Tombouctou, entre les différentes organisations touareg. Et Hassan Fagaga, au lendemain de la cérémonie de la Flamme de la paix, avait intégré l’armée régulière. Ce retour dans le giron de la République a fait long feu. En novembre 2005, il commence à se plaindre de sa situation et du sort de sa région. Le président ATT le reçoit, écoute ses doléances et l’assure que Kidal ne sera jamais oublié dans les projets de développement. Mais Fagaga est un homme pressé, arrogant, rebelle dans l’âme et surtout un habitué aux brelandes. Il réclame le statut particulier de large autonomie pour Kidal.
ATT savait que cette revendication de Fagaga est une véritable menace pour l’unité nationale. Il le fait comprendre à son interlocuteur et lui promet des investissements dans la région : logements sociaux, réseau de téléphonie mobile et relais de la Radiotélévision malienne. Fagaga, qui ne se satisfait pas des engagements d’ATT, prend, en février 2006, le chemin des maquis, en compagnie d’une trentaine d’hommes armés.
Ainsi, une nouvelle génération du MPA apparaît avec cet officier félon qui rejoint l’insurrection armée dirigée par Bahanga, fondateur de l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC). Le duo Bahanga-Fagaga a, au cours de leur folle entreprise, fait de nombreuses victimes (civiles et militaires), lors des vagues d’attaques, dont celles perpétrées, le 23 mai 2006, contre plusieurs garnisons militaires dans les secteurs de Kidal et de Ménaka. Pourquoi avoir rompu la paix conclue en 1996 ?
Hassan Fagaga s’est tout simplement justifié en ces termes : « Nos combattants intégrés dans l’armée sont souvent victimes de graves discriminations ; et rien n’a été fait pour le développement des régions du Nord, dont la marginalisation est la cause principale de notre révolte », confiait-il à Jeune Afrique dans sa parution du 29 mai 2006. Et d’ajouter, « nous voulons une autonomie qui nous permette de gérer nos propres affaires dans le cadre de l’entité malienne. Les Touaregs ne peuvent accepter indéfiniment de vivre comme des citoyens de seconde zone dans leur propre pays ». Vous avez dit arguments fallacieux ?
Aussi, Fagaga réussi à convaincre le commandant Moussa Bah, chef d’une unité basée à Ménaka, de se joindre aux insurgés. Une fois les trois camps vidés de leur arsenal, une centaine d’hommes armés jusqu’aux dents se sont retirés à bord d’une quinzaine de pick-up. Direction : le QG des maquisards du lieutenant-colonel félon.
Le 4 juillet 2006, un accord est signé à Alger entre le MPA et les gouvernements de l’Algérie et du Mali. Fagaga revient à de meilleurs sentiments et promet de ne mener aucune action militaire. Mieux, il quitte de temps à autre son maquis pour « descendre » à Kidal percevoir sa solde de lieutenant-colonel.
Kidal offert au chef d’Ansardine
Étant ce qu’ils sont, la bande de sacripants reprend service en 2007. L’Alliance touareg Niger-Mali (Atnm) est créée à l’issue d’une réunion qui a eu lieu les 25, 26 et 27 juillet 2007 dans le Nord du Niger. Ibrahim Ag Bahanga est considéré comme le chef du mouvement. Le lieutenant-colonel de la garde nationale Hassan Ag Fagaga déserté (encore), le 30 août 2007, l’armée malienne et rejoint Ag Bahanga, son cousin.
L’Atnm, qui dit porter les revendications politiques communes des Touareg du Niger et Mali, mène plusieurs attaques sanglantes. Le 6 mai 2008, elle attaque la caserne de Diabaly, région de Ségou. Et 20 décembre 2008, le poste militaire de Nampala où les rebelles ont abattu 9 soldats de l’armée malienne et blessent 12 autres. En septembre 2007, Ag Bahanga et Fagaga forment un nouveau groupe dissident appelé l’Alliance touareg du Nord-Mali pour le changement (Atnmc).
A partir de cette date et pendant un an et demi, jusqu’à ce que Bahanga soit finalement chassé du territoire malien, ils ont mené une campagne de harcèlement et de terreur contre l’armée malienne. Après sa défaite en février 2009 et le démantèlement de ses campements rebelles, Ag Bahanga a trouvé refuge en Libye. Il a ensuite disparu des écrans radars médiatiques pendant près de deux ans, jusqu’à son retour au Mali, en janvier 2011.
Dans l’après-midi du 26 août 2011, Ibrahim Ag Bahanga est tué dans un accident de voiture, non loin de sa base de Tin Assalak. Il avait beaucoup d’ennemis : l’armée et la population, d’autres dirigeants touaregs qui n’appréciaient pas son agressivité sans compromis, les trafiquants de drogue arabes qui avaient subi ses attaques et ses vols à de nombreuses reprises, ainsi que les services secrets de l’Algérie et de la Libye.
Hassane Fagaga, porté disparu des radars, signe son retour à Kidal en janvier 2012. Il se met encore à la manœuvre avec son mentor Iyad Ag Ghaly, chef d’Ansar Dine, pour déclencher une nouvelle rébellion. Celle-ci regroupe plusieurs mouvements séparatistes et djihadistes. Fagaga et ses compagnons d’Ansar Dine et du Mnla vont ouvrir la voie à l’occupation des régions du nord du Mali.
C’est après la signature de l’Accord d’Alger que Fagaga daigne revenir à Bamako où il a eu droit aux honneurs du président Ibrahim Boubacar.
Aujourd’hui, le Nord du Mali est « dépecé et mis en tas» par le régime IBK qui accorde la part du lion aux criminels de guerre, comme Hassane Ag Fagaga. Celui-ci, qui reste encore un homme de main d’Iyad Ag Ghaly, doit présider les autorités intérimaires à Kidal. Ainsi, selon des observateurs, Kidal est offert sur un plateau d’argent au chef d’Ansardine.