Une centaine de morts à Gao, 13 à Macina dans un affrontement intercommunautaire, chaque semaine apporte désormais son lot de victimes innocentes et de statistiques macabres. La situation est de plus en plus inquiétante. Les uns s’interrogent sur ce qui ne va pas ; les autres interpellent et dénoncent l’absence de l’Etat.
‘’On est en train de banaliser la mort’’
Ainsi pense le PDES, à travers son Secrétaire à la communication et à la mobilisation, Nouhoun Togo, invité du Débat politique de radio Klédu du 9 février dernier. Le responsable du PDES s’interroge finalement sur l’efficacité de la Loi de programmation militaire adoptée depuis quelque deux ans maintenant, avec à la clé beaucoup de milliards de nos francs. « Il faut demander au commandement militaire : qu’est-ce qui ne marche pas ? », dit-il. En attendant une telle éventualité invraisemblable, ce qu’il croit avoir comme une explication partielle est qu’il devrait y avoir un problème de ressources humaines, notamment pour piloter les hélicoptères achetés dernièrement. « La relève n’a pas été assurée », les anciens étant partis à la retraite, la bande à Amadou Aya n’ayant recruté que des parents et proches ; d’où l’envoi en formation de futurs pilotes.
‘’On s’habitue à la mort’’
C’est aussi le point de vue de Sory Ibrahim Traoré de ADP-Maliba : « Ces nombreux morts de militaires, deux maires assassinés…C’est inquiétant ; on s’habitue à la mort ». Pour lui, les autorités n’ont aucune excuse en invoquant toujours l’héritage désastreux qui expliquerait le chaos actuel : « On a promis au peuple de changer justement la donne », rappelle-t-il. Toujours dans le même débat, les invités ont également évoqué d’autres sujets, entre autres, la conférence d’entente nationale, l’opération Ami Kane
Conférence d’Entente Nationale
Débuts peu rassurants pour le PDES et ADP-Maliba
Visiblement la démarche de Baba Akhib Haïdara ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique, du moins si l’on s’en tient aux remarques de Nouhoun Togo (PDES) et Sory I. Traoré de ADP-Maliba. Tous deux partagent le même souci : il ne faudrait pas que le format de la conférence soit fonction de la force électorale des formations politiques. Or, pensent-t-ils, c’est ce qui semble être le cas avec la rencontre sélective des regroupements politiques : majorité, opposition… Baba A.H. « aurait dû réunir ensemble toute la classe politique » au lieu de rencontrer séparément la majorité présidentielle. Dans tous les cas, « Si c’est pour un folklore national, on n’en a pas besoin ; ça doit servir de moyen d’expression à tous les Maliens sans considération des tendances idéologiques », préviennent-ils en substance.
Les citoyens expriment leurs préoccupations
Comme toujours, le Débat politique de Klédu est une occasion vivement attendue par les auditeurs pour chercher à trouver des réponses à leurs questionnements, ou à défaut, pouvoir s’exprimer tout simplement, en espérant un hypothétique soulagement.
« Les Maliens ont-ils seulement conscience de la crise ?»
C’est la question que se pose un citoyen qui constate que « tout le monde demande une augmentation de salaire ». Et un autre d’enchaîner : « Le président augmente son salaire, les magistrats le veulent aussi…Par finir, comme on le voit en Côte d’Ivoire, les militaires aussi finiront par l’exiger… ». Notre commentaire sur ces deux interventions, qui dénotent à priori un certain élan de patriotisme, c’est qu’une partie de la réponse à la première question se trouve dans la seconde remarque. En effet, à partir du moment où « le président [de la République] augmente son salaire », la logique voudrait que les autres suivent la même voie. En d’autres termes, on ne peut se sucrer soi-même et demander l’effort de sacrifice aux autres. C’est un peu comme le prêcheur qui dit : « Faites ce que je vous dis, ne faites pas ce que je fais ». Un tel discours, on ne peut que le tenir dans le désert, ou à part soi. C’est cette même logique de ce qui se passe sur le terrain qui fait dire à cet autre auditeur, non sans amertume sûrement, que « ceux qui se retiennent de détourner les fonds publics n’ont jamais eu de promotion » et qu’au contraire, « il faut bouffer pour avoir une place ».
‘’Opération Ami Kane’’
« Le pouvoir est-il là pour défendre les intérêts des citoyens ou les détruire ? »
C’est la question légitime qu’inspire ‘’l’opération Ami Kane’’ de démolition à ce citoyen. Une opération qui a encore refait parler d’elle avec la démolition des kiosques bordant la sociétaire ‘’partenaire et bénéficiaire’’, Malitel. Qu’en pense ADP-Maliba ? La position du parti de Amadou Thiam n’a pas varié. Le parti n’a jamais remis en question le fond de la décision, mais la forme qui est que l’opération aurait dû être préparée pour éviter tous ces désagréments voire ces désastres. Ainsi, pour Sory I. Traoré, le parti désapprouve toute « occupation anarchique ». Mais au même moment, il ne saurait comprendre que les autorités délivrent des papiers à ces gens et viennent les déloger précipitamment juste au moment où leurs petites affaires commencent à se développer. Pire, il est incompréhensible sinon inconcevable qu’on vienne nuitamment casser tout, comme cela s’est passé aux alentours de Malitel. D’ailleurs, fait remarquer le responsable de ADP-Maliba, la « solution transitoire » obtenue sur un lieu public (le Carrefour des Jeunes) prouve qu’on aurait pu les laisser à leur place en attendant la finition du site promis pour leur réinstallation. Preuve aussi de l’incohérence de la politique gouvernementale.
« Quel est le prix réel de l’avion présidentiel ? »
Décidément le dossier de l’avion présidentiel continue d’intriguer pas mal de gens. Tel cet auditeur qui a un besoin ardent de savoir ‘’combien l’avion présidentiel a réellement coûté au contribuable’’. Il restera sur sa faim puisque les deux invités de Klédu (N. Togo et S.I. Traoré) n’étaient apparemment pas plus avancés que lui : Soumeylou Boubèye a parlé de 7 milliards, Mara de 17 milliards ; il a été fait état aussi de 19 milliards, etc. ont-ils juste rappelé. Avant que N. Togo ne s’étonne que « Tomi lui-même, qui a vendu l’avion, n’a pas donné de prix ». Bref, le prix de l’avion présidentiel du « Mali d’abord » reste une énigme. Un peu comme celui des tracteurs cédés aux pauvres paysans. Nul n’a effectivement le monopole du patriotisme. Seulement à chacun sa façon de l’exprimer.
« Ce chantage ne marchera pas… »
C’est la réplique de N. Togo à un auditeur qui n’appréciait pas visiblement ses interventions : « Nouhoun Togo a travaillé au ministère de la Défense. Il doit contrôler son langage, il parle trop… ». Ces propos de cet auditeur, que M. Togo considère comme un militaire, ont provoqué l’ire de l’ancien Chargé de mission à la Défense : « …Je sais ce qui est un secret militaire et ce qui ne l’est pas…Ce chantage ne marchera pas ; nous sommes en démocratie…ça, c’était sous Moussa Traoré, le KGB en ex-URSS… ». Si nous pouvons nous permettre un petit commentaire, sans juger les opinions de M. Togo, nous pensons qu’il gagnerait un peu plus en adoucissant tout simplement son discours, sans désinvolture, sans trop d’ego. Beaucoup pensent qu’il se vante un peu trop, ce qui agace forcément.
« Que s’est-il passé à Aguelhoc ? »
Cette question d’un auditeur s’adressait à N. Togo du PDES. Apparemment en réaction à ses commentaires sur l’attentat de Gao : « On a demandé une enquête internationale…C’est le MNLA qui a perpétré cette attaque…C’est ce même MNLA qui est reçu sur le tapis rouge à Koulouba… » a-t-il répondu en substance. Non sans rappeler aussi les nombreux morts occasionnés par la visite de l’ex Premier ministre à Kidal, Moussa Mara. A chacun ses morts sur la conscience, peut-on dire, nous autres.
Logements administratifs :
Nouhoun Togo envisage Taoudéni pour le ministre Bathily et tous les autres
Les responsables du PDES et de ADP-Maliba sont unanimes à dire que le « gouvernement a vendu tous les logements administratifs. Aussi préconisent-ils l’un et l’autre une réponse appropriée.
« On va interpeller le gouvernement » sur la question, annone Sory I. Traoré de ADP-Maliba, comptant certainement sur sa force relative à l’Assemblée nationale.
Quant à M. Togo, il est radical : « Quand on sera au pouvoir, on va les envoyer à Taoudéni, Bathily et tous les autres… ». Sauf qu’il faut espérer qu’entre temps, Taoudéni retombe dans le giron malien. Et réhabiliter le bagne de Taoudéni, afin de punir tous ceux qui pillent les ressources de l’Etat. Mais la vraie question est : Qui va envoyer qui ?