Aujourd’hui pas besoin de jouer au hassidi pour crier au « Sauve qui peut » tant la situation du pays est alarmante, voire explosive. Il n’est certainement pas exagéré de faire allusion au titre tant évocateur de ce film « Y’a-t-il un pilote dans l’avion » pour parler du vide et de la léthargie qui semblent durablement s’installer au plus haut sommet de la chaine de commandement de notre malheureux pays.
Les supposés amis du Président brillent curieusement par leur absence, donnant apparemment l’impression d’être très peu préoccupés à s’investir véritablement pour aider leur mentor à sortir de l’ornière. Ils sont plutôt occupés à se livrer à des croches pieds pour se mettre en pole position au cas où, et de se livrer à des combats burlesques et cocasses.
Ils se font des montagnes pour des causes qui n’en valent pas la peine face aux enjeux que nous vivons et dont la résolution est bien plus cruciale que celle de ces histoires d’alcôve qui, fondées ou pas, ne font pas honneur à une nation qui se veut si grande en raison de sa glorieuse histoire. A quoi servent ces gesticulations pour menacer de foudres toutes voix discordantes ou réticentes à entonner l’hymne à la gloire de notre glorieux Président ? A quoi servent ces rencontres incessantes entre des partis politiques pour non pas, discuter sérieusement des maux dont souffre le pays et d’essayer d’y pallier, mais plutôt de nouer des alliances de circonstance pour assurer une glorieuse réélection à un Président dont ils n’ont, jusque-là, rien fait de consistant pour le faire élire ?
Ils semblent avoir oublié l’essentiel dès le début : améliorer et renforcer son image et l’aider à conquérir les cœurs des maliens. Des arguments qui auront certainement bien plus de poids aux futures élections que les achats de voix, menaces et autres intimidations ou tricheries, ou même ces basses et petites manœuvres entre des partis qui se regardent habituellement en chiens de faïence et ne partagent en réalité aucun idéal à part celui de vouloir se partager les dépouilles du pays.
Est-il besoin de rappeler, que le Président IBK a eu pour son élection, à bénéficier d’un élan et ferveur populaires difficilement imaginables sous nos cieux, et qu’à ce titre il est comptable envers cet électorat qui a peut-être plus de légitimité à défendre son bilan ou à souligner les failles de son régime, que tous ces pales politiciens, la plupart en perte de vitesse et dont le seul mérite, pour beaucoup, est de s’être trouvé à ses côtés à un moment si opportun et de s’attribuer presqu’indument les lauriers d’une victoire à laquelle ils n’ont pris qu’une maigre part.
Je peux, sans prétention aucune, dire que je fais partie de cette masse de gens qui, pour une raison ou une autre, se sont dévoués à la cause du Président IBK, faisant partie de la poignée des responsables ADEMA qui ont ouvertement opté pour lui au second tour alors que la ligne officielle était en faveur d’un soutien à Soumaila Cissé.
Mon effort a été tel, qu’à l’issue des élections, le camp IBK à Mopti, tous partis confondus, m’avait désigné pour être la tête de liste des candidats à la députation. Un honneur auquel j’ai dû renoncer suite à une petite distorsion au sein de mon parti et en raison de mon état de santé défectueux à l’époque. Rien que pour cette raison, je me sens légitimement le droit d’émettre mon opinion sur ce sujet, et peu importe la foudre des agressifs défenseurs du temple IBK. Je pense, et je n’en ai jamais fait mystère, avoir porté ce Président dans mon cœur en raison du si bon souvenir que j’ai gardé de l’homme lorsqu’il était Premier Ministre.
Un grand Monsieur généreux, fidèle à la parole donnée même si par la suite, j’ai dû émettre des réserves sur le Président qu’il était devenu et qui était bien méconnaissable à mes yeux. Courtisan, je l’ai pas été, et c’est peut être un langage qui n’existe pas dans le type d’éducation que j’ai reçue, mais sympathisant, observateur attentif et lucide oui. Toute chose qui ne me permet pas de partager la vision du Président IBK, ni d’applaudir à tout ce que je considère comme une erreur de casting presque dès le départ, et l’entêtement à poursuivre dans une voie périlleuse pour le Président, pour son image et pour notre malheureux pays. Aujourd’hui, face au chaos indescriptible que connait notre pays : corruption, insécurité, grognes populaires, etc.
On attend du Président un véritable sursaut d’orgueil et d’humilité pour redresser la barre et retrouver une part de sa crédibilité et de son aura, et peut être de s’offrir une sortie honorable qui n’est pas forcément à la fin de ce mandat. Cela dépendra du dynamisme qu’il saura insuffler non seulement à l’exécutif, mais aussi au législatif dont l’image est lamentable et source d’inquiétudes pour le pays. De même qu’à la justice qui lui échappe totalement et dont il est pourtant le premier responsable. Pour ce faire le Président parait bien seul.
Erreur de casting
Un IBK qui avait à sa disposition des multitudes de personnalités crédibles et dévouées, prêtes à se donner à fond pour l’aider à tirer notre pays des terribles moments dont il sortait à peine, sans compter l’aide d’une communauté internationale compatissante qui regardait le Mali avec des yeux de Chimène et avec beaucoup de sympathie. Au lieu de se comporter, comme on était en droit de l’espérer en chasseur de cerveaux, ce qui est l’apanage de tout dirigeant aimant réellement son pays, et de confier les rênes du pouvoir à des mains compétentes et crédibles, il a préféré former un attelage hétéroclite autour du brave et irréprochable Oumar Tatam Ly.
Ce dernier s’est vu flanquer de beaucoup de gens dont le moins que l’on puisse dire, est qu’ils n’ont jamais brillé, pour certains, par leur abnégation vis-à-vis du pays et du bien public, ni par leur loyauté vis-à-vis de leurs mentors précédents, surtout ATT. Ce pauvre Président qui aujourd’hui doit se mordre les doigts d’avoir su s’appuyer sur de telles personnalités. Je souligne avec humilité, et malgré tout ce qui a pu m’opposer au Président ATT que j’ai rencontré à Dakar à ma demande, lui avoir dit qu’il pouvait se consoler de la lecture, bien que tardive faite sur le côté positif, de son long règne même s’il a au demeurant, indéniablement commis des erreurs sur le choix de ses accompagnateurs.
Le départ de Oumar Tatam Ly a fini par enlever à cet attelage le peu de crédibilité qu’il pouvait avoir. Cet attelage, dès son baptême de feu, s’est empêtré dans de multiples scandales de corruption qui ont valu à notre pays d’être sevré de l’aide internationale pendant un bon moment. A voir certaines de ces têtes qui refaisaient surface, alors qu’elles semblaient irrémédiablement vouées aux oubliettes, on avait l’impression que c’était cette malheureuse boite de Pandore qu’on rouvrait pour le plus grand malheur des maliens.
Depuis lors, à aucun moment, on a eu l’impression d’un recadrage qui aurait amené à faire recours aux meilleurs cadres, ceux dont la probité ne laisserait guère de doute aux yeux des maliens. Mais, on a plutôt assisté à une curieuse distribution de récompenses à ceux qui élèveraient le plus la voix pour jouer aux laudateurs. Ces courtisans, on le sait, n’ont jamais fait le bonheur d’un mentor qu’ils sont toujours prêts à lâcher à la première alerte pour aller offrir leurs services à d’autres. On voit aisément la part néfaste qu’ils ont prise dans la détérioration de ce qui aurait pu être une belle réussite gouvernementale et qui parait aujourd’hui comme un véritable gâchis.
IBK, un homme seul ?
C’est hélas la question qui se pose, quand on voit un Président qui semble souvent désarmé face à des situations qui minent le pays et qui n’hésite pas à clamer qu’il en ignorait l’existence, donnant ainsi l’impression d’un homme trahi à qui on cacherait bien de cruelles réalités. C’est ce qui est malheureusement souvent le cas quand on s’entoure de courtisans qui ne vous diront que ce qui peut plaire à vos sensibles oreilles, à l’image d’un bel air de musique. Pour compliquer la situation, la santé du Président semble bien fragile.
Ce qui explique ces danses du scalp auxquelles semblent se livrer certains de ses proches pour attirer la lumière sur eux au cas où, et donnant l’impression funeste d’une fin de règne qui leur semble inéluctable. Cette situation serait une catastrophe, un tsunami, si le pays devait tomber entre de telles mains si sulfureuses pour certaines d’entre elles. Quelle lecture donner de toutes ces guerres de positionnement à travers journaux interposés autour de ce remaniement qui tarde trop à venir aux yeux de ces fougueux prétendants ? Quelle leçon tirer aussi de la gestion de cette regrettable affaire du président de l’Assemblée Nationale ?
Une affaire qui prend une proportion qui ne va pas forcément dans le sens de la défense de la probité du Président de l’Assemblée qui se trouve plus jeté en pâture par ses zélés soutiens que par l’article incriminé qui n’aurait jamais en lui-même suscité autant d’intérêt macabre, ni de commentaires sulfureux, les maliens étant plutôt tolérants à propos de ces histoires d’alcôve. Tout cela est sordide et ne sert qu'à alarmer l'opinion d'où le titre de cet article qui parle de psychose et de l'art de se faire peur. On focalise le débat sur des futilités en s'éloignant des vrais sujets qui intéressent le devenir du pays.
Il serait, par conséquent, bon de remettre les maliens au travail à l'heure où le pays semble figé dans une profonde léthargie. On voit tous ces ministres aujourd’hui tétanisés par l'idée cauchemardesque de ces remaniements à répétition qui planent comme des menaces en l'air. Il serait aussi bon de doter le pays d'une équipe gouvernementale solide et durable qui ferait appel à des cadres rompus. Toute chose qui est largement à la portée d'un Chef d'Etat qui doit plus à l'électorat qu'aux machines de partis politiques dont certains ne sont venus simplement qu’accompagner une victoire déjà acquise.
Tous les maliens qui ont contribué à l'élection du Président IBK et qui ont tant compté sur sa poigne espèrent que le premier magistrat du pays saura retrouver la plénitude de sa forme physique et l'esprit de fermeté qui a fait jadis sa gloire et qu'il saura rectifier le tir. Est-il vain de rappeler que pour ce faire, il y aura toujours des mains propres et des personnalités, de la trame de Soumana Sacko ou de Oumar Tatam Ly et de bien d'autres qui n'ont jamais mis la main dans le cambouis pour profiter de leur fonction et bâtir en un rien de colossales fortunes ?
De telles présences redoreraient le mandat Présidentiel et permettrait au Président de regagner sur le terrain de l'image et feront quelque peu oublier toutes ces histoires sordides, fondées ou non, de milliards qui se sont volatilisés ou de la mainmise de clans mafieux sur les maigres ressources du pays. Elles pourraient aussi rassurer et redonner de l'espoir à tous ces valeureux cadres qui se sentent si marginalisés et impuissants face à un système où le népotisme est devenue la règle ouvrant la voie royale à bien de médiocrités.
Me. Tapo Abdoulaye Garba,
Docteur en Droit, Universitaire, Avocat et Ecrivain