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Boubacar Boré, président de Yerewoloton: Je voudrais m’exprimer non pas sur cette grotesque anecdote qui n’a en soi pas grand intérêt mais en ce qu’elle révèle de l’état actuel du Mali.
Publié le mardi 28 fevrier 2017  |  le Figaro du Mali
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© aBamako.com par as
Meeting du SADI
15/09/2012. Bamako. Boubacar Boré, président de l`Association Yerewoloton
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Je voudrais m’exprimer non pas sur cette grotesque anecdote qui n’a en soi pas grand intérêt mais en ce qu’elle révèle de l’état actuel du Mali.

Selon moi, le premier aspect essentiel est lié au traitement du journaliste après la révélation des faits. Ce dernier a été kidnappé pendant quelques heures puis passé à la question sur ces sources, sur une éventuelle « sex tape » (enregistrement vidéo amateur d’un ébat sexuel).



L’arrestation ou la séquestration et intimidation d’un journaliste dans un pays soit disant démocratique atteint nos libertés fondamentales de droit à l’information et de droit à la demander. Ce type de répression n’est pas nouveau au Mali. Hormis la période de GMT, elle revient depuis quelques années. Nous l’avons par exemple connue en 2007 avec l’affaire de SOD ( Seydina Oumar Diarra) et en 2012 avec un journaliste enlevé et tabassé par des militaires avides de défendre leur maitre de Kati. Le point commun entre ces deux affaires est qu’elles furent opérées par des agents de l’état (sécurité intérieur) ou des militaires en arme. L’arbitraire et la brutalité de ces arrestations ne laissaient pourtant aucuns doutes sur l’origine des instigateurs. On savait a quel corps ou groupuscule ils appartenaient, on savait rapidement sous ordre de qui ils agissaient (dans le premier cas, sous ATT lui-même via un procureur, dans le second sous Sanogo). Mais depuis deux ans environ, les modes opératoires ont changé : un journaliste a disparu sans laisser de trace (Affaire Ibrahim Touré), un autre également promoteur d’un site d’information de la place a été intimidé avec brutalité ainsi que sa famille, et enfin monsieur Ammy Baba Cissé du Figaro a été kidnappé. Dans ces trois cas (qui ne sont pas les seuls en ce qui concerne l’intimidation), les instigateurs n’ont pu être clairement identifiés.

Une répression à la fois visible et cachée

La question est la suivante : pourquoi la répression directe est -elle devenue pour ainsi dire anonyme en l’espace de 1 an ?

La logique du régime, encore en phase d’essai, est la suivante : face à l’omniprésence internationale (Barkhane, Minusma), le regard suspicieux du FMI ou de la Banque mondiale sur les comptes publiques (rappelons que le régime a été sanctionné –trop faiblement- pour des usages abusifs de l’aide), l’échéance de 2018, … il ne faut pas exposer par-dessus le marché une répression « directe » à ciel ouvert.

-1) Il faut continuer à entretenir au minimum le mythe d’un pays acharné à la tache dans son ouverture vers la démocratie universelle et ne pas trop mettre mal à l’aise les partenaires présents –et très conciliant- au Mali.

– 2) Mais en même temps, il faut faire peur, écraser toute tentative de dissidence et de critique virulente qui pourtant sont censés animer de plein droit un véritable pays démocratique qui tente de résoudre ses contradictions.

Le meilleur moyen alors de réprimer en complément de la répression indirecte, en gardant la vitrine destinée à l’aide intact, est alors une intimidation non signée, c’est à dire officieuse, sans mandat et sans identification. La répression indirecte est malheureusement acceptée et sert de cadre pour habituer la population à l’autoritarisme et sous couvert d’aménagement du territoire (l’affaire Ami kane). Par contre la répression directe « officielle », sans ambiguïtés, avec mandat et identification des agents provoque un tôlé et des manifestations (l’emprisonnement de Ras Bath et la censure des réseaux sociaux sur internet).

Dans un Etat pourvu d’un régime à la dérive, qui multiplie les déboires et les erreurs, mais qui est sous surveillance de la communauté internationale (et le décaissement dépend théoriquement des résultats de cette surveillance), l’intimidation par la séquestration est l’outil nauséabond et à moindre cout du dernier recours. Il s’agit de mettre au pas la population et les dissidences critiques par la mise en place d’un climat anxiogène ou a tout moment la violence peut vous frapper sans aucuns recours possibles.

Objectif : PEUR ET AUTO CENSURE

L’objectif est clair et commence à porter ses fruits : chaque dissident ou journaliste d’investigation critique doit avoir peur et s’auto censurer. Chaque citoyen doit progressivement hésiter avant d’appeler à la manifestation et hurler trop haut sa colère. Le message qui nous ait adressé c’est que nous devons réfléchir à deux fois avant de nous indigner publiquement. Nous devons réfléchir à deux fois avant d’enquêter et de diffuser des informations sur les démonstrations d ‘incompétence et de malhonnêteté du régime. Bref, nous devons nous soumettre à un réseau oligarchique et il nous en coutera emprisonnement, tabassage, enlèvement intimidations et menaces ou encore nous pourrions purement et simplement disparaître si nous devions « parler ».

Le retour de la dictature sous le silence de la communauté internationale

Quand un Etat emploi une telle méthode, quand il en a la couleur, quand il en a l’odeur, il faut savoir utiliser les bons termes pour le nommer et arrêter de tergiverser. Ce terme est celui de « dictature ». Quel que soit le nombre de dissidents frappés, qu’il soit 2 ou 20000, quelle que soit l’issue (la mort, la disparition ou la peur), quel que soit les discours qui visent à en amoindrir la portée, une dictature n’agit pas autrement.

Résister et tenir bon en yerewolo

Nous ne devons pas céder à ces intimidations, à ces opérations « peur » qui visent à limiter nos légitimes indignations et notre quête d’information et de transparence.

Le yerewolo n’est pas celui qui est né ici et qui tire sa légitimité de sa naissance. Le yerewolo est celui qui agit pour le bien commun, pour construire son pays et en préserver les libertés et les étendre. Sans liberté de critique et d’indignation il n’y a pas de développement durable possible. Les journalistes corrompus, qui servent de griot du pouvoir, ont affaibli la profession au Mali. Nous les méprisons. Mais nous devons soutenir ces journalistes incorruptibles ( il y en a) qui nous permettent de connaître la vérité sur le pays. S’ils tombent, nous tombons tous.

Un message personnel pour les instigateurs de la répression

Que les instigateurs de ces répressions comprennent que ce type de stratégie ne peut qu’entrainer une escalade de la violence et de la colère. Si temporairement elle institue un climat de peur, et qu’elle semble limiter la liberté de parole qui pourrait gêner le régime, elle comprime la colère a l’intérieur de chaque malien qui doit également comprimer sa colère de ne pouvoir subvenir a tous les besoins de sa famille dans le cadre d’une politique économique poussive et sous coupe réglée d’un pouvoir oligarchique. Cette compression ne peut qu’entrainer rapidement une explosion qui pourrait bien faire de 2017 un nouveau 2012 a forte déflagration.

La rédaction

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