Plus de deux Français sur trois soutiennent les opérations au Sahel et ils sont presque aussi nombreux à estimer que le budget de la défense doit être maintenu ou même augmenté.
Les Français vivent une lune de miel, inédite depuis plusieurs années, avec leurs armées. Tous les trois mois, l'institut de sondages Ipsos réalise, à la demande du ministère de la Défense, un baromètre sur la perception des opérations extérieures de la France dans l'opinion. La dernière livraison, datée de la fin du mois de janvier, dévoile des chiffres très étonnants. Le fait que 69 % des Français approuvent l'intervention au Mali ne surprend pas, même si un sondage plus récent de l'Ifop pour le site Atlantico place à 60 % les opinions favorables à la guerre. Mais les autres opérations extérieures (Opex) recueillent également de très forts taux d'adhésion: 78 % pour la lutte contre les pirates en Somalie, 50 % pour le Liban et 49 % pour le Kosovo, alors que le maintien de 500 militaires en Afghanistan, pour effectuer des missions de formation, est approuvé par 62 % des sondés. À l'heure où tous les budgets sont comprimés, 66 % des sondés estiment qu'il faut maintenir ou augmenter celui de la défense. En novembre 2011, ils étaient 65 % à penser exactement le contraire. Les Français sont presque aussi nombreux aujourd'hui (63 %) à estimer que la France doit rester une grande puissance militaire et diplomatique dans le monde et ne pas affaiblir son outil militaire.
Faut-il voir dans ces chiffres surprenants un effet Mali? Pleinement assumée par le pouvoir politique, remarquablement menée sur le terrain, l'intervention contre les djihadistes au Sahel a dès le premier jour suscité l'adhésion des Français. Mais la courbe s'était dessinée avant. «Les printemps arabes, la guerre en Libye avaient déjà commencé à convaincre les Français de l'existence d'une menace extérieure concrète et proche, qui les concerne directement. Le Mali, en pointant du doigt cette menace, a amplifié et cristallisé une nouvelle tendance amorcée il y a un an et demi et qui parait solide», analyse Brice Teinturier, le directeur d'Ipsos.
Un sentiment de fierté
La courbe se redresse d'autant plus franchement au début de l'année que l'intervention au Mali a ravivé des sentiments de fierté chez les Français, qui considèrent que la guerre dans le Sahel est légitime et que ses buts sont purs. Dans un contexte de crise et de forte inquiétude pour l'avenir, la réaffirmation de la souveraineté française rassure. Rien à voir avec l'indifférence qui avait accompagné l'engagement en Afghanistan, une guerre lointaine, menée par les Américains, basée sur une stratégie contestable et dont les Français n'ont jamais vraiment eu l'impression qu'elle les concernait directement.
Le regain d'intérêt pour les armées et la défense découle aussi de l'effacement progressif des États-Unis en Europe et au Moyen-Orient. En Libye, les Américains sont volontairement restés en seconde ligne. Ils prônent pour la Syrie une solution diplomatique et annoncent le déplacement de leurs intérêts stratégiques vers l'Asie et le Pacifique, tout en annonçant des coupes dans leur budget de la défense. «Le changement de perception des Français est bien sûr également lié au fait qu'ils réalisent que le travail ne sera désormais plus forcément fait par les autres, notamment par les Américains», explique Brice Teinturier.