«Kidal, le cancer malien n’a pas dit son dernier mot et sa « reconquête » va être laborieuse»
kidalCurieux accords de paix que celui entre le gouvernement malien et le MNLA. Un pas en avant, un coup d’arrêt et un pas en arrière. Voilà le plus vrai des compromis que cet accord de paix bancal et aberrant illustre à merveille : le malaise des deux parties qui campent mordicus sur leurs positions initiales. Pour le gouvernement, « le Mali est une et indivisible », tout le monde connait le refrain. Pour le MNLA (mouvement national de libération de l’Asawad), Kidal est considéré comme la capitale de l’ASAWAD. Une nation dans une nation, mais des deux côtés, on continue à jouer aux dupes.
A partir de là, personne ne sera étonné de la quadrature du cercle vicieux, surtout quand les bisbilles entre le Maroc et le Polisario se déteignent sur le conflit au nord du Mali par le truchement de l’Algérie, la plaque tournante de ces deux conflits.
L’Algérie reste toujours fidèle à son soutien des premières heures aux mouvements de libérations nationales en Afrique. On la voit mal se dissimuler dans ces deux conflits, elle ne s’en cache même pas et tient fermement le Maroc et le Mali en laisse. Elle a eu tout le temps de miner le retour du Maroc au sein de l’UA qui vient d’avaler la couleuvre à Addis-Abeba, en janvier dernier et elle n’est pas prête de jeter l’éponge.
Ensuite, le semblant de paix au nord du Mali ne tient qu’à un mince fil d’Ariane dont le bout se trouve à Alger. La semaine dernière, un décret du gouvernement nommant les autorités intérimaires de Kidal a été rejeté par le MNLA sous prétexte qu’ils n’ont pas été désignés et nommés de commun accord, la cérémonie d’installation fut ajournée sine die, faute d’accord. Les Touaregs ont applaudi en sourdine cette reculade, c’en était bien une et le Mali a avalé la couleuvre sans piper.
Pendant ce temps, la visite du roi Mohamed VI pour une politique de charme et de séduction économique dans quelques pays de la CEDEAO a été annulée à la dernière minute, en dépit d’une clinique moderne flambant neuve, sans véritable explication convaincante. Là, ce sont les Algériens qui ont applaudi en sourdine et les Sahraouis avec éclat.
La question qui reste est épineuse pour le Mali qui se contente d’un semblant de paix mais les braves nouvelles autorités intérimaires de Kidal sont en réalité en no man’s land puisque le drapeau malien ne peut pas flotter sous ce ciel. On s’imagine ce que les Touaregs en feront des écharpes aux couleurs maliennes, qu’ils ont accepté de nouer au cou, une fois hors caméra. Quant au drapeau du MNLA même s’il ne flotte pas encore dans Kidal, du moins sur des édifices publics, c’est déjà une demi-victoire. A moins qu’on ne se trompe ou qu’on ne veuille aller vite en besogne, il se fera voir sous différentes formes dans Kidal dans les jours, mois et années à venir et au fur et à mesure, par instillation, les autorités intérimaires se transformeront en autorités à coloration MNLA.
Il en sera ainsi à Gao et à Tombouctou. Le plan est tracé et visible puisqu’au sud, dans un triangle des Bermudes du désert, entre le Burkina, le Niger et le Mali, un foyer autrement plus dangereux est formé. La partie nord du Burkina, qui est au sud du Mali, a semblé échapper au contrôle de Ouagadougou. En tout cas, les enseignants et élèves ont déserté le coin, l’administration est sur le point de faire autant.
Si le Mali est attaqué au sud par les djihadistes et tenu en laisse au nord, quelle partie de son territoire lui sera plus chère que l’autre à sauvegarder ? La réponse est sans équivoque, il se défendra jusqu’au bout pour défendre le sud. Les rebelles du nord n’auront même pas besoin de faire un coup de boutoir pour avoir les coudées franches et hisser leur drapeau.
On n’a même pas besoin d’être Nostradamus pour voir la suite logique des évènements machiavéliques à venir. L’illusion va-t-elle durer combien de temps encore avec les nouvelles forces d’interposition ? Que de pertes depuis 2012 par orgueil pour une contrée qui cherche constamment à se défiler et qui a des soutiens discrets mais indéfectibles d’un géant.
Pour l’instant, Kidal fait semblant d’être malien, la mort dans l’âme et n’eût été la pression de sa grande marraine du nord, on ne sait pas comment se passerait un jour sans entendre des coups de feu et des attentats en dépit de Barcane, Minusma et autres forces étrangères.
Kidal, le cancer malien n’a pas dit son dernier mot et sa « reconquête » va être laborieuse.