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Djime Kanté, syndicaliste ressortissant de Kita : “Une marche s’imposait à Kita pour exiger l’accès à des soins de qualité”
Publié le vendredi 3 mars 2017  |  le Reflet
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Transmettant télécoms de formation en service au standard du CHU Gabriel Touré, Djimé Kanté est ressortissant de Kita. Il est membre actif de plusieurs organisations de la société civile, dont Globale Santé-Solidarité Mali (AGSS-Mali) et Espoir de Kita. Son engagement syndical explique son implication dans plusieurs activités dans le domaine de la santé. A Kita, les populations ont manifesté le jeudi 23 février 2017 leur ras-le-bol de la détérioration (ressources humaines, plateau technique…) de leur Centre de santé de référence (CS-Réf). Dans cet entretien, Djimé Kanté revient sur son implication dans ce mouvement et le désespoir de la population. Interview.

Le Reflet : Quelle est la raison de la marche de protestation organisée par les populations de Kita le 23 février 2017 ?



Djimé Kanté : Je me suis trouvé indirectement impliqué dans la marche du 23 février 2017 de par mon attachement à la ville et mes relations personnelles avec les organisateurs et certaines autorités. Je suis intervenu comme simple personne ressource. En tant que niamakala (homme de caste), j’étais aussi dans mon rôle de conciliation, d’apaisement pour amener les parties à discuter et à se comprendre sur l’essentiel. Ceci dit, une marche de la population de Kita, surtout de sa jeunesse, s’imposait au vu de multiples problèmes auxquels la ville est confrontée. Nous avons de sérieux problèmes de sécurité, mais surtout d’accès à des soins de qualité.

Le Reflet : Dans quel état se trouve le CS-Réf de Kita aujourd’hui ?

Djimé Kanté : Depuis plusieurs mois une forte crise secoue notre Centre de santé de référence (CS-Réf) qui, il faut le souligner, n’a jamais été géré de façon satisfaisante pour la population. Ces dernières années, les conditions d’accueil, de soins et d’hospitalisation se sont beaucoup détériorées. Sans compter que la morgue ne répond à aucune norme, des patients qui sont soignés comme du bétail et les prix des prestations et des médicaments qui sont fixés à la tête du client.

A ces différents problèmes, il faut ajouter le manque de personnel qualifié et surtout les conflits d’intérêt entre le personnel du Centre mettant souvent en danger la vie du patient. Donc, il fallait attirer l’attention des plus hautes autorités de la ville et du pays sur cet état de fait d’où cette marche.

Le Reflet : Pourquoi avoir attendu maintenant pour dénoncer une situation qui dure depuis des années ?

Djimé Kanté : La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est la mutation du médecin chef qui, sans être totalement clean, essayait tant bien que mal de remettre un peu d’ordre dans les choses. Comme il fallait s’y attendre, le reste du personnel, hostile au changement, ne s’est pas laissé faire. Le département de la Santé y a effectué plusieurs missions pour amener les protagonistes à s’entendre, mais sans suite. J’ai moi aussi mené plusieurs tentatives de médiation sans succès. Cette situation conflictuelle n’était pas sans conséquence sur la santé de la population locale.

Le Reflet : Finalement, c’est le médecin chef qui a été sacrifié ?

Djimé Kanté : Le gouverneur a donc décidé de relever le médecin chef, ce qu’une grande partie de la population trouvait très injuste et souhaitait voir ailleurs tout le reste du personnel indélicat qui, depuis des années, vit de ventes illicites de médicaments et de pratiques malsaines de toute sorte.

Le Reflet : Quelle est la solution préconisée par les populations ?

Djimé Kanté : La marche, c’était aussi pour demander la mise en place d’un comité de gestion inclusif pour une gestion transparente du Centre, le respect de la charte du malade en affichant clairement les tarifs pour les différents actes afin de minimiser les arnaques. Et enfin un point non moins important : la réhabilitation de la morgue qui se trouve dans un état très délabré.

Le Reflet : Quelle a été la réaction du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique ?

Djimé Kanté : Je voudrais remercier le ministère de la Santé et de l’hygiène publique qui a réagi avec promptitude dès qu’il a eu échos de la manifestation. Le ministre, Dr. Togo Marie-Madeleine Togo, sachant que je suis de Kita et me connaissant bien, m’a immédiatement appelé et nous avons échangé près de trente minutes au téléphone. Cet appel a été suivi de celui de son chef de cabinet. A l’issue de mes échanges avec ces personnalités, je suis à mesure de dire que des efforts ont été faits pour le Centre de santé de Kita.

Mais ce qui me réjouit surtout, c’est la volonté du ministère de Tutelle d’apporter, dans les meilleurs délais, des réponses satisfaisantes aux préoccupations de la population. Je ne dévoilerais pas ici ce qui m’a été dit, mais je peux déjà assurer les manifestants que leur message a été entendu et je suis convaincu que la réponse du ministère de la Santé ne saurait tarder.

Le Reflet : Avez-vous réussi à calmer les populations ?

Djimé Kanté : Elles prévoyaient d’autres manifestations. Elles y ont pour le moment renoncé suite à ma médiation. Je leur ai fait comprendre que nous n’avons aucune raison de douter de la bonne volonté et de la sincérité du ministre de la Santé et de l’Hygiène publique. Mais, comme elle n’est pas la seule à prendre la décision, il faut lui donner le temps nécessaire.

Le ministère s’est néanmoins engagé à satisfaire leurs doléances dans les plus brefs délais. J’organiserai prochainement une rencontre entre eux et le ministre sur leurs préoccupations qui n’ont pas été mentionnées dans la lettre remise aux autorités à l’issue de la marche.

Le Reflet : Qu’attendez-vous de l’Etat et des collectivités locales ?

Djimé Kanté : Ce que nous attendons de l’Etat et des collectivités est très simple : à court terme, il s’agit d’être rigoureux non seulement dans le choix des responsables du CS-Réf, mais également dans les sanctions en cas de manquement avéré aux règles élémentaires de la déontologie médicale. Les pauvres paysans ne savent même pas comment et auprès de qui se plaindre en cas d’abus. A long terme, il serait bien de construire deux ou trois autres centres de référence et pourquoi pas un grand hôpital à Kita.

Le Reflet : Quel appel lancez-vous aux populations et aux ressortissants de Kita au Mali et à l’extérieur ?

Djimé Kanté : C’est de leur demander de rester mobilisés, de s’unir et surtout de s’aimer. Les 24, 25 et 26 mars 2017, nous tiendrons à Kita un grand forum pour réfléchir sur le développement de notre ville et chacun devra y aller ne serait-ce que nous apporter une idée. Kita a besoin de chacun de ses fils et de chacune de ses filles. Et c’est une obligation pour nous tous de répondre à son appel à tout moment, en tout lieu et en toute circonstance. Quand on sait d’où on vient, on saura toujours où mettre les pieds.

Propos recueillis par

Moussa Bolly



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