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La conférence d’entente nationale : Une velléité de plus ? (suite) Les arabo-berbères « maitres » du fleuve
Publié le lundi 6 mars 2017  |  Le Sursaut
Moussa
© aBamako.com par A.S
Moussa Mara préside l’ouverture de la 19è session de l’Espace d’interpellation démocratique (EID)
Bamako, le 10 décembre 2014. Le Premier ministre Moussa Mara qui a présidé l’ouverture de la 19è session de l’Espace d’interpellation démocratique au Centre international de conférences de Bamako.
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Dans notre livraison d’il y a quinze jours, nous écrivions : « Et, en mars prochain est prévue une Conférence d’entente nationale. Elle ne manque pas de laisser sceptique.
En effet, ce qui incite au scepticisme, c’est la raison même pour laquelle cette conférence est voulue : « permettre un débat approfondi entre les composantes de la Nation malienne sur les causes profondes du conflit. » (Extrait du projet de Termes de référence). Autant dire que l’on va se réunir pour rien car les causes du conflit ne font de doute pour personne : le conflit a, pour cause, le rejet de la République du Mali par l’une de ses composantes : quelques Arabo-Berbères.
S’intéressant à ces causes, votre hebdomadaire vous propose les lignes qui suivent, susceptibles d’apporter un éclairage sur la question. Les rébellions qui se sont succédé, de 1963 à ce jour, possèdent des causes à la fois lointaines et des causes immédiates. »
Dans cette livraison, il a été question de données qui ne sauraient tromper sur ce à quoi leurs rebelles veulent aboutir : dans un premier temps, l’autonomie, ensuite, l’indépendance de ce qu’ils nomment Azawad. C’est bien ce qui se perçoit à la lecture du Manifeste d’Ançar Din et des propos d’Ambéry Ag Rhissa.
Cette semaine, il sera question des causes lointaines des rébellions.
Du pachalik marocain à la domination touarègue
Les causes lointaines des rébellions remontent à l’année 1591. A cette date, trahi par Bokar Lambar l’Askia Ishaq II est défait à Tondibi. Après quelques moments de flottements, un de ses successeurs, l’Askia Nouh, organise la résistance. Mais, sans que l’on n’en connaisse les raisons, il renonce à la lutte de libération et disparaît. La fin de la résistance songhoï a une série de conséquences : la disparition de l’aristocratie guerrière songhaï, l’instauration de l’anarchie dans la Boucle du Niger, un mouvement de populations s’effectue du Sahel occidental et du Sahara vers le Fleuve.
Mais, de toutes les conséquences, il en est une à retenir particulièrement dans le cadre de cette étude : le passage du pouvoir politique de l’autorité des pachas à celle des Armas. En effet, après Tondibi, les Marocains créent un pachalik avec Tombouctou comme capitale. Mais, vite, les sultans de Marrakech se désintéressent du Soudan, cessent de nommer des pachas. La minorité marocaine se fonde dans la population autochtone. Son métissage avec les indigènes donne naissance à la « caste » des Armas. Ainsi, aux Askia ont succédé les pachas qui, à leur tour, furent remplacés par les alkaydo (une déformation de al cadi : le cadi ?). Mais, l’instabilité politique ne cesse pas pour autant.
Charles Grémont a consacré une étude intitulée Comment les Touaregs ont perdu le fleuve. Il s’y prononce sur les causes de cette instabilité : « Les Armas, affaiblis par les rivalités internes, ont donc vu arriver au cours des XVIIè et XVIIIè siècles, une autorité concurrente, celle des Touaregs. Il s’agissait en fait de plusieurs autorités, car les groupes touaregs étaient nombreux, de forces inégales, de fractions différentes, et aussi, plus ou moins proches géographiquement des rives du fleuve. Comme les Armas avaient tout de même réussi à maintenir des rapports tributaires en leur faveur, et que des chefferies songhaï jouissaient d’une relative autonomie, la configuration politique dans la vallée du fleuve était caractérisée par un système de superposition et d’imbrication de différents pouvoirs. »
Une domination non d’administration ni de gestion, mais de prélèvement
Ainsi, les Arabo-Berbères, déjà présents dans toutes les localités de la région vont se rendre, avec les Armas, copropriétaires du Fleuve. Ils ne créent pas d’Etat, préfèrent la vie en fractions regroupées en tribus et en confédérations au sein desquelles chacun reste attaché à son indépendance. Ils réduisent les populations sédentaires en tributaires, non en esclaves comme le soutiennent certains. Aussi, leur domination sera-t-elle une domination de prélèvement, non une domination d’administration et de gestion.
Sur leurs rapports avec leurs tributaires, Henri Grémont rapporte plusieurs témoignages de chefs sédentaires dont, par exemple, celui de Hafizou Touré, ancien chef de Bourem : « Lors de la conquête marocaine, la plupart des Songhaï guerriers ont quitté le pays. Seuls des Songhaï faibles et des captifs sont restés. Les Armas ont pris toutes les terres (les grands domaines des Askya et d’autres aussi). D’après un tarikh, le Gao Alkaydo (titre que portait le chef arma de Gao), allait chaque année, à la décrue du fleuve, prendre possession du grain récolté, en plusieurs lieux jusqu’à Bamba. Puis les Iwellemmedan nous ont dominés, mais ils n’ont rien changé fondamentalement. Les Armas sont restés à leurs postes, ils étaient des intermédiaires, représentant des gens de la vallée auprès des chefs Iwellemmedan, notamment dans les redevances. »
Le rapport de force entre Négro-Africains sédentaires et Arabo-Berbères nomades est en faveur des seconds. Les livres faisant état de leurs prouesses guerrières sont légions. Ils ont, pourrait-on dire, la guerre dans le sang et, sur ce point, le témoignage de Mériadeck est édifiant : «L’exploit guerrier est au cœur de la société touareg. Le recours à la guerre est consubstantiel du mode de fonctionnement politique du Touareg. » (Les rébellions touarègues au Sahel, page 24).
Usant de ce rapport de force en leur faveur, ils mettent la boucle du Niger en coupe réglée et là, les témoignages les présentent sous un jour peu glorieux. Sékéné Mody Cissoko cite le Tarikh es-Soudan : « La fin de la domination des Touareg fut marquée par d’odieuses exactions sans nombre et des actes d’une violente tyrannie. » et commente : « A la manière targui, ils violaient les portes des maisons, volaient, pillaient, et maltraitaient les habitants. » (Tombouctou et l’Empire songhay, pages 48-49)
Au XIXè siècle, ils vont se heurter à une autorité organisée, celle des Peuls de la Dina d’Hamdallaye. Les affrontements seront nombreux. Cheikhou Ahmadou arrive à les contenir et à établir son autorité sur Tombouctou. Avec la disparition de la Dina, leur autorité sur la vallée du Fleuve ne cesse d’être contestée, en particulier, par les Toucouleurs.
C’est dans ces circonstances que les Français arrivent sur les lieux, après avoir fait la conquête des parties méridionales de ce qui deviendra, par la suite, le Soudan Français.
A suivre
Djawlen Karamako Diarra
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