« L’illustrissime faquin Mazarin », l’auteur des Bréviaire des Politiciens, est un individu particulièrement odieux, sinistre, crapule et simulateur, manque à sa parole, rechigne à payer ses dettes…
Contrairement à Nicolas Machiavel, Mazarin n’est pas un théoricien. Lui importe avant tout l’efficacité. Il ne s’encombre ni de morale, ni, il faut bien le dire, d’équité. Depuis la révolution de mars 1991, il y a un homme politique malien qui a survécu à tous les régimes « les rois changent de ministres, j’ai changé de rois. » (Talleyrand)
Par ambition, vénalité, gout du pouvoir et parfois au nom de l’intérêt général, il cherche des informations sur tout le monde, et de toutes les manières possibles. De l’art de retourner sa veste ce qu’on appelle en politique de l’inconstance est une constance chez lui, son sport favori. Une girouette invisible, comme le sphinx, il renait toujours de ses cendres. Quand on l’éconduit par la porte, il revient toujours par la fenêtre. Il simule et dissimule. Sa superbe longévité politique crée aujourd’hui au tour de lui le culte de la personnalité, que certains mêmes veulent transformer en mythe, ce qui serait une imposture car les mythes ne vivent pas longtemps.
Pour cet homme, le duc de Raguse(Marmont) pardon du quartier du fleuve, l’une des figures classiques de la chorégraphie politique malienne. L’opinion des autres n’a aucune importance, il ne se justifie pas, n’a pas besoin d’être rectifié, n’a pas besoin de plaire à tout le monde et n’a non plus besoin du regard des autres pour exister. Il se croit indispensable pour « conjurer les tempêtes formées par la politique de temporisation et d’immobilité. » Or les basfonds de l’histoire sont remplis d’hommes qui se croyaient irremplaçables. Le secret de sa longévité se résume en ces quelques mots suscités, sinon quoi d’autres ? Après plus de vingt ans passés aux commandes de l’État, qu’est- ce qu’il peut apporter de nouveau ? Or encore et toujours, il se présente comme le dernier rempart contre les maux de notre pays. Comme disait Napoléon Bonaparte : « le peuple est le même partout. Quand on dore ses fers, il ne hait pas la servitude. » Eh oui en politique comme dans la vie sociale, la meilleure façon de faire progresser vos intérêts en fournissant peu d’efforts et sans répandre de sang est de vous créer un réseau d’alliances en constante évolution. Notre Mazarin national l’a bien compris, il se sert des autres pour compenser ses faiblesses, faire son sale travail, combattre à sa place ; dépense leur énergie à le propulser. Toute la finesse de son art consiste à savoir choisir ses alliés en fonction des besoins du moment pour combler les fissures de sa position. Souvent, il les offre des cadeaux, son amitié, aide les si nécessaire n’importe quoi pour les aveugler et les rendre tributaires de lui. Parallèlement, il travaille à dissoudre les alliances des autres, à affaiblir ses ennemis en les isolant. Il forme ainsi des coalitions utiles tout en restant libre de tout mauvais attachement. Pour survivre et avancer dans sa vie, nous sommes constamment obligés d’utiliser les autres : obtenir des ressources, être protégés, trouver une compétence que l’on ne possède pas. Il faut tout d’abord comprendre que nous nous servons tous des gens qui nous entourent. Il n’y a aucune honte à cela, aucune culpabilité à avoir. De même, ne le prenez pas personnellement lorsque vous réalisez que quelqu’un se sert de vous : c’est une nécessité humaine et sociale. Notre Cardinal est extrêmement réaliste, il fait des alliances nécessaires et stratégiques, et s’unisse à des personnes qui peuvent lui obtenir quelque chose qu’il n’a pas. Ces alliances sont des tremplins vers son but. Il sait que l’allié d’aujourd’hui sera peut-être l’ennemi de demain, c’est pourquoi Il ne laisse aucune place pour les sentiments. Il donne plus la priorité à la nécessité et à la valeur de la relation au détriment de la confiance, la loyauté et les valeurs morales. Sa clef pour jouer à ce jeu est d’identifier la personne la plus à même de servir ses intérêts à un moment donné. Il commence par feindre d’aider une personne ou une cause, pour servir ses intérêts par la suite. Pour atteindre son but, il brise la confiance entre ses alliés, poussant l’un des deux partis à soupçonner l’autre, à répandre des rumeurs, à insinuer des doutes sur les motivations des gens, à se lier à l’un pour rendre l’autre jaloux. Mais comme disait Mirabeau : « Tout peut se défendre, messieurs, excepté l’inconséquence » Aujourd’hui, le seul véritable danger est que sa réputation empêche finalement les autres de s’allier à lui, car il est loyal et généreux seulement tant qu’il y trouve son compte. Sinon il ne se laisse jamais attirer par le leurre d’une amitié et d’une fidélité permanente. « Défiez-vous des alliances sentimentales, où la conscience d’avoir fait un beau geste est la seule compensation en échange d’un noble sacrifice. » (Otto Von Bismarck, 1815-1898). Malgré tout beaucoup sont intrigués et séduits par son jeu réaliste et intelligent, car en considérant la plupart des gens qu’il rencontre uniquement et exclusivement comme susceptibles de devenir ses porteurs dans le cadre des voyages de son ambition, il démontre que seuls les résultats de la trahison permettent distinguer l’homme d’État du politicien. On peut certes condamner sévèrement cet appétit de pouvoir qui s’exerce au détriment de toute morale et de tout sentiment, mais c’est là condamner la politique elle-même, en tant que champ autonome de l’activité humaine : un homme politique digne de ce nom vise à conquérir et à exercer le pouvoir souverain, ou bien il n’est qu’un profiteur cherchant à prospérer dans l’opposition. Sans doute peut-il s’interdire le recours à certains moyens que la morale réprouve, mais ce n’est là qu’une concession à des mobiles extrapolitiques, au détriment peut -être de la raison d’État. Un chef de parti, par ailleurs, sait que la girouette par excellence reste le peuple, qui veut la liberté et la sécurité, le mouvement et l’ordre, l’État providence et l’impôt léger : au milieu de ces désirs contradictoires, la girouette opportuniste s’efforce de trouver la formule qui cristallise les aspirations de son temps, pour obtenir la confiance de ses concitoyens, aussi précaire soit-elle. Autant dire que le retournement de veste fait partie intégrante de la démocratie en actes : si les changements de ligne existent dans les régimes totalitaires, ils viennent d’en haut et malheur à celui qui s’en offusquerait ; tandis que le droit imprescriptible de l’homme à changer de camp, par dégout, dépit, colère ou intérêt bien compris, compte parmi les expressions de cette rare et précieuse liberté qui constitue la citoyenneté. Cependant, l’histoire est plus maligne que tous les politiciens de la terre. Malgré leur habileté, elle se joue de ces transfuges et autres indécis aux convictions réversibles qu’on a appelés, au fil des époques, girouettes, moulins à vent, matois, caméléons, opportunistes, saxons, toupies hollandaises, jaunes : autant d’ambitieux que la mémoire oublie et de félons devenus héroïques.