À Tombouctou, plusieurs groupes armés empêchent l’installation des autorités intérimaires prévue hier lundi 6 mars, en exigeant d’être mieux représentés. Après une journée de dimanche, marquée par de vive tension, l’installation des autorités intérimaires a été de nouveau reportée dans la cité des 333 saints, Tombouctou et Taoudénit, dernière étape du processus, après Kidal, Gao et Ménaka.
« Nous venons de donner l’ordre à nos forces d’entrer dans le centre-ville. Des avions survolent nos positions et la tension est vive » assurait à Jeune Afrique dimanche 5 mars un membre du Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) de Tombouctou.
En effet, en fin de journée, plusieurs groupes armés entouraient la ville, empêchés par la force française Barkhane et par les Casques Bleus d’y pénétrer. Depuis, la situation reste confuse. En cette matinée du lundi 6 mars, plusieurs sources confirment que des échanges de tirs ont eu lieu entre l’armée malienne et le CJA dans les faubourgs de la ville. Plusieurs médias rapportent par ailleurs que des check points normalement tenus par l’armée malienne sont à présent aux mains de groupes armés locaux.
Ces tensions surviennent alors que les autorités intérimaires, dont l’installation est prévue par l’accord de paix d’Alger, devaient s’installer dans la ville ce lundi, comme elles l’ont fait dans d’autres villes du Nord Mali comme Kidal, Meneka et Gao.
Une étonnante alliance
En cause : l’accord de paix justement. Plusieurs groupes à ancrage local se considèrent lésés par ce texte ont décidé de passer à l’action, à l’issue d’une « marche populaire » qui a amené le 5 mars des citadins en colère jusque devant l’antenne de la Minusma, la mission onusienne au Nord Mali.
Le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) a pour sa part dénoncé par voie de communiqué une autorité intérimaire « parachutée de Bamako », qui aurait été « imposée », avant d’investir les portes situées au nord de la ville ce dimanche.
Mais le leader principal de la fronde reste vraisemblablement le CJA, scission de la plus grosse coalition rebelle, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). « Nous ne cherchons qu’à être associés à la mise en œuvre de l’accord, mais nous sommes ignorés par les autres parties et ce n’est pas acceptable », explique le porte-parole du CJA, Hamata Ag Elmahdy, à Jeune Afrique.
Participent également à ce mouvement de colère des groupes issus de la Plateforme, loyaliste et anti-séparatiste, et d’autres qui trouvent leur origine dans la rébellion touarègue. Lors de la manifestation pacifique du 5 mars, des banderoles cosignées par des mouvements qu’a priori tout oppose ont été aperçues. Leur point commun : un sentiment de mise à l’écart.
« On trouve des groupes de la Plateforme qui partagent le même problème que nous en matière de représentation dans les autorités intérimaires » commente sobrement un militant du CJA. Les plus puissants mouvements rebelles, de leur côté, s’abstiennent de commenter, ainsi que nous le confirme un militant du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA, membre de la CMA)
Les habitants partagés
Difficile de capter, par ailleurs, le ressenti des habitants. Un jeune militant associatif local reconnaît que des civils ont bien suivi la marche derrière une banderole « Non à l’exclusion, Non aux autorités intérimaires imposées ». Mais il assure par ailleurs que « sur les réseaux sociaux et dans les rues, beaucoup d’habitants demandent au CJA et au MAA de cesser toute action qui puisse entraver la paix et de privilégier un dialogue avec les autorités indiquées, sans pression militaire d’aucune sorte ».
Certains semblent en effet lassés : ce n’est pas la première fois que l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou est reportée. Ces dernières auraient dû commencer à travailler le vendredi 3 mars.
Le CJA ne relâche pas la pression et souffle le chaud et le froid. D’un côté, un militant évoque des renforts basés à plusieurs kilomètres de la ville. D’un autre, Hamata Ag Elmahdy rassure, affirmant que la discussion n’est rompue avec aucune des parties et que des contacts sont maintenus entre chacun.
« Des membres de la communauté internationale ont contacté le colonel Abass Ag Mohamed Ahmad (leader du CJA, ndlr) et lui ont demandé de patienter » assure t-il enfin.
Avec Jeune Afrique