Cela s'est passé à l'aube, dimanche dernier. Un rezzou à l'ancienne, mais avec des 4x4 Toyota armés comme des chars de combat. En quelques minutes, la garnison de Boulikessi, une bourgade située dans le centre du Mali, est assommée, à moitié anéantie par la puissance de feu des assaillants. Onze soldats sont tués. Quelques dizaines d'autres s'enfuient en laissant leurs armes sur le terrain vers la frontière toute proche du Bukina Fasso. Les agresseurs emportent un stock important d'armes et de munitions. Lorsque les hélicoptères français de l'opération Barkhane arrivent, ils ne trouvent plus trace des assaillants et ne peuvent que constater les dégâts. Et l'incapacité d'une armée malienne, insuffisamment entraînée et déterminée, à faire face à ce genre de situation.
L'opération a été revendiquée par un des multiples groupes de la nébuleuse djihadiste qui sévit dans le pays. L'attaque ne survient pas à une date anodine puisque depuis le 6 mars, à Tombouctou, dans une ambiance de tension extrême, des représentants des séparatistes touareg de l'Azawad et des envoyés du gouvernement tentent de mettre en place pour la région des autorités intérimaires mixtes, premier pas espéré vers une réconciliation nationale.
Car c'est là tout le problème de l'action décidée le 11 janvier 2013 par François Hollande pour stopper net l'offensive des groupes armés djihadistes sur le point de prendre Bamako, la capitale, et de transformer cet État du Sahel en État islamique. L'opération militaire a magnifiquement réussi puisqu'en dix jours l'opération Serval a réussi à repousser les assaillants et à reprendre les principales villes du nord du pays. Et, dans les mois suivants, les forces françaises ont pu traquer les rebelles dans leur sanctuaire montagneux de l'Adrar des Ifoghas, où 600 d'entre eux ont été tués.
La France a gagné la guerre, mais cela n’a pas suffi pour gagner la paix.
Mais ces victoires sur le terrain restaient insuffisantes pour ramener l'apaisement, non seulement au Mali mais dans toute la région. Ce qui s'est passé dimanche, donc quatre ans après, le confirme. Comme le dit Jacques Gautier, sénateur LR des Hauts-de-Seine et vice-président de la commission de Défense du Sénat, « la France a gagné la guerre, mais cela n'a pas suffi pour gagner la paix ». Il précise que pour qu'une opération militaire extérieure soit réussie elle doit, bien sûr, faire cesser une menace immédiate mais aussi laisser progressivement la place à des Casques bleus composés de forces de stabilisation régionales, puis à l'armée locale suffisamment entraînée et armée pour assurer la sécurité du pays.
Or, pour le Mali, le passage de relais n'a pas fonctionné pour deux raisons : la médiocrité des Casques bleus régionaux, formés d'unités disparates et mal entraînées et dont l'envoi par leurs gouvernements respectifs est surtout un moyen pour eux de financer leur armée, grâce aux subsides de l'ONU.
Ensuite, l'entraînement de l'armée malienne est effectué par des détachements européens dans le cadre de l'opération EUTM (European Training mission), consentie – sans beaucoup d'enthousiasme – par Bruxelles, pour épauler l'intervention française. Mais la formation des instructeurs européens ressemble à celle que l'on pratique dans les écoles militaires pour des guerres classiques. Traditionnelle, elle est peu adaptée aux conditions de combat sur le terrain et ne prévoit même pas un engagement pratique aux côtés des forces françaises.
La France aura réussi, grâce à la détermination de Hollande, dont le bras a moins hésité dans le domaine militaire qu'ailleurs, à empêcher les djihadistes d'établir une nouvelle tête de pont au Sahel. Mais, pour imposer une paix durable, elle a besoin des autres, et en particulier des Européens. Le mini-sommet organisé lundi à Versailles par le président français avait, entre autres, le dessein de réfléchir à une vraie armée européenne. Avec, par exemple, des instructeurs adaptés à tous les terrains.... suite de l'article sur Le Point