Le conseil des ministres réuni en session extraordinaire, le 10 mars dernier, a adopté, sur le rapport du Premier ministre, un projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992. Aussitôt, le Président de la République sur proposition du Premier ministre, a convoqué l’Assemblée Nationale pour une session extraordinaire avec à l’ordre du jour, ce texte et un autre portant sur le foncier agricole.
Après les Présidents Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, c’est la troisième tentative de révision de la constitution qui a donné naissance à la troisième République. Si personne ne peut nier la nécessité d’une révision constitutionnelle, la démarche actuelle pourrait être jugée par certains observateurs comme non participative. Contrairement aux deux précédentes tentatives de réforme constitutionnelle, celle en cours n’a pas fait l’objet d’une large concertation entre les différentes composantes de la nation. Le comité d’experts a travaillé presque à huis clos.
Curieusement, le communiqué du conseil des ministres conclut que le projet de loi fera l’objet d’une large concertation. L’Assemblée nationale est déjà convoquée en session extraordinaire. Même s’il y aura des écoutes de personnes ressources, il faut reconnaître que le débat parlementaire est réservé à une catégorie de citoyens. A ce stade, on peut difficilement parler de « large concertation ». Juste après le dépôt du rapport des experts, le Président de la République ou le Premier ministre aurait pu organiser une consultation restreinte à son niveau avec toutes les forces politiques et vives de la nation afin de recueillir leurs observations sur le texte. La synthèse de ces écoutes pouvait alors permettre au gouvernement de rédiger le projet de loi. Les échanges à l’Assemblée Nationale allaient enrichir le débat. La voie empruntée exclut une certaine composante.
Le délai entre la convocation de cette session extraordinaire et l’ouverture de la session statutaire d’avril met les honorables députés dans un carcan. Les événements de mars 2012 n’ont pas fragilisé les institutions de la République mais constituent une remise en cause totale du modèle institutionnel et de la gouvernance de la troisième République. Ils ont mis en évidence la prédominance d’un individu qui prime sur toutes les institutions de la République.
La réforme entreprise par le Président IBK et son gouvernement ne devrait donc pas se contenter (comme on en a l’impression) de raccommoder les projets ratés d’Alpha Oumar Konaré et d’Amadou Toumani Touré. Elle devrait permettre au peuple de se pencher sur le mal de la République et de le soigner à travers une reforme profonde, voire radicale de notre système démocratique et des institutions républicaines. Elle devrait donner cette opportunité au peuple de se prononcer sur le modèle de gouvernance qu’il veut appliquer. Tout militait en faveur d’une telle démarche après les tragiques événements de mars 2012 qui ont fait écrouler en l’espace quelques heures les fondements d’une démocratie vantée à travers la planète comme un exemple. En un mot, le système actuel de gouvernance a montré ses limites.
A quoi sert un Premier ministre dans le système actuel ? Le Parlement n’est-il pas une véritable chambre d’enregistrement ou une caisse de résonnance ? De quelles marges de manœuvre les ministres et les directeurs généraux disposent-ils dans la gestion des affaires publiques ? Sont-ils loyaux vis-à-vis de l’autorité qui les nomment ou du pays ? A quoi cela sert de jeter chaque cinq ans des milliards dans l’élection d’un Président de la République au suffrage universel direct ? Ces milliards ne peuvent-ils pas servir à construire d’usines, d’écoles, de centres de santé, de routes, etc. ?
Arrêtons de nous voiler la face. Posons donc les problèmes de la nation avec courage sans opportunisme ni démagogie. Oui à une réforme constitutionnelle, mais non à une réforme de façade.
C.D