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Gao : Le long chemin vers la paix et le développement
Publié le jeudi 16 mars 2017  |  L’Essor
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© aBamako.com par DR
Nord Mali : Une vue de la ville de GAO
Une vue de la ville de GAO
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L’autorité intérimaire de la région étant installée, les défis restent nombreux: sécurité, développement de base, retour des réfugiés …

Aventure. Le mot est pertinent pour apprécier à sa juste valeur un voyage sur Gao, la capitale de la 7è Région administrative de notre pays, plongé depuis 2012 dans une crise sans précédent. Heureusement, le Mali se relève et tente de recoudre le tissu social sauvagement déchiqueté par les rebelles et leurs alliés terroristes.
Le parcours des 1240 km de route commence à la gare routière de Nour Transport à Sogoninko en Commune VI du District de Bamako. Cette compagnie reste fidèle à ce trajet que certains qualifient à juste titre de « route des mines ». En effet, le qualificatif n’est pas galvaudé. Nids de poules (ou même d’autruche), trop longues déviations et bien pire risques de sauter sur des mines… autant d’épreuves à traverser par des voyageurs en proie à toutes les angoisses. Mais les natifs du terroir, comme Abdallah, mon voisin dans le bus, n’ont guère le choix. «Gao, c’est chez moi». Dès lors, il ne peut l’abandonner « pour personne au monde », confie-t-il. Il déplore cependant le fait que sa ville natale, à l’instar des autres régions septentrionales, « se transforme en nid de terroristes et de bandits de grand chemin ».
Sur la route, tout est normal ou presque. Jusqu’à Konna, cette grosse bourgade où le 9 janvier 2013, la France envoya son aviation pour anéantir la horde des djihadistes criant « Allahou Akbar » en fonçant sur la ville de Mopti. A l’entrée de Konna trône la statue de Damien Boiteux, le premier soldat français tombé au champ d’honneur en janvier 2013. Après cette localité désormais célèbre à travers le monde pour avoir été le théâtre d’une bataille épique en 2013, la peur gagne déjà les esprits des voyageurs. Les causeries s’estompent dans le bus. Les regards deviennent de plus en plus hagards. Un silence de cimetière règne dans le véhicule.
Bienvenue au Nord du Mali. Ce n’est pas l’Afghanistan, l’Irak encore moins la Syrie mais le niveau de l’insécurité est suffisamment élevé pour ne pas avoir peur. Le poste de sécurité de Douentza est gardé par des gendarmes, des policiers et des douaniers. Cette localité est le royaume des petits mendiants. Un petit moment d’inattention suffit pour perdre à jamais les traces de votre repas.
Il fait déjà tard. Faut-il y passer la nuit ? Pour des raisons évidentes de sécurité, le conducteur décida d’immobiliser son long véhicule jusqu’au lendemain matin. « Il y a trop de mines sur la route. Le jour, je peux les éviter mais la nuit, c’est vraiment dangereux. C’est pourquoi je préfère dormir ici et repartir de bonne heure », explique le chauffeur qui affirme avoir déjà évité des mines fraîchement posées sur la route. « Je les reconnais à vue d’œil », fait-il savoir avant de sortir un gros téléphone qu’il manipula durant des minutes. Le voyage se poursuit. Le mauvais état de la route inflige des souffrances aux véhicules et à leurs passagers. Les corps réclament du repos mais les passagers, fatalistes, obligent le conducteur à reprendre la route.
Avançant dans le désert, nous dépassons des camions citernes et des véhicules militaires calcinés par l’explosion des mines posées par des gamins en mission commandée par les terroristes. En réalité, explique mon voisin, un militaire qui rejoint sa base, les poseurs de mines et les coupeurs de route sont les mêmes personnes. Ils sont généralement très jeunes et armés, dit-il. Totalement oisifs, ils utilisent leurs armes, comme dans une jungle, pour s’accaparer des biens d’autrui. Et il faut le savoir, ajoute-t-il, ces drogués n’hésitent pas à vous tuer pour disposer de vos biens.

TELLE UNE ZONE FRANCHE. Avant d’arriver au pont Wabaria de Gao, après une trentaine d’heures de voyage, encore des véhicules éventrés par des mines sont amassés au bord de la route. Ils font désormais partie du décor saharien aux côtés des acacias épineux et des dunes de sable. Le poste de contrôle est occupé par les FAMA qui, appuyées par quelques policiers, contrôlent les identités des passagers. En revanche, les coffres des bus ne sont pas inspectés. Le contrôle n’est pas plus rigoureux dans la Cité des Askia, transformée en une zone sûre pour les fraudeurs et les malfaiteurs de tout poil. Malgré le risque élevé d’attentat, le dispositif sécuritaire n’est pas strict et la situation ressemble à un laisser-aller total.
Dans la ville de Gao, les boutiques regorgent de marchandises. Au point que des rues marchandes sont improvisées. La quasi-totalité des véhicules en circulation n’ont connu aucune formalité douanière. Les services d’assiette sont absents à l’exception des douanes qui maintiennent une présence relativement discrète. La fraude organisée profite aux opérateurs locaux et aux transporteurs. Les véhicules neufs viennent de la Lybie, transitant par le Niger. Le lait, le carburant, la farine, les pâtes alimentaires et autres denrées arrivent d’Algérie ou du Niger. Puisque les produits ne sont soumis à aucun droit ni taxe, les prix sont naturellement abordables sur le marché.
Du pont gardé par les FAMA, côté fleuve, à la sortie de la ville en partant vers Ménaka, les immeubles poussent comme des champignons. L’argent abondant de la drogue et du commerce des produits de contrebande sert au moins à embellir la ville. « Vous voyez, en réalité cette crise profite à beaucoup de monde. Ici, une poignée de personnes mangent avec les deux mains, construisant des bâtiments et circulant dans les grosses cylindrées en longueur de journée », s’indigne Harber Maiga, dénonçant le manque de fermeté à l’égard des fraudeurs. « En ville, comme en campagne, tout le monde est armé. C’est pourquoi nous assistons à des braquages à main armée en plein jour dans la ville », confie l’habitant sous un arbre à quelques encablures du camp du MOC où un attentat kamikaze a fait une centaine de morts.

INSÉCURITÉ GRANDISSANTE. Lundi 13 mars, direction Labbezanga, bourgade frontalière avec le Niger à 200 km de Gao. Arrivés à Ansongo, une mauvaise nouvelle nous est annoncée par la brigade de la gendarmerie locale : un groupe de terroristes vient de prendre pour cible une unité des FAMA à Fafa. Deux civils et deux militaires sont tués. Les deux véhicules équipés de mitrailleuses 12-7 et autres armements sont emportés par les assaillants. La veille, selon la même source, des heurts ont éclaté entre des groupes armés. Un homme a été abattu en plein centre-ville parce qu’il refusait de laisser sa voiture à ses agresseurs. Les gendarmes nous conseillèrent de renoncer au voyage de Labbezanga (frontière nigérienne) surtout que des hommes armés ont été aperçus tôt le matin à 5 km du village. Avant de quitter le camp militaire dont le bâtiment est refait à neuf, nous apercevons des soldats passer en trompe à bord de véhicules 4×4. L’idée d’une attaque possible dans la zone ne semble pas inquiéter les militaires en fraction au poste de contrôle. « Tu vois, ils sont trop divertis. Pourtant manifestement, la zone plonge encore une fois dans une nouvelle étape de violence à cause de l’installation des autorités intérimaires », fait remarquer le conducteur.
Retour à Gao. Ici, beaucoup de personnes nourrissent l’espoir du retour à la normale avec l’installation des autorités intérimaires après leur nomination par le gouvernement. D’intenses tractations ont précédé leur installation. Bien que l’accouchement soit difficile, toutes les parties signataires sont désormais sur la voie de la paix. Entre le grand marché bien achalandé et le gouvernorat se trouve le bâtiment du Conseil régional. Ses bureaux sont sécurisés par un détachement du MOC, reconnaissable par le brassard rouge à l’épaulette. Composée d’éléments des FAMA et des groupes armés, cette patrouille facilite le rapprochement des adversaires d’hier.
Coiffé d’un turban, le président sortant du Conseil régional prend la vie du bon côté. Mohamed Ag Mohamed se veut « réaliste » puisque la mise en place des autorités intérimaires est inscrite dans l’Accord pour la paix et la réconciliation. « Je suis en train de préparer les dossiers pour la passation de pouvoir avec le nouveau président », lance-t-il, entouré d’une pile de papiers. Dans un esprit positif, il a indiqué que sa personne ne serait jamais un obstacle à la mise en œuvre de l’Accord de paix parce que « convaincu que la paix n’a pas de prix ». Il affirme avec conviction que les autorités intérimaires sont une phase décisive pour mettre en confiance toutes les parties. Pour lui, le premier défi est de pouvoir faire accepter la nouvelle équipe auprès des populations en posant des actions concrètes de développement sur le terrain.

PRET AU DÉCOLLAGE. Malgré le contexte, l’ancien patron des collectivités de Gao garde la tête froide. Comme il n’est pas totalement à la touche. Il est le 2è vice-président de l’autorité intérimaire et promet de mettre toute son expérience au service de la nouvelle équipe dirigée par Djibril Samaké. De teint noir, celui-ci nous a reçus à son domicile situé à quelques mètres du Tombeau des Askia. « Je suis d’ici, donc chez moi. Je ne suis pas encore aux commandes parce que la passation est prévue incessamment », explique d’entrée en matière, celui qui présidera les collectivités de la 7è région pour au moins les 6 prochains mois. Djibril Samaké qui incarne les nouvelles autorités intérimaires n’a pas encore couché sur papier ses priorités. « J’attends d’abord la passation du service pour savoir exactement les moyens financiers dont je dispose », explique-t-il. Cependant, il mesure d’ores et déjà la charge de ses responsabilités. Pour lui, cette nouvelle instance est une passerelle qui permet à l’Etat de rentrer dans une phase normale en organisant, à terme, des élections. « Je ne suis ni élu ni nommé mais retenu », dit-il avec modestie.
Enseignant de profession ayant parcouru le terroir de long en large, Djibril Samaké doit sortir de son repos de retraité. Il jure être convaincu que la réussite de sa mission dépend de sa capacité à travailler avec des représentants légitimes des trois communautés : arabes, tamashek et sonrhaï. « Il faut qu’à tous les niveaux, l’on dispose de cadres de concertation animés par des gens de bonne foi », développe l’orateur qui compte accorder un intérêt particulier aux femmes et aux jeunes. Lui qui veut être « le métronome de toutes les autorités intérimaires » se dit « prêt » à assumer ses nouvelles charges.
C’est tout le souhait formulé quelques heures auparavant par le directeur de cabinet du gouvernorat de Gao, Boubacar Bagayoko qui s’est félicité du travail pédagogique ayant abouti à un consensus constructif. Il trouve que les revendications des uns et des autres (groupes armés et société civile) sont normales mais la manière de s’y prendre doit compter. Les menaces et les coups de feu sont contreproductifs, ajoute l’administrateur qui trouve que les missions du gouvernorat et des autorités intérimaires sont complémentaires. « Il n’y a aucun chevauchement possible » si tous respectent la réglementation en matière de décentralisation.
Marchant les bras ballants sur le boulevard des Askia, Mohamed Aliou Maiga salue l’avènement d’une nouvelle ère pour sa ville qu’il n’a jamais quittée depuis l’occupation par les terroristes. « Le nouveau chef est natif d’ici. Il connaît le milieu et il est très écouté. Il saura s’occuper des réels problèmes », estime l’habitant qui craint que la situation de blocage à Tombouctou n’affecte sa localité qui se trouve sur une bonne lancée. Mais le cas de la Cité des 333 saints est bel et bien une autre histoire qui mérite certainement d’être contée.
Envoyé spécial
A. M. CISSE
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