Au Mali, la crise de 2012 a créé de nouveaux foyers de tension dans le centre du pays et les réponses de l’Etat ne sont pas exemptes de reproches face à la situation sécuritaire actuelle. Au contraire, les amalgames et l’appui des forces armées sur des milices est en train d’accroître une certaine stigmatisation de la communauté peulh, selon « Enjeux et Dangers d’une crise négligée », une étude de l’Institut Macina effectuée par l’éditorialiste malien Adam Thiam.
Découverte d’une dizaine de peulhs morts dans un puits en 2012 à Douentza, les différentes opérations de ratissage de l’armée accompagnées d’arrestations arbitraires entre 2013 et 2015 ou encore l’opération Seno en 2016 entachent, selon l’étude, l’attitude des forces armées maliennes dans le du centre.
« Nombre d’interlocuteurs, y compris certains occupant actuellement des fonctions officielles à Bamako, reconnaissent que ces bavures ne font qu’accentuer le ressentiment de la communauté peulh à l’égard des autorités, et surtout qu’il s’agit là d’un facteur de radicalisation dont profite certainement Hamadoun Kouffa », indique le document.
Aujourd’hui, le recrutement massif du terroriste Amadou Kouffa au sein de la communauté peulh est en train d’accentuer cet amalgame. Malgré l’assurance des autorités militaires mettant en garde contre toute forme d’exactions, aucun militaire n’a été traduit en justice en lien avec les récents évènements du centre du pays. Chose qui, selon l’étude, aurait pu « rassurer la communauté peulh sur le fait qu’elle n’est pas l’objet d’une stigmatisation de la part de l’État. »
Un autre facteur qui contribue à la dégradation de la situation sécuritaire est la formation des milices par des chefs traditionnels ou l’utilisation par l’Etat de certaines milices pour traquer les terroristes. Comme celles des chasseurs traditionnels.
« A l’origine, leurs éléments auraient été utilisés comme éclaireurs de l’armée avant que, constituées en milice, elles n’engagent elles-mêmes les combats. Leurs succès auraient convaincu les autorités maliennes de bénéficier de leur soutien », souligne Adam Thiam. En exemple, l’éditorialiste cite la mort d’Aboubacar El Chenguetti, cadre d’Aqmi, par la milice Somboro alors dirigée par Théodore Somboro ou encore la main qu’a portée cette même milice à l’armée lors d’une embuscade tendue en mai 2016 dans la forêt de Ségué.
Des succès militaires qui ne sont pas sans conséquence sur la cohésion sociale dans cette zone qui concentre d’innombrables ethnies du pays. « Ces milices opèrent comme un palliatif, illustrant tragiquement la faiblesse de l’État qu’elles ne peuvent en aucune manière suppléer dans sa capacité à restaurer la confiance avec les citoyens », prévient M. Thiam.