Depuis 2013, le leadership de World Vision Mali a engagé un processus de restructuration pour les besoins de s’aligner sur les mêmes structurations des autres pays de la sous-région (Sénégal, Mauritanie, Ghana...). Il fallait donc quitter la forme actuelle des ADP (Programmes de développement Zonal) vers les Cluster : regrouper les ADP par cercle. C’est un besoin de changement normal et irréversible selon le leadership. Cela devrait conduire au licenciement de près d’une centaine de personne. Créant forcément une angoisse généralisée chez les agents, pour qui connaît les difficultés d’accès à l’emploi stable et durable au Mali.
Dans sa stratégie, le leadership a entamé beaucoup de campagnes de sensibilisation des agents, les préparant ainsi à des licenciements ; mais aussi tenter de les rassurer pour que le travail puisse se poursuivre normalement.
Prenant les devants, nombreux sont les agents très compétents et expérimentés qui ont cherché d’autres opportunités pour partir. Ainsi, on a enregistré entre 2015-2017 près de 15 départs à tous les niveaux de responsabilité et pas des moindres, souvent au grand dam de l’organisation (Bureau National, Chefs de programmes, Comptables, agents de terrain….). Une situation inhabituelle voire exceptionnelle dans cette grande organisation qui a longtemps symbolisé dans notre pays l’emploi stable et sûr.
Dans sa logique de sensibilisation, lors d’une tournée de sensibilisation en janvier 2016, le leadership a tenté de rassurer les agents en leur promettant que même s’il y avait des départs, ils seraient indemnisés plus que ce que les lois de l’Etat ne prévoient. Avant de se rétracter pour dire que les indemnisations seront faites selon la loi. Pire, entre-temps, l’audit a été mis au fait d’une situation conflictuelle dans la Base (appelée Centre de service) de San. Une procédure d’investigation assez inhabituelle est mise en place. Il s’agit pour les auditeurs de se rendre dans les villages avec des fiches de paiement des formations de 3 à 4 ans, après ladite formation pour non seulement savoir la participation d’une tierce personne, vérifier sa signature et le montant qu’il a reçu il y a de cela des années. Sans les agents concernés et sans possibilité de confrontation avec les communautés. Leurs seules déclarations pouvaient ainsi suffire pour déclencher des procédures vers le licenciement avec la bénédiction de certains inspecteurs du travail.
À la suite de cette procédure, 3 agents du staff de la Base de San ont été licenciés sans état d’âme. Et le poteau rose était découvert dans le contexte de la restructuration : licenciement à moindre coup et dans le silence. La procédure a été généralisée dans l’ensemble des Bases de World Vision Mali. Ainsi, un agent de terrain, dont nous tairons le nom, est licencié dans la Base de Koro (après 20 ans de service) pour une activité menée en 2014, sans droit, et un de la Base de San (15 ans de service), ne voulant pas subir cette humiliation, a démissionné. Ensuite, un autre agent de terrain fut licencié dans la Base de Kolokani. Portant le nombre à 6 victimes. Des agents ayant tout donné à l’organisation, des chefs de famille qui se retrouvent d’un matin à l’autre dans la rue, sans ressources, pour subvenir aux besoins de leur famille.
World Vision Mali a découvert le moyen le plus simple et le plus ignoble de se débarrasser de ses agents qui ont tout donné à cette organisation sans leur payer leurs droits. Ainsi s’ouvre une chasse aux sorcières contre les agents de terrain sur l’ensemble des Bases (Kolokani, San et Koro). La même méthode, avec cette fois-ci les collègues de service même des agents joints aux membres d’une commission d’évaluation des risques (CER), dont l’investigation n’est point sa compétence. Ceux-ci ont fouillé de fond en comble les rapports de dépenses de tous les projets de tous les agents de terrain de 2015 à 2016, dans les villages les plus reculés, dans le but de faire plus de victimes sans discernement.
À la suite de cette vérification, les collègues de service non spécialistes se sont illustrés plus que les auditeurs. Des lettres d’explications ont été distribuées à un nombre important d’agents dans chaque Base. L’angoisse et le stress sont tels aujourd’hui que le travail de terrain est devenu un parcours du combattant. Et ce n’est pas tout. Le leadership a promis de redoubler cette pratique ignoble jusqu’à satisfaction. Pourvu qu’ils aient le courage de remonter aussi à un niveau supérieur dans la vérification auprès des fournisseurs et autres prestataires en remontant sur plusieurs années, comme cela a été le cas pour les pauvres agents de terrain. Car, nous avons connaissance que les contrats de construction d’infrastructures (scolaires et autres) et les contrats de fournitures jadis signées dans les Bases (aujourd’hui appelées Centres de service) par les chefs de programmes et ou les chargés d’approvisionnement, leur ont été retirés et centralisés au Bureau national. Nous voulons savoir pourquoi ? Si c’est des cas de fraude, détournement ou corruptions, quelles ont été les sanctions ????
Nous invitions les fournisseurs et prestataires de World Vision, qui ont été dans les situations de ce genre, à nous aider à faire la lumière. On est en droit de se demander où est la chrétienté dans cette pratique, même si certains agents sont en faute. Et quand les valeurs de World Vision disent : 1. Nous sommes chrétiens 2. Nous, nous engageons envers les pauvres 3. Nous attachons de la valeur à l’Etre humain 4. Nous sommes des partenaires 5. Nous sommes des intendants 6. Nous sommes présents. Nous avons du mal à suivre ces licenciements tous azimuts.
Pourtant, des agents après tant d’années de sacrifice, en renonçant à leur famille et sans compter le poids du travail, sont ainsi victimes d’injustice. Evalués performants chaque année, ils sont pourtant maintenus au même poste pendant 5, 10, 15, 20 ans. Il y a matière à réflexion. Pour les mêmes postes, certains sont gracieusement nommés et d’autres doivent passer par des tests dont les résultats sont connus d’avance. Ce qui se passe à World Vision mérite une attention. Nous attirons l’attention de l’opinion nationale et internationale à suivre avec nous ce qui se passe à World Vision au Mali. Car, il semble que ce n’est qu’un début.
Yala SIDIBE
Enseignant
********************************