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Paix au Mali : Union Africaine plutôt qu’ONU (chercheure)
Publié le mercredi 6 mars 2013  |  Autre presse




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Ouestafnews - L’intervention militaire française au Mali a certes permis la reconquête rapide des villes du nord, mais dans la foulée elle a imposé de nouvelles orientations à la résolution du conflit. Les mouvements armés tentent une guerre d’usure avec des attentats et un système de guérilla urbaine, posant ainsi le défi de la sécurisation à long terme du septentrion malien. Sur ce point précis, la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) veut déjà le remplacement de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma) dont le déploiement sur le terrain n’est pas encore effective, par une mission onusienne de maintien de la paix.
Dans cet entretien exclusif accordé à Ouestafnews, Lorie-Anne Théroux-Bénoni, chercheure principale au bureau Afrique de l’ouest de l’Institut d’études de sécurité (ISS), revient avec beaucoup de réserves sur ces recommandations, mais aussi sur les enjeux principaux de ce conflit ainsi que les défis à relever par les autorités de la transition malienne.

Ouestafnews – Un rapport de l’ISS sur le mali laisse croire que l’intervention militaire française au Mali pose de nouveaux défis à la résolution de la crise. Pouvez-nous nous en dire plus sur ce qui est susceptible de changer?

Lorie-Anne Théroux-Bénoni - L’intervention militaire française a engendré de nouvelles dynamiques. Par exemple, sur le plan politique, la posture de « commandant en chef »d u président par intérim, Dioncounda Traoré, lui confère une nouvelle autorité et remet en selle l’ancienne classe dirigeante. Cette situation pose en des termes nouveaux l’articulation entre libération du nord, tenue de l’élection et enjeux électoraux. Sur le plan militaire, l’émergence d’une nouvelle classe de héros de la libération pourrait marginaliser les acteurs de Kati (NDLR, les auteurs du coup d’Etat ayant renversé le président Amadou Toumani Touré) et contribuer à une redéfinition de la chaine de commandement. En outre, les relations entre la sphère politique et militaire semblent aussi en cours de redéfinition, avec l’effacement relatif, et peut-être temporaire, des soutiens politiques de l’ex-junte. Enfin, et plus largement, se pose maintenant les défis de la sécurisation des villes libérées, de futures négociations avec les groupes armés et l’impératif de la réconciliation.

Ouestafnews - La France disait ne pas vouloir s’éterniser au Mali, et le mercredi 27 février 2013 dernier, à Yamoussoukro, le président Ouattara a évoqué l’idée d’une transformation de la Misma (Mission internationale de soutien au Mali) en une opération de maintien de la paix, qu’en pensez-vous?

L.A.T.B - L’idée de cette transformation doit être abordée en ayant pleinement conscience des préoccupations maliennes et doit prendre en compte le contexte sécuritaire actuel dans le nord du Mali, où les groupes armés sont encore loin de s’avouer vaincus. En tout état de cause le type de mandat requis par la volatilité de la situation sur le terrain relève d’avantage du registre d’une opération de soutien à la paix du type de celle que l’UA mène en Somalie, que celui d’une opération traditionnelle de maintien de la paix des Nations Unies.

Ouestafnews -La Misma reste dépendante de l’extérieur financièrement et son déploiement sur le terrain malien est plus que laborieux, (d’ailleurs le Tchad seul au front s’impatiente), sera-t-elle vraiment en mesure de sécuriser à long terme le nord du Mali?

L.A.T.B - Au moment du déclenchement de Serval (NDLR, nom de l’opération militaire française), la Misma était en cours de planification et son déploiement a donc eu lieu plus tôt que prévu. Du coup, les questions de son cadre légal, de son financement et de son commandement n’avaient pas encore été totalement réglées. L’exemple de la mission de l’UA en Somalie a montré que la réussite de ce type d’opération requière un financement prévisible, flexible, et durable. Le règlement de la question financière permettra de mieux appréhender les enjeux logistiques et de coordination, nécessaire pour la mise en œuvre efficace du mandat de la Misma.

Ouestafnews - En dehors de la reconquête du nord, soit dit en passant pas encore effective, l’autre objectif majeur de la transition est l’organisation du scrutin présidentiel prévue en juillet prochain, mais l’ISS semble dire que ce délai n’est pas réaliste…

L.A.T.B - Ce que nous avons dit, c’est plutôt que ce délai semble serré eu égard aux défis à relever pour l’organisation d’une élection dans le contexte actuel. Il faut notamment établir un fichier électoral consensuel et sécurisé, faciliter la participation au scrutin des réfugiés et des personnes déplacées internes et sécurisé les lieux de vote. Dans ce contexte délicat, le plus important, c’est que l’élection se passe dans les meilleures conditions possibles afin d’éviter des contestations susceptibles de mettre en cause la sortie de crise. Nous pensons qu’une fixation trop forte sur les délais comporte des risques.

Ouestafnews - D’aucuns soutiennent que le problème n’est pas seulement au nord mais au sud aussi, est que le préalable à l’élection présidentielle, c’est la réconciliation au sein de l’armée et de la classe politique, qu’en pensez-vous?


L.A.T.B - Il existe en effet de profondes divisions au sein de la classe politique et de l’armée. Mais ces divisions ne sont, au fond, que le reflet d’une profonde crise de gouvernance qui touche l’ensemble du pays et dans laquelle se joue également une lutte pour la conservation de certains intérêts. La réussite de l’exercice de réconciliation demandera de la part des Maliens une analyse sans complaisance du parcours de leur pays depuis son accession à l’indépendance ainsi que la vision et le courage politique d’entreprendre les réformes dont le pays a désespérément besoin.

Ouestafnews - Quelles leçons retenir déjà du cas malien, à l’heure où l’on parle d’africanisation des opérations maintien de la paix sur le continent?

L.AT.B - La situation malienne devrait nous inspirer de sérieuses réflexions sur l’état de nos armées nationales, sur les mécanismes sécuritaires sous-régionaux, sur la nécessaire coordination entre les niveaux sous-régional et continental dans la gestion des crises et sur la question centrale du financement dont dépend la marge de manœuvre politique et opérationnel de nos organisations africaines dans le cadre des opérations de paix.

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