Avec l’installation des premières autorités intérimaires, le processus de paix semble enfin progresser. Mais la route reste longue : tandis que les rivalités persistent entre les différents groupes armés, les principaux mouvements jihadistes, eux, unissent leurs forces.
Il aura fallu attendre vingt mois. Vingt longs mois durant lesquels le processus de paix a progressé, stagné, et parfois même failli s’effondrer, tel un caravanier exténué traçant, tant bien que mal, sa route à travers les innombrables dunes du Sahara. Avec plus d’un an et demi de retard sur le planning initial, qui prévoyait leur mise en place trois mois après la signature de l’accord d’Alger, en juin 2015, les premières autorités intérimaires ont enfin été installées, début mars, dans trois des cinq régions administratives du nord du Mali : Kidal, Gao et Ménaka.
Pour la majorité des acteurs nationaux et internationaux, il s’agit là d’un pas important, voire décisif, vers la mise en œuvre du processus de paix. Et qu’importe si la situation reste incertaine à Tombouctou et Taoudéni, où des groupes armés se sont opposés à l’intronisation prévue, l’heure est à la satisfaction quasi générale. « Avant l’installation des autorités intérimaires, il n’y avait rien de concret. Enfin, nous avançons », estime Alghabass Ag Intalla, l’un des leaders de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), l’ex-rébellion touarègue.
Préparer les prochaines élections
Considérées comme l’une des principales dispositions de l’accord de paix, ces autorités représentent les différentes parties signataires : le gouvernement, la CMA et la Plateforme, une coalition de groupes armés progouvernementaux. Avant tout symbolique, leur entrée en fonctions est censée marquer le retour de l’État central dans les régions du Nord, où les collectivités territoriales sont devenues inexistantes ou fantomatiques depuis 2012.
Tout le monde veut être associé au processus de paix pour des questions de pouvoir et d’argent
Sur le papier, les autorités intérimaires sont notamment chargées d’assurer la bonne tenue des futures élections régionales et communales partielles, prévues pour juillet, de fournir aux populations les services sociaux de base ou encore d’assurer le retour des déplacés et des réfugiés. Difficile, en revanche, de connaître le budget qui leur sera alloué et de savoir combien de temps elles resteront en place.
Rivalités de pouvoir
Pour préserver le subtil équilibre des forces en présence dans le septentrion malien, les membres de ces différentes assemblées régionales ont été nommés par le gouvernement, la CMA et la Plateforme à l’issue d’interminables – et houleuses – négociations. C’est ainsi que l’assemblée de Kidal est présidée par Hassan Ag Fagaga, un colonel de la CMA, et que celle de Gao est placée sous l’autorité de Djibrila Maïga, un responsable de la Plateforme. Tous les postes subalternes, du premier vice-président au représentant de commune, ont aussi fait l’objet de longues discussions, chaque partie souhaitant tirer au maximum la couverture à elle.
Dans un tel jeu de chaises musicales, sur fond de rivalités locales et intercommunautaires, contenter tout le monde relevait de la mission impossible. Comme souvent dans le nord du Mali, les insatisfaits ont donc bandé les muscles et brandi les armes pour accentuer la pression. À Gao, l’installation des autorités intérimaires a ainsi été retardée de quelques jours parce que leur siège était occupé par des hommes du CMFPR 2, un groupe armé constitué de Songhoïs et de Peuls sédentarisés.
Idem à Tombouctou, où le Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA, essentiellement composé de Touaregs Kel Ansar) et une partie du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) ont encerclé la ville et tiré des coups de feu pour empêcher l’intronisation de la future assemblée régionale.
Préparer la future armée malienne
« Tout le monde veut être associé au processus de paix pour des questions de pouvoir et d’argent, explique un haut responsable de la Minusma, la Mission des Nations unies au Mali. Malheureusement, ces batailles visant à diriger les autorités intérimaires laissent augurer les luttes à venir en vue d’intégrer les prochains MOC [Mécanismes opérationnels de coordination] et, à plus long terme, l’armée malienne “reconstituée”. »
Nous sommes en train de restaurer la confiance entre groupes armés. Cette atmosphère de réconciliation est primordiale pour la suite
Derrière cet obscur acronyme onusien se cache une autre disposition majeure de l’accord de paix : les patrouilles mixtes, qui préfigurent la future composition de l’armée malienne. Chaque MOC est un bataillon de 600 hommes, composé de 200 Famas (militaires des Forces armées maliennes), 200 combattants de la Plateforme et 200 combattants de la CMA. Leur mission ? Tenter de ramener un semblant de sécurité dans le Nord, notamment hors des grandes villes.
Derniers obstacles ?
Après des mois d’attente, et surtout un dramatique attentat à la voiture piégée qui a coûté la vie à une cinquantaine de ses hommes à la mi-janvier, le premier MOC a été lancé à Gao le 23 février. Un autre symbole fort des récentes avancées dans le processus de paix : des anciens ennemis de la CMA et de la Plateforme, qui échangeaient encore des coups de feu en août 2016, patrouillent désormais côte à côte. « Nous sommes en train de restaurer la confiance entre groupes armés. Cette atmosphère de réconciliation est primordiale pour la suite », se félicite Mahamadou Diagouraga, haut représentant du président Ibrahim Boubacar Keïta pour l’application de l’accord d’Alger.... suite de l'article sur Jeune Afrique