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Accaparement des terres : L’État incapable d’investir pour le développement de l’Agriculture
Publié le mercredi 22 mars 2017  |  Le Démocrate
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© aBamako.com par Androuicha
Visite de terrain effectuée par le ministre Mohamed Aly Bathily
Bamako, le 30 juin 2015. Le ministre des affaires foncières et des domaines de l`Eta, M. Mohamed Aly Bathily a effectué une visite de terrain à Souleymanbougou dans le cercle de Kati en région de Koulikoro pour s`enquérir du niveau d`occupation illicite de la servitude de la rivière Farako.
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L’accaparement est un mal plus profond qu’on ne le pense. Il est contestable, l’idée selon laquelle les États ouest-africains n’auraient pas les ressources propres pour investir dans l’agriculture, et qu’il faudrait tout miser sur le privé pour développer le secteur agricole. L’accaparement des terres n’est autre qu’un problème de société.

La situation est assez critique. Une grande majorité des pays africains sont sahéliens. Ceux-ci sont confrontés au problème de la disponibilité des terres fertiles, aux difficultés d’accès à la terre, notamment pour les groupes les plus marginaux. De plus, si les gens ont accès à la terre, leurs droits ne sont en général pas sécurisés. On peut dire que nous sommes dans une situation de transition. Cette transition est relative aux politiques foncières qu’on voit émerger çà et là et aux évolutions juridiques cherchant à mettre en place des balises pour sécuriser les utilisateurs du patrimoine foncier. Globalement la situation n’est déjà pas bonne, mais elle empire encore avec des phénomènes comme l’accaparement des terres, selon des modes d’appropriation qui diffèrent d’un pays à un autre. Les gens ont souvent une vision étriquée de ce concept. Certains limitent l’accaparement à des cas de cession (vente ou location à très long terme) de larges superficies (au-delà de 20 000 ha) par des acteurs étrangers, industries ou investisseurs.



L’accaparement est une notion beaucoup plus large. Cela renvoie à toute forme de transfert (cession, vente, location, emprunt) de terres à un opérateur national ou étranger qui a une influence sur la sécurité foncière des exploitations familiales, quelles que soient les superficies concernées. La taille n’est pas un critère fondamental : un accaparement de 5 ha en Guinée Bissau, en Gambie ou au Bénin, qui sont des pays où la disponibilité des terres agricoles est très réduite, et où les populations sont très denses, peut provoquer de grands dommages. Nous n’en faisons pas non plus une question de nationalité : nous parlons d’accaparement par des opérateurs nationaux aussi. Il y a aussi un débat sur les productions visées par l’accaparement. Que ce soit pour produire de l’alimentation, (du mil, du riz…) ou bien du jatropha on peut parler d’accaparement. L’accaparement renvoie à cette idée que quelqu’un s’approprie un bien qui ne lui appartient pas. Il y a un certain nombre d’arguments qui sont évoqués pour justifier ce que certains appellent les « investissements » dans l’agriculture en Afrique. Le premier argument c’est qu’il y a des terres disponibles, délaissées par les producteurs qui n’auraient pas les moyens ou la volonté de les exploiter. On entend ainsi l’expression « terres marginales ». Un autre argument qui est avancé c’est que les dénommés « petits producteurs », qui ne sont autres que les exploitants familiaux, ont montré leurs limites pour nourrir la population croissante, donc il faut faire intervenir d’autres acteurs qui ont les moyens d’investir pour intensifier l’agriculture, l’élevage, la pêche. Un troisième argument donné est lié au changement climatique : les gens disent « nous venons investir pour produire des énergies renouvelables (agro carburants) parce que le problème énergétique risque d’être un grand blocage pour l’économie en général et l’agriculture en particulier ». Quatrième argument : la libre circulation des capitaux est, dans la conception néolibérale actuelle, considérée comme une condition du développement. Elle ne peut pas épargner le secteur agricole qui est un secteur majeur pour beaucoup de pays africains. Il faut permettre aux investisseurs de mettre leurs capitaux dans le secteur (agricole) pour produire, approvisionner les marchés internationaux, et finalement créer les conditions pour l’alimentation de tous. Voilà des arguments entre autres qui sont évoqués. Mais fondamentalement ce qu’il y a derrière cet argumentaire, c’est que l’État est considéré comme incapable d’investir lui-même pour le développement de l’agriculture et qu’il doit donc faire appel à d’autres acteurs, des « nouveaux acteurs », les investisseurs privés.

En somme, l’accaparement des terres en Afrique est un problème de société

Aliou TOURE
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