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Histoire de la réforme constitutionnelle au Mali : Regard sur les motivations
Publié le mercredi 22 mars 2017  |  Delta News
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Décidément la réforme constitutionnelle que l’on veut nous faire porter comme une camisole de force suscite beaucoup de réactions. Il y a quelques jours dans un organe de presse, l’ancien ministre de l’administration territoriale et le non moins grand spécialiste de la décentralisation, nous mettait en garde contre « une réforme bâclée ». Plusieurs partis et mouvements de la société civile se sont même insurgés contre ce projet, qui pour eux une fois adopté consacrerait de fait, la partition du territoire national en deux états. Nous vous proposons une contribution de notre compatriote Boubacar Touré du Canada qui, après avoir rappelé les antécédentes tentatives de révision constitutionnelle, fait plusieurs propositions. C’est ainsi qu’entre autres sujets le juriste : aborde d’une façon originale comment la charte de Kuru Kan Fuga pourrait être utilisée à bon escient dans la constitution, sans être sujet à controverse comme c’est le cas actuellement; démontre la non pertinencede la création d’une deuxième chambre.

Nous avons appris avec un mélange de stupéfaction et de considération, que le 15 mars 2017, le gouvernement a transmis aux députés pour examen, un projet de loi portant sur la révision de la constitution du Mali, inspiré à partir de la Charte du Kuru Kan Fuga. Notre réaction est caractérisée par la crainte d’un scénario similaire à la démarche des gouvernements antérieurs de : Alpha Konaré et de Amadou Toumani Touré dans leur tentative de modification de la constitution malienne. Selon certains observateurs, le premier voulait faire sauter le verrou de la limitation du nombre de mandat pour se maintenir avec (une troisième législature). Quant au second dont les intentions n’étaient pas claires, celui-ci voulait jongler avec la proposition d’un code de la famille à la veille de la fin de son pouvoir comme Ibrahim Boubacar Keita. Nous devons nous rappeler de l’échec de ces expériences et surtout des conséquences émotives suscitées par ces exercices qui ont divisé le peuple malien en mettant à dure épreuve sa maturité politique et consensuelle. Au gré des calculs politiques, l’histoire se répète, mais l’éveil des consciences maliennes ne permet plus aucune turpitude à saveur de mésaventure constitutionnelle.



Au délà de la forme dont nous suspectons les vraies motivations, nous avons relevé trois aspects qui sont touchés par le projet de modification de la Constitution du 25 février 1992 : il s’agit de l’énoncé du préambule, l’article. 2 sur les institutions de la République et qui consacre la création du Sénat, doit être abrogé, l’article 12, paragraphe 2 et al., qui stipule la vacance de pouvoir du président de la république et son remplacement intérimaire par le président du sénat; à abroger; l’article. 136, paragraphe 2 qui confère un pouvoir exorbitant au président de la république, c’est-à-dire la liberté de choix laissée au président de la république de «ne pas procéder à une consultation référendaire par la présentation du projet de révision lorsqu’il l’aura déjà soumis au parlement convoqué en congrès ». Il s’agit d’une disposition absurde qui doit être abrogée pour éviter le règne du totalitarisme. Si nous poursuivons notre analyse, une autre incohérence ou insuffisance apparaît dans le préambule.

Préambule :

Sous réserve de la décision que prendra le peuple malien, je tiens à faire observer que le fait d’énoncer la charte du Kuru kan Fouga dans le préambule du projet de constitution n’a aucune valeur interprétative sauf déclaratoire. Au délà des principes et valeurs de cette charte auxquels le Mali adhère, pourquoi ne pas donner une pleine valeur constitutionnelle comme document supra législatif et interprétatif pour les acteurs judiciaires, en procédant en une fusion des droits individuels contenus dans la constitution du 25 février 1992, compatibles avec ceux de la charte du Kuru Kan Fuga. Cette synthèse des deux textes sera intitulée «Charte du kuru kan Fuga sur les droits et libertés fondamentales». Ce serait une façon intelligente, originale et innovatrice de donner écho et force à la Charte historique du Kuru Kan Fuga, en l’adaptant aux réalités contemporaines du fonctionnement de la société malienne, et en l’intégrant comme une partie prenante du corps de la constitution. Quand aux autres droits collectifs, ils pourraient être énumérés dans le reste du corps de la constitution sous la rubrique des articles. Nous aurons ainsi une constitution qui mettra l’emphase sur la protection des droits individuels qui sont susceptibles d’être violés par les pouvoirs publics. J’exhorte les députés à être à l’avant garde et se projeter dans une vision d’avenir en acceptant de s’assumer.

L’histoire politique en Afrique et particulièrement au Mali, nous enseigne que qu’elle que soit une constitution blindée, celle-ci ne peut nullement se légitimer d’elle-même malgré l’enchâssement des mécanismes de verrouillage sur la limitation du nombre de mandat et la formule d’amendement. La réponse est simple, car il faut retenir le faible niveau d’éducation de la population et la décadence des mœurs politiques. Au Mali après la chute du gouvernement de feu Modibo Keita, et malgré l’existence de la constitution, source des lois, cette garantie n’a pas empêché certaines infractions graves liées à la faillite de la gouvernance, caractérisée par la corruption, le clientélisme familial et politique (communément appelé trafic d’influence), le népotisme, la gabegie, le dysfonctionnement du système judiciaire,le corporatisme, l’affaiblissement de nos institutions publiques et finalement le fatalisme et surtout la perte des valeurs morales, un des fondements de notre constitution. Combien de scandales financiers et d’évasion des capitaux (crimes économiques) sont- ils survenus depuis 1968, malgré la création d’une autre institution comme le vérificateur général, avec comme corollaire l’impunité érigée en un système anticonstitutionnel? Quelle est la valeur d’une constitution en Afrique où la fin des régimes politiques impopulaires sonne toujours le glas par des tentatives désespérées de diversion en quête d’oxygène et d’une bouffée de sauvetage. Le stratagème consiste au «tripatouillage constitutionnel» pour pouvoir pérenniser ses propres intérêts et ceux du clan afin de préserver ses arrières à travers un système occulte de mépris envers une population analphabète prise en otage; ce souverain primaire dépourvu d’espoir. Si la priorité actuelle au Mali n’est pas une politique de révision constitutionnelle à cause de la crise issue de la rébellion, tout président à la tête d’une société comme le Mali, aspire d’abord à obtenir la satisfaction morale d’avoir contribué à la réduction de la souffrance de ses concitoyens, par la recherche de la croissance économique, le plein emploi et la sécurité alimentaire. Quand est-il du bilan actuel au Mali si ce n’est autre souci que la superposition des accords politiques et la multiplication des institutions Étatiques comme la velléité de créer une deuxième chambre : le SÉNAT et à quelle fin?. Le premier ministre invoque « des lacunes et des insuffisances pour justifier les motivations de son gouvernement ».Portons un regard historique sur cette institution qui est régit par l’article 2 et suivant du projet de réforme de la constitution.

«Le Sénat est une institution politique dans un régime bicaméral, présente dans divers pays et à diverses époques. Ses membres sont appelés sénateurs et sénatrices. Le nom tire son origine du Sénat romain; le mot sénat provient du mot latin senatus qui signifie «conseil des anciens» (bâti sur le même radical que senex, «vieillard», radical qu’on retrouve dans sénile ou sénescence). Aujourd’hui, il s’agit généralement de la «Chambre haute» du pouvoir législatif dans les régimes à Parlement bicaméral, qui représente les collectivités territoriales ». Notre régime politique est inspiré du système français et voyons ce qui s’est produit en 1969 malgré l’enracinement des institutions politiques en France :

«En 1969, ulcéré par la résistance du Sénat à sa politique, le général De Gaulle avait tenté une manœuvre de contournement : il avait soumis à un référendum, le projet de transformation de la deuxième chambre en assemblée secondaire privée de tout pouvoir législatif, et dont une partie des membres auraient été élus par les « forces vives » (syndicats, entreprises, etc.). Le rejet du texte est un des facteurs qui aurait conduit le fondateur de la Ve République à la démission». Tout récemment,la proposition de réforme constitutionnelle de François Hollande en fin de mandat a été également rejetée.

Selon Me EiddaTakioulah, le bicaméralisme fondé en Angleterre vise à équilibrer entre la représentation de la population et celle des territoires. Il soutient que ce qui est bon pour un système fédéral est inutile pour un État unitaire comme c’est le cas pour le Mali. D’après lui, le Sénat dans un État unitaire est redondant et contre productif, car il devient un frein législatif comme ce fut le cas en France sous le Général De Gaulle. En référence à son analyse, il précise qu’une assemblée nationale, pourvue de moyens nécessaires et composée de députés qualifiés et rigoureux peut remplir largement la mission de la représentativité nationale globale et à moindre coût.

Si nous examinons la pertinence de la création d’un Sénat au Mali, nous devrions d’abord interroger l’échelle des coûts : Combien un député malien coûte par tête d’habitants ? Quelle est l’évaluation de leur charge de travail par semaine, au mois et à l’année ? Quel est le nombre de projets de lois élaborés, votés et adoptés depuis leurs élections et le nombre d’heures consacrées aux délibérations?. Et finalement quels seront les coûts de fonctionnement d’un Sénat malien?. En plus d’un maigre budget déficitaire de l’État malien, ces résultats aideront les citoyens maliens à prendre une décision éclairée dans le cadre d’un référendum si la création d’une chambre haute se justifie.

J’ajouterais aux observations de Me Eidda que la cohabitation institutionnelle : Assemblée Nationale-Sénat, signifie création d’une instance de privilèges qui n’est pas synonyme de recherche d’efficacité. Selon notre compréhension du rôle et du mandat de nos députés dont la plupart proviennent des régions, nonobstant leur affiliation politique, ils doivent représenter à la fois la population mais également les intérêts des régions. S’ils s’acquittent correctement de leur mandat respectif avec rigueur et conscience, nous n’aurions pas besoin d’une deuxième chambre. De plus, il ne faut pas perdre de vue que certains états unitaires en Afrique qui ont opté pour le bicaméralisme en instaurant un Sénat, ne ce sont jamais distingués glorieusement de leurs tâches, à part d’avoir érigé une chambre de cacophonie et de résonance que cela a pu refléter. Cela s’explique par le fait que dans ces États, la classe politique est encore à l’école de l’apprentissage d’une véritable démocratie et des méthodes contemporaines de délibération. Combien de députés élus en Afrique n’ont-ils pas exhibé leurs poitrines et leurs poings dans des parlements où règne un désordre indescriptible? «Certaines instances législatives auraient même servi de lieu de vices et de péchés selon certaines allégations croustillantes». Il ne suffit pas seulement de créer des institutions, mais il faut aussi être à mesure de préserver leur image de crédibilité où peuvent siéger des personnes d’une grande probité morale. Dans le contexte actuel de la fragilité de nos institutions démocratiques, il faut alléger le processus des débats contradictoires, mais constructifs au sein de nos parlements, afin de ne pas multiplier inutilement les sources de conflits; surtout dans une conjoncture où le niveau de culture politique n’est pas très élevé. Donc la création d’une deuxième chambre ne fera qu’augmenter ce dilemme. Il appartiendra au peuple de décider. Dans ce cas de figure, Je suggère de réserver une disposition finale dans le nouveau projet qui renfermera les matières énumérées ci-après, et qui doivent être définies dans le code pénal si ce n’est pas déjà le cas.

Dispositions finales : Il est proposé de reprendre et d’insérer dans le projet de constitution les motifs suivants qui constituent des infractions pénales et qui sont au cœur des préoccupations de la gouvernance au Mali.

Le peuple malien, réaffirme son opposition fondamentale à tout régime politique, gouvernement, communautés ou groupes qui encourageraient et/ou pratiqueraient ce qui suit :

La corruption
La concussion
La discrimination basée sur le régionalisme
L’esclavagisme
L’injustice identitaire et le racisme
Le népotisme
La sédition
Le terrorisme


Par Boubacar Touré, juriste et patriote, Montréal, Canada

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