Le Conseil extraordinaire des Ministres du samedi 18 mars 2017 a décidé que la conférence d’entente nationale aura lieu à Bamako du 27 mars au 02 avril prochain à Bamako. Plus de 300 participants venant des régions, du District de Bamako et de la diaspora sont attendus pour échanger autour de trois grands thèmes : la paix, l’unité et la réconciliation nationale. Prévue dans l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, cette importante rencontre vise entre autres à instaurer un débat approfondi et inclusif entre toutes les composantes de la nation sur les causes profondes du conflit qui a affaibli le pays depuis 2012, de discuter des questions relatives à l’Azawad, à l’approbation d’une charte pour la paix, l’unité et la réconciliation, les aspects de la mise en œuvre de l’accord, les autorités intérimaires.
La date retenue par le gouvernement ne fait pas l’unanimité. Déjà, l’opposition démocratique et républicaine avait formulé de sérieuses réserves sur la tenue de cette rencontre. La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme, deux groupes armés signataires de l’Accord s’élèvent contre « l’impréparation et la précipitation » autour de l’organisation de cette rencontre. Les groupes armés déclarent avoir obtenu une concession du gouvernement qui consiste à prolonger la durée de la conférence et surtout les modalités de son organisation. Jusque là, aucune communication gouvernementale. Toujours est-il que la conférence s’ouvre ce 27 mars au Palais de la Culture de Bamako. Le gouvernement a-t-il cédé sous la pression des groupes armés ? Ceux-ci participeront-ils finalement à cette conférence ? Quelle sera la position de l’opposition politique démocratique et républicaine ? Difficile d’y répondre. A ce rythme, la conférence d’entente nationale pourra devenir la conférence de discorde nationale. A l’arrivée, la montagne risque d’accoucher d’une souris. Espérons que les uns et les autres reviendront à de meilleurs sentiments dans l’intérêt supérieur de la nation. Mais les récriminations par rapport à la tenue de la conférence d’entente nationale interpellent les plus hautes autorités du Mali qui se sont engagées dans une véritable course contre la montre en mettant plusieurs marmites sur le feu. Et pourtant au préalable il faut s’assurer de pouvoir les surveiller, voire les maîtriser.
La semaine retenue pour ces assises sera forcement celle au cours de laquelle le Parlement examinera en plénière le Projet de loi portant révision de la constitution du 25 février 1992 puisque la session extraordinaire ouverte depuis le 11 mars doit prendre fin avant le 3 avril, date d’ouverture de la session d’avril. C’était au cours de cette même semaine que le gouvernement se proposait d’organiser la biennale artistique et culturelle finalement reportée. Cet enchevêtrement de calendrier dénote sans doute de l’absence de réflexion stratégique au sommet de l’Etat et donne raison à tous ceux qui pensent que la gouvernance est caractérisée depuis 2013 par un pilotage à vue.
Dans le contexte actuel, le gouvernement devrait éviter le forcing. Le climat social est très tendu avec des grèves qui paralysent les secteurs de la santé et de l’éducation. Cela a des conséquences insoupçonnées sur l’état d’esprit des populations qui laissent éclater leur colère à travers des actes comme le recours fréquent à la justice populaire. Des informations faisant état de la volonté de l’association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) d’empêcher les cours dans les écoles privées font planer des menaces sur la paix sociale.
Il ne faut pas se voiler la face. L’accalmie précaire qui prévaut sur le terrain politique est trompeuse et cache mal les clivages entre une majorité en panne et une opposition moelle, dispersée, voire minée par une querelle de leadership. L’examen du projet de loi portant révision de la constitution par l’Assemblée nationale ne manquera pas de soulever d’autres tensions dans les prochains jours. La situation sécuritaire au nord et au centre est loin d’être maitrisée. Régulièrement, les forces armées de défense et de sécurité sont endeuillées. Le gouvernement est aujourd’hui seul face aux problèmes de la nation et risque de s’écrouler sous le poids des préoccupations soulevées çà et là.
Chaka Doumbia
Le challenger