La session extraordinaire du conseil des ministres du samedi 18 mars 2017 a prévu la Conférence d’Entente nationale (CEN) du 27 mars au 2 avril 2017 à Bamako. Elle regroupera 300 participants venant des régions, du District de Bamako et de la diaspora.
Dans son discours à la nation, le 31 décembre 2016, le président Ibrahim Boubacar Kéita a annoncé cette rencontre comme «un jalon important dans la réhabilitation de la cohésion sociale et du vivre ensemble au Mali». Les échanges doivent aboutir à l’adoption d’une Charte pour la paix, l’unité et la Réconciliation. Les avis sont partagés sur la pertinence de cette rencontre. Dans cet entretien, le président du Comité exécutif de l’Association des ressortissants de Gabéro (ARG, Gao) Abdourhamane Arouani Dicko, nous évoque ses attentes. Interview !
Le Matin : Qu’attendez-vous de cette Conférence d’Entente Nationale ?
Abdourhamane A. Dicko : Personnellement, j’attends que les tensions liées au concept «Azawad» soit vidées une fois pour toutes au Mali. Le concept a fait l’objet de nombreuses fixations qu’il conviendrait de dépasser pour réellement avancer vers une paix durable dans le pays.
J’attends également qu’il y ait une lecture commune des causes des crises et de rebellions au Mali car ces dernières ont été dépeintes par plusieurs acteurs et de plusieurs manières. Pour une fois, l’occasion est donnée aux acteurs (groupes armés, populations dans toutes leurs composantes, autorités publiques et autres personnes ressources) de croiser leur regard sur les causes des crises au Mali. Et ils devraient en profiter à fond. Les Maliennes et les Maliens doivent se parler, dans la courtoisie et le respect, loin des influences des experts de tous les bords.
Une de mes attentes est également l’inclusivité en termes de participation même si tout le monde ne peut être présent dans la salle de conférence. Toutes les sensibilités (socioprofessionnelle, religieuse, ethnique, géographique, etc.) doivent être associées à l’organisation et au déroulement de la conférence.
Les historiens doivent être mis à contribution pour mieux expliquer certains processus tout en évitant des entorses à l’histoire des uns et des autres, qui puissent altérer les résolutions de la conférence.
Le Matin : Ne risque-t-elle pas alors de glisser vers de nouveaux rounds de négociations pour la paix et la réconciliation nationale ?
Abdourhamane A. Dicko : Elle ne doit pas être un nouveau round de négociations de paix, sinon nous ne nous en sortirons plus. Il faut donc préserver les acquis de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, pour éviter d’ouvrir la boîte de Pandore.
Enfin j’attends que les résolutions de la conférence soient immédiatement traduites par les autorités publiques maliennes en actions concrètes par priorité de manière à ce que les populations puissent finalement bénéficier des dividendes de l’Accord.
Le Matin : Pensez-vous que ses recommandations pourront combler les insuffisances reprochées à l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale ?
Abdourhamane A. Dicko : Je ne pense pas que cela soit possible, car certaines insuffisances sont congénitales à la gestion du pays, mais les recommandations devront contribuer à mieux faciliter l’appropriation de l’Accord par les populations maliennes qui l’ignorent encore. Les recommandations ne peuvent pas avoir la même finalité que l’Accord pour la paix et la réconciliation. Mais, elles devraient surtout permettre une mise en œuvre plus cohérente de l’Accord. Pour cela, il est important que les uns et les autres soient de bonne foi pour formuler des recommandations réalistes et objectives et éviter de dresser un shoping list.
Le Matin : N’aurait-il pas été mieux d’attendre cette Conférence d’Entente Nationale avant de mettre en place les Autorités Intérimaires ?
Abdourhamane A. Dicko : La conférence et les autorités intérimaires ne sont pas liées au regard des dispositions de l’Accord même si les uns et les autres ont contribué, sciemment ou involontairement, à donner plus d’importance aux autorités intérimaires que ne le prévoyait l’Accord.
Pour cela, la conférence d’entente nationale qui devrait être la première action pour briser le mur de méfiance entre les différents acteurs mais surtout pour évacuer définitivement la question de l’Azawad et tracer les contours de la Charte sociale, a été reléguée au second rang des actions d’urgence de mise en œuvre de l’Accord.
Or, il fallait tenir cette conférence et entamer les réformes politiques et institutionnelles pour offrir une nouvelle base de gouvernance au Mali. Les participants doivent avoir à l’esprit de briser maintenant ce mur de méfiance entre les Maliens afin que des pas importants puissent être faits vers la paix et la réconciliation définitive.