Les Maliens ne donnent pas généralement la médaille de la bonne gouvernance à Att. Mais, avec le recul, peut-être apprécieront t-ils l’exercice de transparence qui a marqué le processus de privatisation de la Bim où une cérémonie a même été organisée à Koulouba pour célébrer « une vente record ». Rappelons-nous aussi le processus de privatisation de la Sotelma dont la recette avait fait l’objet d’allocations publiquement annoncées même si elles furent, en la forme critiquées à l’époque par un parlementaire. Tout cela ressemble pourtant au bon vieux temps comparé au processus d’attribution du marché de la troisième licence téléphonique de notre pays.
Une vraie saga qui a connu son extraordinaire dénouement à l’issue du Conseil non moins extraordinaire du 12 convoqué pour proroger l’état d’urgence où « sur les rapports du ministre de l’Economie, des Finances et du Budget et du ministre de la Poste et des Nouvelles Technologies, où le Mali approuve : d’abord « un projet de décret portant approbation de la convention d’octroi d’une licence de téléphonie globale au Groupement Planor-Monaco Telecom International » suivi d’un autre projet de décret relatif au cahier des charges qui détermine la durée, les modalités de cession ainsi que de suspension et de retrait de ladite licence. Pour Cessé Komé, la messe est dite ? C’est tout comme. L’homme d’affaires malien était pourtant du Groupement qui avait gagné le marché avant que le putsch du 22 mars ne remette en cause le plan de financement bancaire de l’opération que Cessé Komé disait acquis, en tout cas pour sa part à lui. Mais, c’est connu, le risque-pays est depuis un moment des plus dissuasifs pour le Mali. Les 22 milliards FCFA qui étaient la contribution de l’homme d’affaire malien au sein de son « Groupement » ne viendront donc pas.
Le même et on recommence!
Ainsi, c’est sans rire que le Conseil des ministres statue : « face à la défaillance du Groupement, le Gouvernement a décidé d’annuler la procédure et d’attribuer la licence à un investisseur crédible dans les meilleurs délais et dans les conditions prévues par les textes ». L’heureux gagnant c’est le Groupement Planor-Monaco Télécom. Tout est spécifié : c’est par « entente directe ». La raison est avancée : le pays est en guerre et le Trésor public qui est vide a instamment besoin de liquidités. Personne ne peut trouver à y redire. La licence est accordée pour quinze ans renouvelables. Et l’opérateur doit débourser plus de 55 milliards Cfa, exactement cinquante cinq milliards cent millions trois cent quatre vingt huit mille francs CFA. « Le Groupement Planor-Monaco Telecom International s’est engagé à créer une société de droit malien pour porter la licence et signer avec le Gouvernement du Mali le cahier des charges qui en fixe le régime d’exploitation ». Cette société s’appelle Alpha Télécommunication Mali SA.
Sortie par la fenêtre, elle revient par la porte. Avec le même opérateur. En l’occurrence Apollinaire Compaoré, le magnat burkinabé de la téléphonie mobile qui, son parcours le démontre, ne déteste pas les procès. Komé crie au scandale : il invoque la clause de solidarité et d’indissociabilité qui le lie à son partenaire. Son avocat, flairant le coup, écrit au Premier ministre le 5 novembre 2012 et l’informe que son client est « inquiet des manœuvres entreprises et des agissements solitaires en cours, pour le mettre hors jeu et, poursuivre l'adjudication dans des conditions non convenues au moment de la Concurrence, mais tout à fait contraires à la loi et à la pratique en la matière ». Dans cette lettre, l’avocat rappelle que son client était bel et bien adjudicataire provisoire de la troisième licence, qu’il participait au groupement Planor/Cesse Kome/ Monaco Telecom à hauteur de 44%.
Zones grises
Pour l’argent car c’est cela le nerf de la guerre, l’avocat rappelle « à la date du 15 octobre fixée pour le règlement du premier acompte de F.CFA 33.000.000.000 à la charge de l'autre membre du groupement, M Cesse KOME à réitéré son offre de régler non seulement sa quote part de F.CFA 22.000.000.000 à date (trois mois après le premier acompte) mais également toutes les sommes restant dues, totalement ou partiellement au titre du premier paiement ». Le verdict tombe en janvier. Komé est out et groggy. Il avait vu du monde à Bamako et il était reparti avec l’assurance qu’il restait en course et que le Mali ne poignarde pas ses enfants. Reste son partenaire qui doit payer 55 milliards Cfa dont 33 milliards immédiatement. Il dit les avoir dans une banque de la place, notamment la Bsic. Les a-t-il payés ? Les versions divergent. Visiblement, tout le monde n’est pas à l’aise. Il ne reste qu’une solution pour confondre les sceptiques. « Que les autorités fassent une conférence de presse et exhibent la preuve des paiements ainsi que montant payé ». Un minimum car rien de tout cela n’explique comment le montage actuel a été fait, pourquoi Komé n’a pas cru devoir récuser la procédure, ce que fait Monaco Télécom dans ce marais et pourquoi le second sur la short list de l’époque garde le silence.