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Mali : repenser l’avenir
Publié le mercredi 29 mars 2017  |  Le Canard Déchaîné
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Pour certains, l’Afrique noire serait mal partie. Pour d’autres, elle refuserait tout simplement le développement. Le mal développement du continent est devenu un véritable désastre pour ses populations, mettant en première ligne la responsabilité des dirigeants politiques. Le Mali n’échappant pas à la règle, n’est-il pas opportun dans le contexte actuel, de repenser l’avenir et le développement sur une base culturelle et éthique enfin conforme à nos valeurs?

AUCUN PAYS NE PEUT SE DÉVELOPPER DURABLEMENT AVEC UNE CULTURE D’EMPRUNT ET UNE LÉGISLATION À DEUX TONS

Les pays développés ont en commun d’avoir un socle historique et culturel solide, sur lequel a été créée la république et les conditions d’une vraie citoyenneté adossée à la saine gestion des affaires publiques (administration performante et justice indépendante). Ils sont également parvenus à constituer ensemble de grands espaces économiquement viables, en se donnant les moyens d’en assurer la défense et la promotion. Pour ne prendre que l’exemple du Mali, il est passé d’un système traditionnel très conservateur à une colonisation acculturative qui nous a laissé des institutions inadaptées et une administration qui a fini par devenir une hydre dévorant tout, au grand dam des administrés, posant avec acuité la question de l’adéquation du mode de gouvernance. Sommes-nous véritablement acquis aux valeurs de la république ? Avec le recul, on a le sentiment d’avoir sauté des étapes importantes. En effet, la plupart des dirigeants issus des mouvements sociaux des années 1990 ont été obligés, sous le label de la démocratie, de reconduire une gouvernance de parti unique tournée plus sur la neutralisation des adversaires politiques que le développement du pays. On a pu ainsi voir des politiciens qui se sont ligués contre le parti unique, devenir adversaires lors des élections qui ont suivi, avant de gouverner ensemble sans état d’âme. Dans un tel environnement, il devient difficile d’expliquer au citoyen de base ce qu’est la démocratie et ses bienfaits sur le développement du pays, d’autant plus que les mauvaises pratiques de gestion ont prospéré plus que par le passé. En outre, avons-nous la même compréhension de la république et de l’Etat lorsque le malien moyen, c’est-à-dire l’immense majorité, ne se reconnaît pas dans la Constitution et les lois ?

IL FAUT QU’EXPLOSE ENFIN LE GÉNIE CRÉATEUR DU PEUPLE
MALIEN SUR LE SOCLE PLUS CONSENSUEL DES VALEURS SOCIÉTALES

Réaliser de grandes choses, c’est savoir se remettre profondément en cause. Aujourd’hui, il est indispensable de réorganiser l’Etat et les services administratifs autour d’objectifs réalistes et bien compris des populations, de faire des administrateurs civils (gouverneurs, préfets et sous-préfets) des agents du changement et du développement, dans un partenariat fécond avec le secteur privé et les communautés locales. Le repli identitaire n’étant plus une menace pour l’unité nationale comme aux premières heures de l’indépendance, il ne reste plus que des défis économiques à relever et, on ne pourra le faire qu’avec l’implication et l’engagement des populations sous l’égide d’une administration transformée. C’est la condition pour recréer le Mandé, le Kénédougou, le Macina, le Songhoï, l’AZAWAD et bien d’autres, pour qu’explose enfin le génie créateur du peuple malien. Chacun doit pouvoir se sentir chez lui et en territoire malien, responsable de son destin dans le cadre d’une décentralisation acceptée et non subie. Donnons vie à nos contrées qui portent les plus beaux noms et que l’administration coloniale, pour avoir été combattue par elles, a cherché à étouffer. Appelons-les comme les populations le font déjà avec beaucoup de fierté et sans autre prétention que leur attachement aux valeurs ancestrales. La France moderne a-t-elle oublié l’Auvergne, la Bretagne, la Bourgogne, etc… ?
La démocratie ne peut être effective sans une Administration au-dessus des intérêts partisans. Aucun développement durable ne peut être envisagé sans l’adhésion des populations, la prise en compte du fait culturel dans la conception et la mise en œuvre des programmes de développement. La renaissance du Mali est à ce prix.

Mahamadou Camara
camara.mc.camara@gmail.com
(Extrait d’un article publié au mois d’août 2014)
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