Regroupés au sein de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), les Groupes armés, signataires de l’accord de paix et de réconciliation nationale, prennent leurs instructions chez Iyad Ag Ghali, dont ils dépendent pour leur financement et leur approvisionnement en armes et en moyens roulants. Les Groupes djihadistes, opérant sur notre sol, aussi. D’où la nécessité pour les autorités maliennes de prendre langue avec l’émir d’Ansar dine, seul moyen ou presque, de ramener la paix et la sécurité au Mali. Et, partant, dans la sous-région ouest-africaine.
Annoncée, par Mahmoud Dicko, Tiébilé Dramé et Mohamed Ag Intallah, respectivement, président du Haut Conseil Islamique, du Parti PARENA (membre de l’opposition politique) et chef de la communauté touareg des Ifoghas à Kidal, comme une possible solution à l’insécurité, qui n’épargne désormais aucune région de notre pays, l’ouverture d’une négociation avec Iyad Ag Ghali, chef du Groupe terroriste Ansar dine, s’impose comme une nécessité. S’y ajoutent, aussi, les analystes politiques.
Tous défendent l’idée de l’ouverture d’une négociation avec Iyad Ag Ghali, l’émir d’Ansar dine. Pour eux, il est impossible d’aboutir à une paix durable sans son implication dans le processus de paix.
Une erreur de casting de la France et de la médiation internationale
Signé, il y a un peu plus d’un an, sous la supervision de la communauté internationale et de la médiation, l’accord pour la paix et la réconciliation nationale a du mal à ramener la paix et la sécurité au nord. Bien au contraire. Chaque jour que Dieu fait, la paix s’éloigne davantage. La sécurité, aussi. Avec, à la clé, des dizaines de morts par jour, civils comme militaires. L’administration peine à y retourner. Des régions entières échappent au contrôle du gouvernement.
« Nous constatons tous, depuis la signature de cet accord, que la question sécuritaire a pris des proportions inquiétantes. Ça ne va pas du tout et il ne faut pas qu’on se le cache. Cela est dû au fait que tous les éléments armés, surtout maliens, n’ont pas été associés au processus, notamment, les islamistes armés », déplore-t-il dans une interview, publiée le 23 mars dernier par notre confrère « L’indépendant ».
Et de poursuivre, en balayant du revers de la main l’argument de ceux qui interdisent au gouvernement malien d’ouvrir des négociations avec les groupes armés islamistes : « Tout le monde est d’accord que le caractère laïc de l’Etat est intègre et doit rester comme tel. Donc, discuter avec des terroristes de nationalité malienne ne relève pas, à mon avis, d’une faiblesse. Loin s’en faut. Le dialogue est l’arme des plus forts. Pourquoi avoir peur de négocier avec eux.
Les terroristes, qui prétendent défendre l’islam, ne sont pas plus musulmans que nous. En dehors des cinq piliers de l’islam, tout est à négocier dans la religion. Celui qui veut passer toute sa vie à prier, à jeûner, à faire le Zakat… cela ne regarde que lui.
Encore une fois, j’insiste là-dessus : l’Etat doit prendre langue avec ces gens pour comprendre, réellement, ce qu’ils veulent. Et faire en sorte que les attaques, les tueries puissent s’arrêter ».
A l’entame des pourparlers d’Alger, qui ont accouché de l’accord de paix, certaines voix s’étaient élevées pour réclamer la participation d’Iyad Ag Ghali à ces négociations. C’est sous la pression de la France, que les autorités maliennes ont abandonné cette idée. La suite, on la connaît.
Iyad, un mal nécessaire à la paix et à la sécurité
Plus d’un an après la signature de l’accord de paix, sous la supervision de la communauté internationale et de la médiation, la paix s’éloigne chaque jour un peu plus. Attribuées, à tort ou à raison, aux Groupes djihadistes, les attaques contre les populations civiles, les forces armées et de sécurité maliennes ou les forces internationales se poursuivent. Sans discontinuer. D’où la nécessité, pour les autorités maliennes de passer outre la pression de la France pour ne voir que le seul intérêt du peuple malien, en ouvrant des négociations directes avec l’émir.
D’abord, parce que tous les Groupes armés, excepté le GATIA, sont sous le contrôle tacite d’Iyad, auprès duquel ils prennent leurs instructions. Soit, pour participer aux travaux du comité de suivi de la mise en œuvre de l’accord de paix, soit pour le boycotter au besoin. Aussi, ce sont les hommes d’Iyad qui leur vient en aide, quand ils sont mis en difficultés par l’armée malienne.
Seul Iyad peut, aujourd’hui, les dissuader de rentrer dans les rangs. Il en a les moyens, acquis grâce aux milliards CFA, acquis à travers la libération des otages. Il dispose, aussi, de l’autorité nécessaire pour imposer la paix ; non seulement, aux groupes armés ; mais aussi, aux autres Groupes terroristes, présents sur notre sol. Parce qu’ils servent, quelque part, ses « intérêts », en entretenant cette insécurité générale et généralisée.
Outre Amadou Koufa, qui sème la terreur au centre du Mali, dans le Delta intérieur du Niger, Iyad dispose d’autres lieutenants dans d’autres régions du Mali et du Sahel.
Ensuite, parce que seule la collaboration franche avec Iyad permet aux autorités maliennes de reprendre la main sur le terrain. Comme ce fût le cas sous ATT.
C’est grâce à la collaboration tacite qu’ATT entretenait avec Iyad, que les combats, entre les Groupes rebelles et les forces armées et de sécurité, ne sont jamais déroulés dans les villes de Kidal, Gao ou Tombouctou. Ces combats se sont toujours limités dans l’extrême nord du Mali. Avec moins de victimes.
C’est, aussi, grâce à l’implication d’Iyad dans cette crise qu’ATT avait réussi à chasser le MNLA du nord du Mali. Repliés à la frontière burkinabo-malienne, ses rares combattants, qui ont réussi à sauver leur peau, erraient dans cette zone. Comme des fous dans un cimetière.
Enfin, parce que sans Iyad, ni les autorités intérimaires, ni les gouverneurs des nouvelles régions, encore moins les patrouilles mixtes ne peuvent avoir d’impact sur la vie des populations. Si la mise en œuvre de l’accord de paix piétine et le retour de l’administration au nord sans cesse reporté, c’est parce qu’Iyad entend montrer, chaque jour, aux autorités maliennes et à la communauté internationale, que sans lui il n’y aura pas de paix au Mali. Et, partant, dans tout le Sahel.
Comme on le voit, sans Iyad, le retour de la paix et de la sécurité sera difficile, voire impossible. Qu’on le veuille ou non, il a, déjà, un pied dans les négociations à travers le HCUA (Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad), une dissidence d’Ansar dine, membre de la CMA.
« Je suis convaincu que lorsque l’Etat va accepter de négocier avec les islamistes maliens, la paix sera totale et définitive au Mali », conclut le chef de la communauté touareg des Ifoghas de Kidal. Le président du Haut Conseil Islamique, Mahmoud Dicko et Tiébilé Dramé, président du « parti du bélier blanc » n’en pensent pas moins.