Contrairement à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), l’opposition malienne n’a pas pris part à la conférence d’entente nationale qui s'est ouverte le 27 mars.L’opposition malienne multiplie les réunions pour décider d’une stratégie à adopter durant la durée de la conférence d’entente nationale, prévue du 27 mars au 2 avril à Bamako, à laquelle elle ne participe pas faute d’avoir vu ses propositions prises en compte. C’est dans cette atmosphère que jeune Afrique a rencontré l’opposant Tiébilé Dramé, président du Parti pour la renaissance nationale (Parena) et fin connaisseur des enjeux de la crise malienne. Interview.
Jeune Afrique : Pourquoi l’opposition n’a-t-elle pas rejoint jusque-là les participants à la conférence d’entente nationale ? La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rebelles) l’a bien fait ?
Tiébilé Dramé : L’opposition a souhaité participer et a adressé au comité préparatoire de la conférence un mémorandum contenant des propositions d’amélioration pour organiser une véritable conférence inclusive. Nous avons voulu que celle-ci devienne un lieu d’appropriation par les Maliens de l’accord de paix qui doit être amélioré en vue de faciliter son application, et nous voulions aussi que la crise dans le centre du pays soit évoquée. Nous avons demandé qu’en marge de la charte pour la paix et la réconciliation, il y en ait une autre pour la bonne gouvernance et contre la corruption. Et enfin, nous avons souhaité que les conclusions des travaux des comités d’experts sur la révision de la Constitution puissent être versées aux participants pour que les forces vives de la nation apportent en toute connaissance de cause leur caution au nouveau visage institutionnel du Mali.
À l’ouverture de la conférence, le 27 mars dernier, certains ont critiqué votre politique de la chaise vide…
Nous n’avons pas été invités. Nous n’avons reçu ni termes de référence, ni programme des travaux. En vérité, les portes du train dont parlait le président [Ibrahim Boubacar Keita, NDLR] à l’ouverture de la conférence d’entente nationale ont toujours été fermées pour l’opposition. Depuis trois ans et demi, nous avons toujours fait des propositions pour apporter notre pierre à la sortie de crise, mais tout ce que nous avons reçu comme réponse de la part du gouvernement, c’est le refus de la concertation.
Quelle stratégie adopteriez-vous vous pour vous faire entendre votre voix ? Dans les coulisses de vos rencontres, on parle de l’organisation de marches de protestation prochainement.
Nous n’avons rien décidé de tel. Nous avons noté dans le discours du président à l’ouverture de la conférence un ton nouveau. C’était un discours rassembleur au regard de la gravité de la crise malienne. C’est au président d’ouvrir les portes du train car jusqu’ici, nous avons le sentiment qu’il y a des consignes de passer sous silence les propositions de l’opposition. Nos mémorandums ne reçoivent même pas d’accusés de réception. À l’heure actuelle, il n’y a rien qui peut amener l’opposition à participer à cette conférence d’entente nationale.
Si on avait écouté l’opposition politique, le Mali aurait gagné un temps précieux
Nous avons comme impression que le gouvernement a raté une fois de plus l’ouverture d’un événement de grande importance. Pourtant, le gouvernement a eu tout le temps de le préparer car il travaille dessus depuis septembre 2016, après le retour du président Ibrahim Boubacar Keita de l’ONU où il avait annoncé l’organisation de la conférence. Dans la nuit de dimanche à lundi dernier, le gouvernement a totalement changé de schéma directeur pour satisfaire les propositions des groupes armés. C’est la preuve que le gouvernement manque de vision et fait preuve d’amateurisme. Je constate, par ailleurs, que le gouvernement est plus apte à écouter les groupes armés que l’opposition politique.
Le gouvernement a tenu à préparer tout seul cette conférence pourtant prévue par l’accord de paix…
L’organisation de cette conférence aurait dû être inclusive dès la composition des comités préparatoires en intégrant des membres du gouvernement et des groupes armés mais aussi des membres des partis politiques de l’opposition comme de la majorité. Aujourd’hui, après tous ces mois de travail, c’est un changement total qui a eu lieu. Le dimanche 2 avril prochain, il n’y aura pas de charte, mais plutôt un comité d’expert désigné par le président de la république qui va donc prendre le temps d’aller consulter toutes les composantes de la nation malienne pour en tirer une charte.
C’est du gâchis d’argent public étant donné que la première formule, qui était censée donner une charte d’entente au bout d’une semaine, n’a pas été retenue. Or c’est pour cette formule qu’environ 300 participants sont venus de toutes les régions du pays. Le nouveau schéma directeur imposé par les groupes armés au gouvernement montre que la conférence aurait dû être reportée pour une meilleure préparation. Si on avait écouté l’opposition politique, le Mali aurait gagné un temps précieux.
Jeune Afrique