Les activités, au troisième jour de la Conférence d’entente nationale, ont porté sur des travaux en commissions, avec la répartition des participants entre trois groupes de travail. Il s’agit des commissions Paix, Unité nationale et Réconciliation nationale. C’est le ministre de la Réconciliation nationale, Mohamed El Moctar, qui présidait les travaux de la commission Réconciliation nationale. Pour planter le décor, il a précisé, d’entrée de jeu, qu’il était question d’identifier et de mettre le doigt sur ce qui ne va pas dans notre pays. Les intervenants se sont prononcés sur les causes à la base de l’effritement de l’entente et de la cohésion sociale dans notre pays.
Ainsi, sans porter de gants, Seydou Cissé de la Plateforme a affirmé que c’est le gouvernement qui est responsable de la mésentente entre les Maliens, estimant que c’est lui qui divise les mouvements armés, la société civile, les partis politiques, les populations à la base. Il a regretté que les autorités n’injectent pas assez d’argent pour promouvoir la réconciliation nationale qui est, en principe, un travail de terrain. Tounta Coulibaly de l’association ADEMA ajoutera que la réconciliation ne peut se faire sans la justice et le pardon. Au nom du collectif des Associations des cercles du Sahel occidental, Souleymane Camara a rappelé que toutes les rebellions déclenchées au Mali ont eu des conséquences néfastes sur les populations du Sahel occidental. Il a plaidé pour l’intégration dans les recommandations de la Conférence d’entente nationale de la prise en charge des cercles du Sahel occidental dans l’exécution des programmes spéciaux de développement dont bénéficient les Régions du Nord. Pour sa part, Abdoulaye Mako de l’association «Temedt» a admis que c’est le problème de Kidal qui est en train de contaminer tout le Mali. « Il est impératif que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme prennent l’engagement de mettre fin à la situation qui prévaut à Kidal », a-t-il préconisé.
De son côté, Ag Akado, président de l’Association malienne de la culture Bellah a indiqué que sa communauté est victime d’un déni d’existence. « La communauté Bellah n’est pas citée parmi les communautés du Nord. Le Bellah n’est pas le Tamasheq même s’il parle la langue de cette communauté. Nous ne sommes plus des esclaves », a-t-il martelé. Et Ag Akado de souligner que la contribution des Bellahs à la Conférence d’entente nationale, c’est de voir finir ces traitements inégalitaires dont ils sont victimes. « Tant que ces données ne sont pas intégrées, a-t-il poursuivi, il n’y aura pas de réconciliation nationale ». « Comment se réconcilier avec la personne qui vient piller tes biens ? », s’est interrogé Moulaye, originaire de la Région de Taoudenit. On doit prioritairement réconcilier la CMA et la Plateforme dont les combattants terrorisent les pauvres populations, selon lui, fustigeant au passage l’absence de l’État.
Abondant dans le même sens, un conseiller du chef de faction d’Aguelhok (Région de Kidal), a affirmé que la Région de Kidal est prise en otage par la CMA du fait de la complicité de la communauté internationale. « Revenez aux solutions locales, revenez aux populations à la base si vous voulez que la paix revienne. La solution ne se trouve ni à Bamako, ni à Alger, ni à Ouagadougou. Il est inadmissible que certains Maliens -y compris le gouverneur- ne soient pas acceptés à Kidal », a-t-il lancé.
Pour parvenir à une réconciliation réussie, Paul Diarra de la jeunesse catholique de Bamako insiste sur la lutte contre l’injustice, la corruption. À l’en croire, le gouvernement doit prendre toutes ses responsabilités. «Ce qui nous divise, c’est l’injustice, l’inégalité. Certaines communautés ont été privilégiées par rapport à d’autres», a-t-il regretté. Comme pour résumer ces différentes interventions,
Acherif Ag Yeyia, enseignant en service dans la Région de Gao a déclaré : « La Conférence d’entente nationale n’est pas un procès national. Il faut un grain de sagesse et de paix. L’équilibre entre les communautés est indispensable pour une vraie réconciliation ».
Qu’est ce que chacun de nous entend par unité nationale ? Qu’est ce que chacun de nous va apporter à la reconstruction de cette unité nationale, en termes d’actions, en termes de devoirs, en termes de respect des institutions, de recomposition de la gestion, en termes de gouvernance ? Sont autant de questions auxquelles les participants de la commission Unité nationale étaient appelés à répondre. Les travaux de cette commission étaient dirigés par Me Harouna Toureh de la Plateforme.
Pour l’essentiel, nombre d’intervenants ont critiqué le fait qu’ils se sont, à un moment ou à un autre de leur vie, sentis abandonnés par l’État du Mali. En raison de son absence et, quand il est présent, de son manque de savoir-faire, de savoir gouverner, de savoir concilier les citoyens. En somme, une accumulation de frustrations. Et Me Harouna Toureh de résumer leurs ressentis en ces termes : «Il y a d’autres qui ont abordé la question de la diversité qui n’est pas prise en compte. Ils ont évoqué également le fait que sur le plan culturel, ils ne se sentent pas souvent concernés. Il est vrai que nous avons une histoire commune, mais l’histoire ne suffit pas pour refonder une nation. Ils estiment qu’il faut, sur les plans, politique, économique, culturel, institutionnel, qu’ils sentent qu’ils existent, qu’ils sont concernés et écoutés». La présidente de la Coordination des associations, organisations et ONG féminines (CAFO), Mme Oumou Touré, pense que l’unité du Mali, c’est d’abord la famille. Elle estime que nos valeurs culturelles constituent le socle de l’unité nationale car les communautés vivaient sur des valeurs de solidarité, de pardon et d’entraide. Comme pistes de solutions, les participants ont proposé, entre autres, de revoir la gouvernance avec un équilibre entre les régions, de refonder l’État, de revaloriser les mécanismes traditionnels pour résoudre les conflits, par exemple le «Sinankouya», (cousinage à plaisanterie).
Massa SIDIBÉ