La plénière a été marquée, non seulement, par la lecture des rapports des différents groupes de travail, mais aussi par des interventions suscitant parfois de vives polémiques
A la Conférence d’entente nationale, la journée du samedi dernier a été consacrée aux restitutions, en plénière, des travaux des commissions Paix, Unité et Réconciliation. C’était dans la salle 3000 places du Palais de la culture Amadou Hampâté Ba, sous la conduite du Pr Baba Akhib Haïdara, président de la Conférence d’entente nationale. On notait également la présence du président du Comité de suivi de l’Accord, Ahmed Boutache, d’une délégation de nos compatriotes réfugiés au Burkina-Faso et en Mauritanie et de celle de l’opposition politique conduite par son chef, le député Soumaïla Cissé. C’est l’ancien ambassadeur et non moins président de l’UM-RDA, Ibrahim Bocar Ba qui a été désigné rapporteur de la commission Réconciliation, présidée par le ministre de la Réconciliation nationale, Mohamed El Moctar. Après avoir rendu compte du déroulement des travaux assortis d’une kyrielle de recommandations, il a exposé à la plénière les résolutions formulées par son groupe de travail. Il s’agit, entre autres, de renforcer l’autorité de l’État et d’assurer sa présence sur l’ensemble du territoire national ; d’améliorer la gouvernance en instaurant plus de transparence et de rigueur dans la gestion des ressources publiques, la distribution de la justice et en s’attaquant résolument à la corruption et au clientélisme ; de lutter efficacement contre la pauvreté dans toutes les Régions du Mali et d’accroître l’accès des populations aux services sociaux de base ; de dépolitiser et de reconstruire les forces de défense et de sécurité malienne pour la défense du territoire national et la protection des personnes et de leurs biens. Il s’agit aussi d’éviter la stigmatisation, l’amalgame, la suspicion entre les communautés et lutter contre les inégalités sociales entretenues et/ou encouragées par l’État et les groupements d’orientation politique ; de criminaliser l’utilisation de la violence et des armes comme moyen de revendications sociales, religieuses ou politiques et d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger. La question de l’appellation Azawad a cristallisé les débats lors des travaux dans les trois groupes et même à la plénière. A ce propos, Ibrahim Bocar Ba a précisé que la plupart des intervenants ne voient pas d’inconvénients en ce qui concerne l’appellation Azawad si on s’en tient à des qualificatifs comme entité mémorielle ou espace géographique dont la superficie est clairement définie, en l’occurrence dans la zone géographique de Taoudénit. Il a ajouté que les participants ont écarté toute utilisation de cette appellation Azawad avec des arrières pensées politiques avouées ou non. NéGOCIER AVEC LES TERRORISTES. Le groupe de travail consacré à la thématique de la Paix était présidé par le représentant de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Mohamed Ould Mahmoud dit Maddo. Son rapporteur, Dr Ben Moulaye Haïdara a expliqué que les participants, après avoir effectué des échanges animés et fructueux, sont parvenus à plusieurs recommandations. Il s’agit notamment de prendre en compte dans la révision de la Constitution toutes les dispositions de l’Accord ; de négocier avec les belligérants du Centre du pays en l’occurrence Ahmadou Koufa tout en préservant le caractère laïc de l’État ; de négocier avec les extrémistes religieux du Nord en l’occurrence Iyad Ag Agali ; de bannir toutes sortes d’amalgame, de discrimination et de stigmatisation ; de réconcilier tous les fils du Mali (dont les frères Imghads et Ifoghas pour résoudre le problème de Kidal) avant de finaliser la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale ; de promouvoir la libre administration des communes, cercles et régions et d’en faire une réalité tangible. D’autres recommandations portent sur le redéploiement de l’administration, des services techniques déconcentrés et des services sociaux de base partout dans le Nord ; le dédommagement des victimes des différentes rébellions ; la promotion des autorités traditionnelles en laissant à chaque fraction, village ou quartier le libre choix de s’autogérer. Auparavant, cette commission s’est d’abord attelée à identifier les causes du conflit qui sont, entre autres, la mauvaise gestion des ressources publiques de l’Etat ; la mauvaise répartition du développement et du pouvoir ; la corruption et le népotisme ; le faible développement des Régions du Nord ; la faible exécution des précédents accords ; la non prise en compte des sortants des universités arabes dans la fonction publique depuis l’indépendance et les intérêts géostratégiques et économiques internationaux. La commission Unité, dirigés par Me Harouna Touréh de la Plateforme, a été la dernière à présenter son travail. Son rapporteur, Younoussa Touré, a noté qu’à la demande du président de la Conférence, une séquence d’échanges portant sur les observations des participants à la plénière a été engagée. Il a ajouté que nombre d’intervenants ont proposé des ajouts avec un focus particulier et quelque peu polémique sur la clarification de l’appellation Azawad. En réaction, Sidi Mohamed Al Oumrani de la CMA, dira que seule l’application intégrale des dispositions de l’Accord ramènera la paix. «Nous voulons seulement avoir nos droits qu’on nous a refusés pendant de longues années», a-t-il lancé. Almou Ag Mohamed de la CMA admet, lui aussi, que le mot Azawad est central dans cette conférence. «Qu’on trouve le cadre idéal pour parler de la question de l’Azawad sans tabou. Il y va de l’unité et de la paix au Mali», a-t-il fait savoir. Un troisième responsable de la CMA de proposer carrément un découpage territorial pour que chacun se sente mieux dans son terroir. Pour sa part, Mohamed Kimbiry a exprimé sa préférence pour le mot terroriste à la place de la dénomination djihadiste. Il a aussi précisé que laïcité n’est pas synonyme d’anti-islam. Pour le président du Haut conseil islamique (HCI), l’imam Mahmoud Dicko, la dimension religieuse doit être orientée et comprise par l’ensemble des Maliens, même s’il soutient que le caractère laïc et républicain de l’État lui convient. Il a, en outre, indiqué que la situation dans le Delta central du pays est inquiétante. Il a également attiré l’attention des participants sur une autre préoccupation, à savoir la situation des 2000 à 3000 peuls réfugiés au Burkina-Faso. Quant à Mme Sy Kadiatou Sow de l’association ADEMA (Alliance pour la démocratie au Mali), elle a mis l’accent sur le caractère inclusif dans la conduite du reste du processus. «Il faut qu’on sorte du tête-à-tête gouvernement-groupes armés », a-t-elle suggéré tout en insistant sur le désarmement des combattants des groupes armés en vue du redéploiement de l’armée. Toute chose qui, selon elle, favorisera la mise en place et le fonctionnement normal des services sociaux de base. L’ancien président de l’Assemblée nationale, Pr Ali Nouhoum Diallo, a confié qu’il est illusoire de penser que l’Accord pour la paix et la réconciliation sera appliqué intégralement. Pour étayer ses propos, il a fait allusion aux précédents accords signés dont la mise en œuvre n’a pas été complète. «Il faut qu’on se parle franchement en examinant les problèmes à fond. Appliquons tout ce qui peut faire l’unité de la nation et la paix. De même, l’État ne pourra employer tous les jeunes. Promettons ce que nous pouvons faire», a-t-il dit, dénonçant au passage l’attitude belliqueuse et versatile des groupes armés.