Le train dont le chef de l’Etat a sifflé le départ le 27 mars dernier est enfin arrivé à bon port avec tous ses passagers à bord. En dépit de certaines récriminations et quelques couacs d’ordre organisationnel, cette conférence d’entente nationale a le mérite d’avoir réuni tous les Maliens autour de la même table pour la première fois depuis le début de la crise en 2012. Elle est surtout parvenue à des résolutions et recommandations qui ouvrent la voie à un nouveau départ pour le Mali.
C’est un président de la République Ibrahim Boubacar Keïta visiblement satisfait qui a présidé la cérémonie de clôture des travaux de la Conférence d’entente nationale ce dimanche 2 mars 2017. Satisfait en ce sens que le train qui avait pris le départ le 27 mars dernier au palais de la Culture de Bamako, en l’absence de certains passagers, avait fait le plein entre temps. En effet, l’opposition politique et les mouvements de la CMA qui avaient boycotté l’ouverture de la conférence d’entente nationale pour des raisons diverses ont rattrapé le train à différentes gares, comme le chef de l’Etat l’avait espéré.
Sous l’arbre à palabre auquel l’emblématique salle Banzoumana Sissoko a servi, un millier de Maliens, pour 300 participants attendus, se sont rencontrés pendant une semaine pour discuter des questions qui ont profondément trait à la vie de la nation malienne: paix, réconciliation et unité nationale. Cette rencontre, émanation de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger, était importante pour l’avenir du Mali, en ce sens qu’il s’agissait là de la toute première fois que l’ensemble des Maliens se retrouvent autour d’une même table pour, peut-on dire, nouer un nouveau contrat social. Au terme de débats parfois houleux, mais empreints de patriotisme et du sens de la responsabilité, les participants ont d’abord identifié ce qu’ils croient être les causes profondes de la crise malienne, avant de formuler un certain nombre de résolutions et de recommandations.
Selon Nouhoum Sangaré, rapporteur général, les causes de la crise cyclique à laquelle fait face le Mali résident fondamentalement dans le déficit de la gouvernance, c’est-à-dire la corruption, le clientélisme et le népotisme. En plus, les participants ont retenu comme facteurs favorisant la crise l’absence de communication entre gouvernants et gouvernés; la mauvaise distribution de la justice; l’incapacité de l’Etat à gérer la porosité des frontières; la prolifération des associations à caractère ethnique ou régionaliste; l’instrumentalisation de la religion; l’insuffisance de la mise en œuvre des accords précédents et le manque de leur suivi et évaluation. S’y ajoutent l’abandon des valeurs sociétales, la mauvaise répartition des richesses, l’insuffisance des services sociaux de base et le problème de l’emploi des jeunes.
La conférence a par ailleurs fait d’importantes propositions relatives notamment à l’Azawad qui était une question centrale de la rencontre. Ainsi, le terme Azawad, selon les participants, ne doit plus renvoyer à un projet politique. L’appellation Azawad est désormais reconnue comme une réalité sociétale et mémorielle partagée par certaines communautés du Nord. Toutefois, l’Azawad ne peut aucunement englober toutes les régions dites du Nord du Mali.
Sur le plan de la gouvernance, la Conférence propose que l’on fasse l’évaluation et l’audit de toutes les ressources publiques destinées aux régions du Nord et l’accélération du retour de l’administration publique sur toute l’étendue du territoire national. Mieux, elle souhaite, pour parler de sécurité, la responsabilisation des populations à la base dans la prévention et la gestion des conflits, l’accélération du processus désarmement, démobilisation réinsertion (DDR) des ex-combattants ainsi que le redéploiement de l’armée reconstituée pour la sécurisation des personnes et de leurs biens.
Au chapitre de la paix, la Conférence a recommandé notamment que le gouvernement malien négocie avec les ‘’belligérants du Centre’’ du Mali, en l’occurrence Amadou Koufa du Front de libération du Macina, et l’extrémiste du Nord, Iyad Ag Agali, chef d’Ansar Eddine. S’y ajoutent l’instauration d’une journée nationale de la réconciliation et de la paix, au cours de laquelle le chef de l’Etat devra adresser un message à la nation, ainsi que l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord.
Sur le plan de la diversité et des formes d’exclusion, la Conférence propose l’intensification des échanges culturels entre le Nord et les autres régions du Mali, ainsi que l’élaboration d’une nouvelle charte pastorale.
Après avoir reçu les éléments de la future charte de la paix des mains du président de la Conférence d’entente nationale, Ibrahim Boubacar s’est félicité de la tenue de cet exercice ‘’indispensable’’. S’il estime que les appréhensions qui ont précédées la rencontre étaient légitimes, il espère à présent que les conclusions issues de ces échanges inter-maliens devraient contribuer au retour de la paix, à la reconquête de l’unité nationale et à la réussite de la réconciliation. Il a par ailleurs promis qu’une large vulgarisation sera faite des éléments qui concourent à la rédaction de la charte, afin d’en faire un document le plus consensuel possible.