Montée tardivement à bord du train de la paix pour des raisons de mépris dit-on, l’opposition reconnait l’opportunité de la tenue d’une conférence d’entente nationale malgré les insuffisances à corriger. C’est du moins ce qu’on peut retenir de la déclaration du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé le 1er avril 2017 au palais de la culture.
Consternée par les «insuffisances» des termes de référence et le «mépris» du gouvernement à leur égard, l’opposition avait décidé de ne pas prendre part aux présentes assises, a expliqué le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé. «Malgré nos multiples correspondances contenant des propositions pour améliorer les termes de référence adressées au médiateur, l’opposition jusqu’au jour de l’ouverture de la conférence n’avait reçu aucune réaction à ses propositions. Nous avons dépêché un émissaire par deux fois chez le médiateur pour avoir les termes de référence définitifs, connaître la liste des invités, le format de la conférence et la place réservée à l’opposition. Nous n’avons reçu à ce jour aucune correspondance répondant à nos demandes. C’était pour dire que la bonne foi de l’opposition ne peut être mise en cause. Car le mépris du gouvernement à l’endroit de l’opposition a fait que les offres d’un dialogue républicain ont toujours été rejetées», s’est-il plaint.
Aux dires de Soumaïla Cissé, la présence de l’opposition n’était pas souhaitée. Selon lui, c’est seulement 3 jours, le mercredi 29 mars après le début de la conférence qu’une délégation du bureau de la conférence d’entente nationale a été reçu par l’opposition les invitant à participer aux travaux. « Le mercredi 29 mars nous avons reçu une délégation du bureau de la conférence nous invitant à participer à la conférence. C’est au cours de cette réunion, 3 jours après le début de la conférence que sur diligence d’un membre de la délégation que l’opposition a reçu les cartes d’invitations à la conférence, en début de soirée ».
Néanmoins, précise Soumaïla Cissé, nous avons continué à discuter avec les délégués et avons abouti à un accord en 8 points. Il s’agit de : l’organisation d’une conférence spéciale inclusive sur la paix et la stabilité au centre du Mali; l’organisation d’états généraux sur la défense et la sécurité nationale; l’organisation d’états généraux sur le foncier; l’adoption d’une charte pour la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption ; l’adoption, après la rédaction de la charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale, des réformes institutionnelles ainsi que de la révision constitutionnelle ; l’adoption urgente de mesures consensuelles pour l’organisation d’élections crédibles et transparentes.
A cela s’ajoute l’évaluation de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ; la définition des étapes à venir c’est-à-dire: la mise en œuvre des résolutions et recommandations de la conférence notamment la phase de consultations de toutes les composantes de la nation, la rédaction et l’adoption de la charte pour la paix et la nature inclusive de la structure chargée des différentes étapes du processus.
A la suite de ce processus, l’opposition a rejoint la conférence d’entente nationale. Le samedi 1er avril, aux environs de 17h30, le chef de file de l’opposition a fait une déclaration qui reconnait le bien fondé des présentes assises.
Après avoir rendu grâce à Allah d’être à cette rencontre, il a déclaré «Je voudrais vous saluer tous et vous remercier d’avoir demandé à l’opposition politique de s’associer à cette si importante rencontre qui est déterminante pour l’avenir de notre pays, l’avenir de nos enfants, et même pour l’existence et la pérennité du Mali». Toutefois, le patron de l’opposition a des réserves et des inquiétudes.
Les inquiétudes de l’opposition
Malgré la reconnaissance de la nécessité d’une conférence d’entente nationale, Soumaïla Cissé souhaitait qu’elle se fasse dans les conditions les meilleures pour une paix définitive dans un Mali Un, indivisible, républicain et laïc. C’est pourquoi, a-t-il rappelé avec insistance que cet accord n’est pas un bon accord estimant qu’il comporte les germes d’une partition du pays. Car, argumente-t-il, l‘existence de l’accord de paix ne devrait nullement occulter la situation sécuritaire inquiétante dans le nord et le centre du pays.
La résolution de la crise requiert le nécessaire dialogue entre les différentes composantes de la nation.
L’immense campagne de sensibilisation organisée par le gouvernement autour de l’accord de paix issu du processus d’Alger, présenté comme étant le meilleur, n’a eu aucun effet bénéfique pour le pays. Bien au contraire, regrette le chef de file de l’opposition, nous assistons impuissants à une recrudescence de la violence avec son cortège d’attaques meurtrières contre les forces armées et de sécurité du Mali, les Forces de la Minusma et les populations civiles au nord, au centre et au sud du pays.
En 2016, commente-t-il, 396 personnes dont 207 civiles ont perdu la vie dans le centre et le nord du Mali. L’année 2017 a déjà enregistré au 31 Mars au moins 250 morts.
Sensée dégager des dynamiques consensuelles et convenir des éléments fondamentaux consécutifs d’une charte pour la paix, cette conférence, une émanation de l’accord de paix d’Alger peut-elle atteindre ses objectifs si des dispositifs essentiels de l’accord ne sont pas effectifs et respectés, s’interroge Soumaïla Cissé. Il s’agit entre autres, de la sincérité des parties : Première garantie de l’aboutissement de l’accord (article 50); la promotion d’une véritable réconciliation nationale (article 46) fondée entre autres sur : la création d’une commission de lutte contre la corruption et la délinquance financière ; la création d’une Commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur tous les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide, les crimes sexuels et les autres violations graves de droit international humanitaire sur tout le territoire malien. A cela s’ajoute la réaffirmation du caractère imprescriptible des crimes de guerre et crimes contre l’humanité et l’engagement des parties à coopérer avec la commission d’enquête internationale et la non amnistie pour les auteurs des crimes de guerre et crime contre l’humanité et violations graves des Droits de l’Homme.
L’opposition s’interroge également si cette conférence peut atteindre ses objectifs alors que ses termes de référence se référant à l’article 5 de l’accord d’Alger relatif à l’Azawad, occultent cette affirmation essentielle. Il s’agit, dit-il, «l‘appellation Azawad recouvre une réalité socio- culturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du Nord Mali (et non le Nord du Mali) constituant des composantes de la communauté nationale. Une compréhension commune de cette appellation qui reflète également une réalité humaine, devra constituer la base du consensus nécessaire, dans le respect du caractère unitaire de l’Etat malien et de son intégrité territoriale». Pour l’opposition, ce débat doit avoir lieu en toute clarté, en toute vérité et concerne toute la nation. Partant, elle a réaffirmé que la seule solution pacifique viable et inclusive de résolution de la crise multiforme que connaît notre pays passe par la tenue d’une concertation nationale inclusive regroupant l’ensemble des forces vives de la nation autour des problèmes institutionnels, de Défense, de sécurité, de gouvernance et de développement.