MOPTI (Mali) - Ce sont des enfants qui ont ramassé la grenade abandonnée pour jouer avec dans la cour d'une case en terre de Mopti, au centre du Mali. Amadou, 19 ans, l'a regardée puis il l'a jetée. Et elle a explosé. Amadou a perdu les doigts de sa main gauche. Simone, un bébé de 13 mois, est morte.
Depuis avril, sept personnes ont été tuées et 53 blessées par des munitions ou des engins explosifs abandonnés, résidus du conflit qui oppose les jihadistes aux autorités maliennes et à leurs alliés. Les enfants sont en première ligne : 5 morts et 38 blessés en quelques mois, selon l'Unicef.
"La situation est extrêmement préoccupante", s'alarme Laurent Duvilliers, porte-parole de l'Unicef rencontré à Bamako. "Deux cent mille enfants sont exposés à des risques de blessures ou de morts dans le nord et dans le centre du Mali en raison de ces munitions de guerre" disséminées "avec lesquelles ils veulent jouer".
Soigné à l'hôpital, Amadou est triste et déprimé. Sur son bras gauche, un bandage blanc laisse deviner un moignon. Il explique qu'il a pris la grenade pour regarder ce que c'était. "J'étais curieux, je l'ai dévissé pour la jeter et ça a explosé".
"Je suis d'abord fâché contre moi même parce que je savais bien que ce n'était pas bon", dit-il tout doucement. "Mais j'en veux également à ceux qui ont amené cet engin dans la ville", lâche-t-il sous le néon blanc de sa chambre d'hôpital.
Devant la case au toit de chaume de la famille d'Amadou, une bassine en fer a été trouée par l'explosion qui a secoué le quartier "bas-fonds" le 28 février. Le frère d'Amadou, trois ans, en garde des cicatrices, au cou, à la poitrine, au genou.
"Situation extrêmement préoccupante"
D'où vient la grenade? En plein centre du pays, à la limite de cette moitié nord qui a subi l'emprise des jihadistes, Mopti n'a pas connu de combats directs. Mais son hôpital a reçu les blessés des combats qui ont secoué Konna, 70 kilomètres plus au nord.
"Nous savons que les jihadistes se sont introduits dans la population", dit le docteur Boubacar Diallo, directeur de l'hôpital de Mopti.
"On a eu deux explosions en quelques jours. Ce sont les effets collatéraux de la guerre", explique le docteur en passant sa main sur la tête d'Amadou. La première explosion a blessé trois enfants à Konna. La deuxième a tué Simone et envoyé Amadou dans l'hôpital flambant neuf financé par la France et la Belgique.
A Konna par exemple, "il y a des munitions à même le sol, des grenades, et des rapports font état d'obus qui n'ont pas explosé", dit-il. A l'entrée de la ville, "des véhicules de jihadistes remplis de munitions ont explosé. Mais tout n'a pas explosé et ça crée une sorte de champ dangereux".
Les deux parties du pays les plus concernées sont le nord (Tombouctou, Kidal, Gao) et le centre (Konna, Diabali) où des combats directs ont eu lieu.
Pour limiter ces effets collatéraux de la guerre, l'Unicef et ses partenaires ont lancé une campagne de sensibilisation. Des bandes dessinées sont distribuées dans les villes pour sensibiliser les enfants, des bâches informatives sont dépliées dans les écoles. Les dessins déjà utilisés en Afghanistan ont été adaptés au Mali. En quelques mois, 27.000 enfants ont pu être sensibilisés.