L’Etat central éprouve de sérieuses difficultés à atteindre les villages, quartiers et fractions. Afin de permettre un développement concerté et équilibré qui prend en compte les vœux des populations à la base, le Mali a mis en chantier un processus de décentralisation, réclamé par la Conférence nationale et les populations. Après deux décennies de pratique de la décentralisation, la reforme est elle irréversible, a-t-elle atteint ses objectifs ?
La décentralisation est consacrée par la constitution du 25 février 1992 et le code des collectivités qui a mis en œuvre, trois niveaux de collectivité que sont : Les communes, les cercles et les régions. Cette organisation territoriale met en avant la commune, qui reste le premier maillon de la chaine de décentralisation. On ne gouverne mieux que de très près disent certains, les effets de cette proximité du pouvoir tardent à atteindre les populations.
Reforme majeure de la troisième république, la décentralisation suscite de réels espoirs, malgré quelques difficultés. L’Etat a cédé certaines de ses prérogatives aux collectivités territoriales que gèrent les organes élus, le conseil communal.
Le conseil communal composé de membres élus par les citoyens résidents de la commune règle par ses délibérations les affaires de la commune. Des dix neuf communes urbaines qui existaient, plus aucun centimètre du pays n’est resté en dehors d’une commune. Ce qui a permis la création de 703 communes, dont 37 communes urbaines et 666 communes rurales. Constituées de quartiers pour les urbaines, les communes rurales ne comptent que des villages ou fractions. Le deuxième niveau de l’architecture de la décentralisation est le cercle, qui correspond aux anciens cercles et la région.
La commune, est une collectivité décentralisée dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. L’érection d’une commune obéit à certains critères dont la volonté de vivre ensemble, les liens de solidarité et la viabilité financière. La commune, rurale ou urbaine prend en charge les préoccupations essentielles des populations. Certaines compétences sont prises en charges par les communes sans difficultés ( Etat civil, jeunesse, sports, cultes, religion). Les compétences transférées par décret (hydraulique, santé, éducation) font encore l’objet de tiraillement entre l’administration et les collectivités territoriales. Le transfert des ressources liées à ces compétences divisent encore les acteurs. La cession aux communes des compétences de gestion des services sociaux de base devait accélérer la prise de décision des programmes et projets, en minimisant la chaine de décision de commandement ou de décision.
Les acteurs du développement local sont essentiellement les communautés, les élus communaux, la tutelle, l’Etat et les partenaires. La mise en cohérence des actions de ces intervenants est à l’origine du développement local dont la somme peut faire évoluer un pays. La reforme pèche par les lacunes de certains de ces acteurs, les élus et la tutelle.
Aux premières heures de la mise en place des collectivités territoriales, l’Etat et les partenaires avaient imaginé des dispositifs d’accompagnement pour guider les premiers des collectivités naissantes. La Cellule de Coordination National (CCN), les 46 Centre de Conseil Communal (CCC), qui agissaient par le truchement de 28 operateurs ( ONGs ou Bureaux d’étude) pour l’appui à la conception et la programmation. Ce dispositif était soutenu par des partenaires financiers, sous forme de projet qui a une fin. La disparation de tel dispositif n’a pas permis à la décentralisation de connaitre l’essor souhaité. Le processus subit aussi de réelles entraves à cause de la qualité des ressources. D’abord des humaines, ni la tutelle (administration), ni les élus communaux et le personnel des collectivités ne semblent véritablement outillé pour impulser le développement local.
La tutelle des communes est assurée par le représentant de l’Etat, le préfet ou le sous préfet selon le code des collectivités. Celle des Conseils régionaux par les gouverneurs ou le Ministre en charge de l’administration du territoire. Le contrôle de légalité des actes de ces collectivités est souvent mal assuré, ce qui occasionne des errements.
Cette tutelle est chargée de l’appui-conseil des organes de gestion des collectivités et du contrôle de la légalité des actes. L’administration en général s’est peu acquittée de ces taches. La mutation d’une administration de commandement à une administration de développement n’est pas toujours aisée. Et une reforme a besoin de temps afin que les acteurs s’approprient les concepts.
Les limites des élus locaux aussi ne permettent pas une gestion efficiente des affaires de la cité. Le taux de renouvellement élevé (70%) des organes des collectivités empêche la constitution de bases de ressources qualifiée pour la gestion communale. A l’exception notable des communes urbaines, la qualité des ressources humaines reste en dessous des attentes. La volonté seule ne suffirait pour donner un coup de fouet au développement local.
En absence d’accompagnement, la conception de projet de développement reste laborieuse.
L’épineuse question du transfert des compétences et des ressources demeure la bête noire des organes de gestion des collectivités. Aux dires de certains maires, les problèmes sont transférés, ils attendent toujours les ressources. Certaines structures de gestion des compétences transférées se demandent encore ce qu’elles doivent transférer.
Malgré ces lacunes et imperfections, la décentralisation a glané certains succès. Elle permet une responsabilisation des communautés et surtout permettre la réalisation de programmes et projets aux bénéfices des populations avec moins de pression de l’administration. On ne gouverne mieux que de très près, cette gouvernance de proximité reste perfectible. Elle donnerait de meilleurs résultats, lorsque les acteurs en présence accepteront leurs rôles et devoirs.
Issa Camara