L’incapacité du régime actuel à satisfaire les attentes des Maliens ne fait finalement l’ombre d’aucun doute. Après la déception et la résignation, la grande majorité des Maliens sont sur la dernière échelle des émotions : la colère. Une colère noire, à l’égard de celui qui a promis un Mali vertueux et après seulement deux années de gouvernance, qui se manifeste à travers les grèves limitées et/ou illimitées déclenchées par plusieurs organisations syndicales notamment de la santé et de l’éducation. Les travailleurs de ces deux secteurs sont, en effet, déterminés à se faire entendre. Conséquence ? Le Mali devient aujourd’hui un pays où, en plus de l’insécurité, les secteurs de la santé et de l’éducation sont moribonds… Déplorable ! On en serait pas là, si IBK avait honoré le 1/100ème de ses promesses « électoralistes » : améliorer la qualité des services de santé, assurer la disponibilité des ressources humaines qualifiées, revaloriser la fonction enseignante, d’agent de santé… Voici ce que Ibrahim Boubacar Keïta promettait aux Maliens en matière de santé et d’éducation…
Depuis un mois, le Mali vit une situation inédite dans son histoire, à savoir une grève illimitée des agents de santé. Ce qui engendre des conséquences incalculables dans un contexte où les soins de santé sont déjà précaires et à un moment de forte chaleur. Le syndicat qui mène ce vaste débrayage des hôpitaux et centres de santé avait déjà observé en début d’année une grève de 5 jours qui marque encore les esprits.
Pourquoi cette grève illimitée? Djimmé Kanté, porte-parole des grévistes de l’hôpital Gabriel Touré, a donné des explications : « Ce que nous demandons ce n’est pas la mer à boire. L’Etat a suffisamment de moyens pour faire face à nos doléances. C’est en connaissance de cause que nous avons demandé une augmentation substantielle des primes de garde, des primes de fonction et d’autres primes.
Ici les conditions de travail sont vraiment déplorables. Lorsque vous arrivez chez nous, à l’hôpital Gabriel Touré, facilement on vous dit : il n’y a pas de gants, allez acheter vos gants vous-mêmes. Parce qu’il n’y a pas suffisamment de gants pour les médecins. Et souvent les médecins sont très exposés par rapport à ça. Egalement, vous partez au laboratoire pour un simple prélèvement, on vous demande d’aller chercher une seringue, ce qui est tout à fait anormal. Le strict minimum, les médicaments essentiels… Le labo est pratiquement vide.
Et puis les analyses ne sont pas du tout fiables du fait que certains réactifs sont vendus n’importe comment et les équipements sont souvent achetés vraiment dans des conditions très douteuses. Donc c’est un vrai problème.
Nous grevons aussi pour ça parce que lorsque nous demandons l’amélioration du plateau technique, lorsque nous demandons le recrutement de personnels qualifiés, je pense que c’est justement pour pallier à des insuffisances de ce genre ».
Telle est la triste réalité dans les structures de santé au Mali, sous un président de la République qui promettait le meilleur à son peuple lors de la campagne présidentielle de 2013. Avec son projet présidentiel « Le Mali d’abord », qui compile des actions irréalistes et irréalisables, et son slogan «Pour l’honneur du Mali-Pour le bonheur des Maliens », IBK a étourdi des Maliens qui l’ont plébiscité avec plus de 77% au second tour. Promettant le paradis sur terre, le candidat y allait de tous les beaux discours pour séduire l’électorat.
Dans le domaine de la santé, le candidat s’est engagé à « réussir un nouveau programme quinquennal de développement socio-sanitaire ». Les objectifs, selon son projet, sont multiples. En bonne place figurent l’amélioration de la qualité des services de santé dans les établissements hospitaliers et autres établissements de recherche ; le renforcement des capacités institutionnelles et décentralisation ; rendre les services de santé de proximité disponibles et accessibles dans les structures publiques, communautaires et privées avec un accent pour les zones pauvres, les zones déshérités. S’y ajoutent la disponibilité des soins de référence dans tous les cercles ; la réduction de la mortalité néonatale, infantile, infanto juvénile et maternelle, la fécondité et la malnutrition ; l’amélioration de la disponibilité des ressources humaines qualifiées et des médicaments essentiels, des vaccins et des consommables médicaux. Le candidat avait aussi promis de créer de nouveaux centres de santé communautaire.
À presqu’une année de la fin du quinquennat, tout ceci n’est encore que mirage. Et IBK n’a pratiquement posé aucun acte fort pour respecter ses engagements. Au contraire…
Aujourd’hui encore, le nombre insuffisant des infrastructures hospitalières fait des quelques structures existantes des véritables mouroirs, car n’offrant plus les services de qualité aux patients qui dans la plupart des cas rendent l’âme dans l’attente des premiers soins. Il faut ajouter à ce facteur le manque de personnel médical pour la prise en charge des patients.
De ces maux, le régime n’a certainement aucune idée.
Éducation : entre promesses et la réalité
Idem pour les énormes problèmes qui minent le domaine de l’éducation. Pourtant, IBK avait promis de « refonder l’école malienne pour reconstruire des compétences nationales ». « Depuis 15 ans, la société malienne regarde sans réagir son école s’effondrer. Elle se satisfait des demi-mesures de dirigeants gouvernementaux exclusivement soucieux d’assurer un semblant de paix scolaire. L’école malienne traverse une crise majeure, qui deviendra demain une crise sociale profonde si rien n’est fait pour la conjurer », dénonce-t-il dans son projet. Et pour remédier à cette situation, il a annoncé des mesures qui devraient aboutir à la revalorisation de la fonction enseignante ; la rationalisation de la gestion administrative du personnel enseignant ; la modernisation des programmes d’enseignement ; le renforcement des infrastructures du réseau scolaire ; le développement de l’enseignement des sciences et techniques ; le développement de l’utilisation des TIC. Entre objectifs mentionnés dans ce projet: le renforcement du partenariat avec le secteur privé en vue de l’élargissement de l’offre scolaire ; améliorer la gestion administrative de l’enseignement fondamental, le développement d’une formation professionnelle de qualité ; l’autonomisation et efficience éducative de l’enseignement supérieur ; la généralisation de l’alphabétisation des adultes.
La main sur le cœur, il a promis l’école obligatoire et gratuite jusqu’à 16 ans ; un ordinateur pour chaque étudiant ; le développement d’un programme d’équipement des salles spécialisées ; l’équipement des établissements en matériels informatique et photocopie ; la généralisation de l’utilisation des TIC dans le curriculum et dans la formation des personnels enseignants ; la création d’un service civique malien.
Du vent ! Vous diront les enseignants, toutes catégories confondues. Le mardi dernier, l’enseignement supérieur (Synesup) a enclenché, après plusieurs débrayages, une grève illimitée. Dans le cahier de doléances du syndicat, apparaît quatre revendications majeures. Le premier point des revendications est relatif à la signature du rapport de la Commission tripartite déposé le 31 janvier 2017 et l’application immédiate de la grille plafond 3 000 et plancher 1368 au personnel enseignant de l’enseignement supérieur et aux chercheurs. Le second porte sur l’intégration immédiate dans la fonction publique des travailleurs contractuels payés sur les budgets autonomes des structures de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. L’adoption immédiate du nouveau statut « enseignant-chercheur » avec les 4 fonctions (Assistant/Attachés de recherche, Maitre-assistant/Chargés de recherche, Maitre de conférence/Maitre de recherche, Professeur/directeur de recherche), les charges horaires actuelles en semestre et la transposition des assistants/Attachés de recherche docteurs dans le corps des maitres Assistants/Chargés de recherche est le point 3 des doléances. Le Synesup exige à son point 4 de revendication, la nomination immédiate des agents fonctionnaires de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique omis de la hiérarchisation du 16 juin 2015 et la capitalisation des publications des chercheurs de l’IER recrutés en 2008 pour leur transposition.
Aussi, le rétablissement immédiat et effectif du fonds « Etudes et recherche » conformément au protocole d’accord du 13 mai 2016, le payement immédiat des arriérés d’heures supplémentaires de 2013-2014 et 2014-2015 aux enseignants de l’IUG et l’éradication totale de la violence dans l’espace universitaire sont les exigences du Comité exécutif national du Synesup.
Au-delà, il est établi que les établissements d’enseignement supérieur au Mali connaissent un manque criard de salles de classe. A cela, il faut ajouter l’insuffisance des ressources humaines le tout entrainant la dégradation du niveau des apprenants et une mauvaise qualité des produits de l’école malienne.
Des scandales à la place des engagements…
Que dire du ressentiment des enseignants du secondaire ? Ils sont tout simplement au bout de l’indignation, selon Amara Sanogo. La preuve ? Après la grève de 9 jours (13 au 23 mars 2017), ils ont battu, hier mercredi, le pavé pour exprimer leur colère. Cette marche a été organisée en prélude d’une grève que les six syndicats entendent déclencher à partir du lundi prochain. Le Syldef, Syneb, Synesec, Synefct, Fenarec et Sypesco revendiquent l’adoption d’un statut autonome de l’enseignant ; l’harmonisation des salaires des enseignants maliens sur ceux de la sous-région ; l’augmentation de l’indemnité spéciale de responsabilité pour les enseignants des catégories A, B et C ; la régularisation de la situation administrative et financière des camarades sortants de l’EN Sup (nouvelle formule) au même titre que ceux de l’ENI et de l’IPR-IFRA ; et la conformité de la relecture de l’Arrêté 3282 du 11 août 2016 avec les recommandations de la lettre de protestation des différents syndicats…
Ce bloc de syndicats menace, en outre, de retenir les notes si le procès-verbal de conciliation du 8 janvier 2017 n’est pas appliqué par le gouvernement.
Ces grèves ne sont qu’un maillon d’une longue chaîne de grèves qui ont jonché l’année 2017. De janvier à nos jours, le gouvernement n’a connu aucun répit en la matière. Quasiment nul jour sans que le pays ne soit perturbé par une action du front social.
C’est vrai qu’on ne réfléchit pas de la même manière dans un palais que dans une chaumière, mais rien qu’en écoutant les radios libres et en faisant un sondage tout autour, c’est le ras-le bol qui est en passe de se généraliser.
On se rend compte que le président IBK a échoué sur toute la ligne en ne parvenant quasiment à réaliser aucune de ses promesses de campagne. Plus particulièrement sur l’élément fondamental qui avait fondé son élection, à savoir la gestion de la crise du nord. Ibrahim Boubacar Kéïta n’a pas connu meilleur sort en matière de lutte contre la corruption, de création d’emplois, de réalisation d’infrastructures, de bonne gouvernance, de gestion du front social et politique, du bien-être des populations etc…
La faute est à situer dans sa mauvaise gouvernance, corollaire d’une gestion criblée de scandales financiers qui paralysent le fonctionnement de l’Administration, asphyxient l’économie. En effet, rien qu’à faire un tour au grand marché, on se rend compte que beaucoup de commerçants ont baissé le rideau faute de mouvement car l’argent est devenu une denrée rare. Triste réalité !
Au même moment, les Maliens assistent au maintien dans le gouvernement d’un bataillon de ministres aux compétences douteuses, sans savoir-faire, sans capital professionnel ni politique, et de surcroit pour certains, ignorant tout du Mali avec ses nombreux problèmes et ses défis pressants. « Nul ne sera convié au banquet de la République que celui qui l’aura mérité », clamait IBK. Cette prémisse a tout simplement ouvert la voie à la constitution d’une camarilla de courtisans qui détient désormais la réalité du pouvoir.