Ce comité sera chargé d'élaborer « la Charte de l'unité et de la réconciliation nationale ». Et de réfléchir sur la question du centre du Mali, devenu le théâtre de plusieurs attaques terroristes et conflits communautaires
La Conférence d’entente nationale a clos ses travaux le dimanche 02 avril sous la présidence du chef de de l’Etat, SE Ibrahim Boubacar Keita. Les 7 jours d’assises ont vu les Maliens échanger entre eux avec franchise, lucidité et responsabilité.
Même si les discussions n'ont pas permis d'harmoniser entièrement des positions sur certains sujets « inévitablement problématiques », l’impression générale qui se dégage, c’est que les participants se reconnaissent plus ou moins dans les conclusions formulées par la CEN et sont déterminés à aller à une paix durable et définitive.
Dans son rapport général remis au Président de la république, la CEN a dégagé des causes réelles de la crise malienne en faisant des recommandations pertinentes, notamment sur la gouvernance, la sécurité, le développement. Sur la question polémique de « l’Azawad »,, même si les assises n'ont pas permis de dégager un consensus sur la question la conférence a retenu que le terme ne doit être utilisé qu’en tant qu’« entité géographique, mémorielle et historique, qui ne renvoie à aucun projet politique ». Par ailleurs, la conférence a recommandé au gouvernement d' «engager des discussions avec le prédicateur radical peulh Amadou Koufa et le chef islamiste touareg Iyad Ag Agaly, tout en préservant le caractère laïc de la République ».
Pour le Président de la République, l’exercice ne pouvait être totalement dénué de passion, car abordant des sujets inévitablement polémiques.« L’entreprise était ardue et les appréhensions qu’elle suscitait étaient légitimes », a affirmé IBK qui dit avoir parfaitement enregistré les attentes qui lui sont adressées en rassurant :« De mon côté, tous les efforts seront déployés pour que soit gagnée la bataille de notre avenir ».
Le chef de l’Etat a annoncé ainsi la mise en place d'un comité d'experts et de sages, qui devra engager des réflexions et des discussions sur les questions. Ce comité d'expertssera chargé d'élaborer « la charte de l'unité, et de la réconciliation nationale ». Aussi, il sera chargé de réfléchir sur la question du Centre du Mali, devenu le théâtre de plusieurs attaques terroristes et conflits communautaires.
Le Président de la République a confié que la Conférence d’entente nationale a donné raison à tous ceux qui n’ont jamais douté que le Mali sait se mettre à hauteur de défi. « Nous ne nous nourrissons pas de faux espoirs, mais nous ne devons pas dédaigner les signes positifs lorsque ceux-ci se manifestent », a-t-il indiqué. Sur le succès de la CEN, le Président de la République n’a pas manqué d’exprimer toute sa gratitude au Doyen Baba Akhib Haidara.
« Il me faut exprimer notre reconnaissance à un homme dont la modestie et l’humilité vont certainement souffrir de l’hommage qui va lui être rendu. Lorsque j’ai demandé à notre estimé Doyen Baba Akhib Haidara d’être le président de la Commission préparatoire et le Président de la Conférence d’entente nationale, je ne lui ai pas en réalité confié une mission. Je me suis en fait confié à lui, comme à un aîné dont je respecte la connaissance des hommes et l’expérience de la vie. Je m’en suis remis à sa sagesse, à sa longue pratique des affaires publiques, à son attachement aux positions de principe et à sa parfaite connaissance de notre pays.
Notre aîné a démontré toutes ces qualités au cours de la semaine cruciale que nous bouclons. Si nous pouvons aujourd’hui nous réjouir de la réussite de cet événement, c’est grâce à la ferme courtoisie avec laquelle le président Baba Akhib Haidara a conduit les débats ; grâce à son sens des équilibres qui lui fait gérer les impromptus (et Dieu sait s’il y en eu) ; et grâce à la maitrise qu’il a déployée pour que des excès ne viennent pas dévaloriser les acquis de la Conférence » a souligne le chef de l’Etat à l’endroit du président de la commission préparatoire de la CEN avant de lui signifier qu’il est toujours en mission.
Daniel KOURIBA
===================================
Ils ont dit…
Honorable Aissata Cissé dite Chato, députée : « Le Président de la République a été un visionnaire »
« J’ai eu un sentiment de satisfaction. Au départ ce n’était pas évident que tout le monde participe, mais à la fin nous avons eu tout le monde dans le processus. Les gens ont librement parlé. C’est déjà une première réussite. La deuxième réussite, c’est que tous les participants ont convenu que l’ennemi numéro un du Mali, c’est le sous-développement et que nous n’avons aucune raison de nous chamailler entre nous. Les Maliens ont compris que pour que le Mali s’en sorte, il faut l’implication des femmes et des jeunes. Il faut trouver du travail aux jeunes pour qu’ils ne soient pas la prédilection des groupes terroristes.
On s’est accordé de dire qu’on doit se parler et se pardonner, afin d’aller en rangs serrés. Si on n’est pas en rangs serrés on ne peut pas gagner le pari du développement, de la sécurité, de la cohésion sociale. Je pense que c’est ça les points clé. La conférence a permis de débattre de la question polémique, Azawad. On est arrivé, la majorité,à la conclusion que le terme Azawad peut être utilisé dans un contexte géographique et culturel, mais en aucun cas il peut être utilisé dans un contexte politique et administratif pour avoir une connotation séparatiste.
La conférence a permis de soulever que la crise n’est pas seulement au nord, mais aussi au centre. Je pense que le Président de la République a été un visionnaire. Il a cru à cette conférence et Dieu l’a aidé. Comme il avait dit dans son discours, la conférence est un train qui a démarré et qui a embarqué tous sur son parcours. Ce qu’il a souhaité s’est réalisé »
Oumou Touré, CAFO : « J’ai ressenti dans cette conférence que les Maliens peuvent se réunir chaque fois,qu’on peut se pardonner, faire des concessions et que le Mali sera un et indivisible »
« Dès que la famille se réunit tous les enfants se retrouvent. Pendant ces sept jours, les Maliens, toutes sensibilités confondues, toutes ethnies, ont parlé ouvertement dans une même salle, sans intermédiaire. Chacun a amené son point de vue et s’est exprimé sans crainte. C’est ce franc-parler qui vaut. Dans les conclusions, les gens sont arrivés au constat qu’il y a une crise identitaire, certaines ethnies se sentent exclues, ce qui n’est pas bon pour le vivre ensemble. J’espère que cela va être corrigé. Il a été également unanime qu’il y a une crise de gouvernance.
Et pour la première fois, autour du mot qui divise, Azawad, ceux qui utilisent même le mot ont expliqué ce qu’ils entendent, ce qu’ils comprennent par ce mot Azawad. Tout le monde a réagi et il y eu parmi nous certains qui ont été d’accord avec eux. C’est l’unique fois où nous et ces gens ont pu parler ouvertement. Je trouve c’est un qui devient deux, et deux, trois et ça va devenir une habitude pour un vivre-ensemble. J’ai ressenti dans cette conférence que les Maliens peuvent se réunir chaque fois, qu’on peut se pardonner, faire des concessions et que le Mali sera un et indivisible ».
Ilad Ag Mohamed, représentant CMA : « Ce qui est important c’est qu’il y aura une deuxième phase de la conférence qui va permettre aux uns et aux autres de discuter et d’approfondir le débat. C’est en ce moment qu’on pourra parler de consensus et de véritable entente nationale »
On a fait sept jours bien remplis. Nous n’étions pas là au départ, mais nous avons pris le train en marche. La CMA a pris part activement aux débats, mais nous avons remarqué que les résultats des discussions n’ont pas été transmis fidèlement. Par exemple par rapport à l’appellation « Azawad », le rapporteur général, à la cérémonie d’ouverture, parle de consensus sur le concept. Il n’y a pas eu de consensus. La CEN était le cadre pour débattre profondément de la question. Si certains pensent qu’il faut prendre le concept comme une entité mémorielle, historique et symbolique, il faut encore relayer les points de vue de ce qui pensent que l’Azawad doit être un territoire avec un statut politique et juridique.
Il y a eu un grand débat la dessus qu’il ne faut pas occulter. L’ Azawad est un territoire vaste et les populations qui y vivent ont des aspirations tenant à l’application intégrale de l’Azawad, mettant un accent particulier à l’autogestion de leur territoire. On a toujours dit oui à l’unité, mais une unité dans la diversité et l’intégrité territoriale dans la spécificité. Il ne faut pas l’occulter. C’est même une erreur de penser que vivre dans un Mali fédéral, ce n’est pas vivre dans un Mali uni. Les gens ont tellement peur de parler de certaine autonomie qu’ils ne veulent pas entendre parler de certains mots. Je pense que le CEN est l’occasion de débattre sans ambages.
Cette conférence a, quand même, permis aux Maliens de parler avec des frères qui étaient très loin d’eux. Les discussions ont permis aux uns et aux autres de savoir qu’ils ne sont pas avec des diables, ceux parlant d’Azawad. Ce qui est important, c’est qu’il y aura une deuxième phase de la conférence qui va permettre aux uns et aux autres de discuter et d’approfondir le sujet. C’est en ce moment qu’on pourra parler de consensus et de véritable entente nationale. La CMA s’inscrit toujours dans le cadre de dialogue et de concertation. Nous pensons que la proposition du Président IBK de mettre en place un comité d’experts sera une chance et la CMA a déjà annexé sa déclaration ».
Almou Ag Mohamed, HCUA, porte-parole de la CMA : «Les débats sur la question de l'Azawad doivent être exclusivement réservées aux participants venus des régions du Nord »
« C'est un thème cher à la CMA dont le débat doit se faire en profondeur. Et c'est un thème phare de cette conférence y compris dans l’accord. Mais c'est un thème auquel il faut trouver un contenu pour éviter les erreurs du passé. Sans le consensus entre ressortissants concernés ce sera toujours le même problème, certains vont accepter le concept retenu par la conférence, d’autres vont le rejeter.
C’est pourquoi, pour nous il est clair que c'est un thème qui concerne les ressortissants de cette région que nous, on appelle Azawad,certains l'appellent Nord du Mali et qu'il faut débattre au niveau d'un groupe des ressortissants de cette région. Comme veulent le dire certains, c'est la décentralisation, l’autogestion, donc les gens de Kayes ne peuvent pas intervenir dans les débats qui concernent comment les gens du Nord ou les gens de l'Azawad vont appeler leur région ».
Soumaila Cissé, chef de file de l’opposition : « Cette conférence est une étape, il faut s’attendre donc à une autre conférence pour pouvoir parachever ce qui a été entamé ».
« Je ne pense pas d’abord qu’il y ait une conclusion. Ce qu’on peut retenir, c’est que cette CEN est juste une étape. Il faut s’attendre donc à une autre conférence pour pouvoir parachever ce qui a été entamé. Je pense qu’il faut reformuler les termes de référence de cette conférence, de la rendre encore plus inclusive, prendre en compte plus de détails. Il faut qu’il y ait plus de débats à l’intérieur du pays. Ce que je veux dire, c’est surtout qu’il ne faudra pas croire que la conférence amènera la paix. La paix, c’est une suite d’étapes. Il faut que les armes soient déposées ; que le désarmement soit réel ; que la sincérité existe pour pouvoir y arriver ».
Tiébilé Dramé, président du PARENA :«Très concrètement il faut attendre si les questions concrètes qui se posent aux Maliens sont prises en compte, sont prises en charge »
« Il y a eu une semaine de parole, de discussions, il y a eu des conclusions, il y a eu des recommandations, il faut attendre maintenant la suite. Très concrètement il faut attendre si les questions concrètes qui se posent aux Maliens sont prises en compte, sont prises en charge : à savoir la sécurité des Maliens, la restauration de la paix, la question de la corruption, de la mauvaise gouvernance dans le pays...
Dans notre pays, aujourd’hui, comment faire pour qu’on ait des forces armées et de sécurité dignes de ce nom qui défendent notre territoire national. Je crois que le défi qui se pose à nous aujourd’hui, c'est comment créer les conditions pour faire face à cette situation. L'urgence pour le Mali aujourd’hui, c'est comment restaurer la paix, la sécurité et la cohésion nationale dans le pays, l'urgence c'est comment faire en sorte que les Maliens vivent en sécurité sur le territoire de leur pays ».
Rassemblés par Daniel KOURIBA