L’avenir politique du Mali, dirigé par un pouvoir de transition depuis près d’un an, reste incertain malgré la promesse d’élections en juillet, un objectif qui semble difficile à atteindre, le nord du pays occupé en 2012 par des islamistes restant encore en partie à sécuriser.
«Il y a une demande nationale et internationale d’élections le plus rapidement possible pour remplacer un régime de transition pas très efficace, car une vraie sortie de crise ne peut être conduite que par un pouvoir légitime», observe Gilles Yabi, chargé de l’Afrique de l’Ouest à International Crisis Group (ICG).
Mais «juillet, c’est très optimiste, très difficile à tenir et pas souhaitable» vu l’ampleur des défis, explique-t-il à l’AFP.
Le régime à Bamako, dirigé par un président intérimaire, Dioncounda Traoré, a été mis en place en avril 2012 après le retrait du pouvoir de militaires putschistes qui avaient renversé le 22 mars le chef de l’Etat Amadou Toumani Touré, mais qui ont longtemps gardé une forte influence dans la capitale malienne.
Des élections générales devaient se tenir dans un délai d’un an après la mise en place de la transition. Mais la situation a été bouleversée par la prise de contrôle progressive, dès avril 2012, du nord du pays par des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda.
Ces groupes ont été en grande partie chassés du Nord depuis le 11 janvier grâce à une intervention militaire de la France, en appui à l’armée malienne, et d’autres armées africaines, même si des poches de résistance demeurent.
Dioncounda Traoré et son Premier ministre Diango Cissoko, sous la pression de leurs partenaires internationaux, expriment désormais à l’envi leur intention d’organiser présidentielle et législatives en juillet.
Il faut que les élections «se tiennent dans le mois de juillet, du moins les élections présidentielles», a exhorté samedi à Ouagadougou le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, assurant en avoir eu la confirmation du président Traoré vendredi à Bamako.
«Réconciliation» nécessaire
Cependant, selon Gilles Yabi, «il faut trois mois supplémentaires» pour le scrutin. Car s’il estime que, «techniquement», le fichier électoral «peut être prêt pour juillet», les «conditions psychologiques et un état d’esprit favorables à une campagne électorale» ne sont pas réunis. «La sécurité n’est pas assurée dans beaucoup de localités du Nord libérées», affirme-t-il.
Et d’énumérer les tensions entre communautés du Nord, en particulier entre Noirs d’un côté, Touareg et Arabes de l’autre, souvent assimilés aux islamistes, l’absence des services de l’Etat, les quelque 400.000 réfugiés et déplacés qui ont fui la région et ne sont toujours pas rentrés.
Les députés maliens ont voté fin janvier une «feuille de route» pour l’après-guerre qui, en plus d’appeler à des élections rapides, prône une discussion avec certains groupes armés du Nord dans le cadre de la «réconciliation nationale».
Mercredi, une Commission dialogue et réconciliation (CDR), longtemps attendue, a enfin été créée. «Il faut maintenant qu’elle se mette en place», a insisté le ministre français de la Défense.
Pour Jean-Yves Moisseron, chercheur à l’Institut pour la recherche et le développement (IRD), la France souhaite rapidement «se désengager et sortir la tête haute». Or, «ce serait une erreur de précipiter le mouvement pour avoir une apparence de démocratie sans que les problèmes politiques soient réglés», dit-il.
Des compromis sont indispensables à la réconciliation, tout spécialement avec la communauté touareg qui s’estime marginalisée depuis des décennies par l’Etat malien. Une rébellion touareg laïque, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), a été en partie à l’origine de l’occupation du Nord par les islamistes, ce qui lui vaut la forte hostilité d’une partie de la population.
Il y a deux conditions pour que les élections puissent avoir lieu, avance Jean-Yves Moisseron: «une situation sous contrôle dans les grandes villes du Nord» et «une vraie intégration du MNLA dans les discussions, avec la volonté d’aboutir à un accord politique».