Le président Moussa Traoré déclarait souvent qu’il allait se débarrasser des hauts fonctionnaires corrompus. Ses intentions se sont concrétisées le 19 octobre 1978. Trois anciens membres du cabinet et 40 personnages ont été jugés pour tentative de coup d’Etat perpétré le 28 février 1978. Trois jours de témoignages publics ont été marqués par des accusations et des contre-accusations impliquant des fonctionnaires encore en fonction. Il y a eu vingt-neuf condamnations, y compris des condamnations à mort pour Kissima Doukara, ancien ministre de la Défense, et Tiécoro Bagayoko, ancien Directeur des services de sécurité.
Les procès judiciaires de ces hommes ont fait leur impression. Le public était ravi de voir condamner Doukara et Bagayoko, car les deux étaient connus pour leurs méthodes répressives et leur implication dans la corruption. L'attention de la justice se tourna sur d'autres hauts fonctionnaires dont la réputation avait été souillée pendant le procès. Les noms du Colonel Amadou Baba Diarra, ministre des Finances et le Colonel Youssouf Traoré, ministre de l'Education nationale, furent mentionnés.
Le nom du ministre de la Justice, le Colonel Mamadou Sanogo, fut également évoqué comme étant sous enquête judiciaire. Comme promis, le président continua la réforme de l'Administration. Il invita les chefs de départements à dénoncer la corruption et les malversations. Une telle franchise a apparemment joué un rôle dans l'arrestation en janvier 1979 d'un autre membre du CMLN, Joseph Mara, alors maire de Kati, ancien ministre de la Justice et président de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite. A la suite de cette arrestation des rumeurs d'un coup d’état circulaient dans Bamako.
La plupart de ceux qui étaient déjà incarcérés depuis février 1978 furent soudainement transférés dans des centres de détention à Tombouctou, loin de Bamako. Les éléments des forces armées, furent perturbés par ce qui les semblait être une perte de leur pouvoir accumulé durant une décennie. Moussa Traoré donna l’assurance à l'armée de terre et à l'armée de l'air que leur rôle dans la vie de la nation ne serait pas diminué. Mais cette déclaration était peu rassurante.
Il y avait aussi un mécontentement parmi les fonctionnaires civils.
Les salaires étaient en retard, et les enquêtes sur les malversations mirent de nombreux responsables en garde. Néanmoins, les absences prolongées du président en dehors de Bamako suggérèrent qu'il pensait que la situation était sous contrôle. L'engagement de Moussa Traoré dans les affaires du pays continua de s'intensifier. La moitié de son temps en janvier et février 1979 fut allouée aux visites dans les régions du Mali. L'une des raisons de ces nombreux voyages était de populariser le nouveau parti politique, l'Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM).
Traoré décida de s'identifier clairement avec le nouveau mouvement politique. Dans ses longues visites à l'est du Mali, il exhorta le public à voir l’UDPM comme le forum approprié pour se faire entendre, accélérer la croissance économique et réformer un gouvernement corrompu et inefficace. Traoré eut beaucoup à gagner en surveillant la création d'un mouvement UDPM articulé et influent, séparé des groupes d'intérêts avec des loyautés douteuses.
Près de 20 ans après l'indépendance, le Mali était fondamentalement francophone dans sa structure militaire, dans son administration nationale et dans son système scolaire. Cependant, l'insatisfaction avec le système éducatif a été constante. Ce qui nécessita une réévaluation de l’usage du français. Malgré un budget pour l'éducation comprenant près de 30% des dépenses nationales annuelles, le taux d'alphabétisation n'a augmenté que de 1% chaque 3 ans durant la période de 1968 à 1979. Néanmoins, le président promit des changements radicaux dans le système éducatif.
La jeunesse aussi était agitée. Les étudiants au niveau secondaire ont été perturbés par deux développements : de longs retards dans le paiement de leurs bourses et l’abolition de la pratique de garantir un emploi à chaque diplômé. Les rumeurs de coup d’Etat, les arrestations et les agitations dans les forces armées n'ont pas empêché le président d'entreprendre des voyages prolongés au fin fond du pays. Ces voyages lui ont permis d’entendre les griefs de la population et de se rendre compte que son appel à l'activisme politique n’était guère l’une de leur priorité.
Amadou O. Wane
Collaborateur externe,
Floride, Etats-Unis