« Le grand dessein des intérêts impérialistes est de renforcer le colonialisme et le néo-colonialisme et nous nous tromperions nous-mêmes de la façon la plus cruelle, si nous devons considérer que leurs actions sont distinctes et sans rapports entre elles.
Lorsque le Portugal voile les frontières du Sénégal, lorsque Verwoerd consacre un septième du budget de l’Afrique du Sud à l’armée et à la police, lorsque la France construit comme partie intégrante de sa politique de défense une force d’intervention qui peut intervenir plus particulièrement dans l’Afrique francophone, lorsque Welensky parle de joindre la Rhodésie du Sud à l’Afrique du Sud, lorsque la Grande Bretagne envoie des armes à l’Afrique du Sud, tout cela fait partie d’un plan d’ensemble élaboré avec le plus grand soin, et orienté vers un seul objectif : la continuation de l’asservissement de nos frères encore dépendants et un assaut contre l’indépendance de nos Etats africains souverains.
Contre ces plans, disposons-nous d’une autre arme que de notre Unité? Cette Unité n’est-elle pas essentielle pour sauvegarder notre propre liberté et pour conquérir la liberté de nos frères opprimés, les combattants de la libération? N’est-ce pas l’unité seule qui pourra nous forger pour nous intégrer en une force effective, capable de créer sa propre progression et d’apporter une contribution précieuse à la paix mondiale ? Quel est l’Etat africain indépendant ? Quel est celui d’entre vous qui prétendra que sa structure financière et ses institutions bancaires sont intégralement consacrées à son développement national ? Quel est celui d’entre vous qui pourra prétendre que ses ressources matérielles et ses énergies humaines sont disponibles pour ses propres aspirations nationales ?
Quel est celui d’entre vous qui ne viendra pas avouer un degré substantiel et désappointement et de désillusion dans l’exécution de ses plans d’évolution agricole et urbaine ? Dans une Afrique indépendante, nous recommençons déjà à ressentir l’instabilité et la frustration qui existaient sous la domination coloniale. Nous apprenons rapidement que l’indépendance politique ne suffit pas à nous libérer des conséquences de cette domination coloniale. Le mouvement des masses de l’Afrique pour la libération de cette sorte de domination n’était pas seulement une révolte contre les conditions qu’elles imposaient.
Nos peuples nous ont apporté leur appui dans notre lutte pour l’indépendance parce qu’ils croyaient que l’avènement des gouvernements africains guérirait les maux du passé d’une façon qu’il n’aurait jamais été possible de réaliser sous la domination coloniale. Par conséquent, si, maintenant que nous sommes indépendants, ne laissons subsister les mêmes conditions qui existaient à l’époque coloniale, tout le ressentiment qui renversera le colonialisme mobilisera contre nous. »