Un mot, une expression ; et une confusion souvent faite entre les deux. L’expression a été employée lors du dernier Conseil National extraordinaire de l’UDPM. Plaidant pour l’ouverture au multipartisme, ici et maintenant, le secrétaire politique du parti a justifié sa prise de position avec la phrase : « Le parti unique a atteint son seuil d’incompétence. » Par la suite, excédé par les attaques dont il a été l’objet, il a solennellement présenté sa démission. La justification de la prise de position n’était nullement à l’origine de la démission. Cependant, le lendemain, un journal de la place, donnant dans l’amalgame et l’intox, a eu ce titre à sensation : « Le parti a atteint son seuil d’incompétence, je démissionne. » Le lecteur attentif notera la malicieuse suppression de l’épithète « unique » et le rapprochement entre deux faits sans lien l’un avec l’autre. De là est née la confusion à propos du mot et de l’expression.
L’incompétence se manifeste par un déficit de connaissances ou de savoir-faire pour exercer une fonction. Le seuil d’incompétence renvoie à une réalité que Laurence J. Peter et Raymond Hull, dans leur ouvrage intitulé « Le principe de Peter » présentent de la manière suivante : « Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence » ; ce qui a, comme conséquence, le fait qu’ « avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité. »
Mardi 4 avril 2017, d’après certains de nos frères, le Premier ministre aurait rendu sa démission au président de la République. Ce dernier, samedi 8, a nommé M. Abdoulaye Idrissa Maïga Premier ministre. Ainsi, un gouvernement vient d’être congédié, un nouveau se trouve en gestation.
Le gouvernement sortant n’a pas atteint le seuil d’incompétence, il a été incompétent. Soutenir qu’il a atteint le seuil d’incompétence revient à reconnaître qu’il a commencé par engranger des résultats pour en arriver à un point où il n’avait plus prise sur les réalités. Or, ce n’est nullement ce qui s’est produit.
Certes, un bilan sera fait au terme du quinquennat. Il mettra l’accent sur : l’approvisionnement correct des marchés, la construction d’infrastructures, l’embellissement de Bamako, la réussite du sommet Afrique-France, une amélioration du traitement des fonctionnaires. Mais, à côté de ces réalisations, que de ruines !
Ce que l’on retiendra, de prime abord, c’est l’instabilité qui a prévalu au sommet de l’Etat : trois gouvernements et un réaménagement ministériel en moins de deux ans, soit, en moyenne, un gouvernement tous les huit mois.
En janvier 2015, deux dossiers brûlants attendaient d’être traités : le dossier relatif à la fin de la rébellion avec la mise en œuvre des dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et le dossier relatif à la sécurité. Deux ans après, la rébellion continue de narguer l’Etat central et l’insécurité, d’abord limitée aux zones de conflits, s’est généralisée sur l’étendue de la République comme en atteste l’enlèvement d’une humanitaire colombienne à Koutiala. A côté de ces insuffisances, se note l’incapacité à trouver des réponses aux doléances des acteurs de l’école et de la santé : tous les ordres d’enseignement en grève illimitée comme tous les agents de la santé publique.
Le fait d’avoir choisi d’être, non un Premier ministre de terrain, mais un Premier ministre de cabinet, de laboratoire ont écrit certains, peut être retenu parmi les causes d’un échec si flagrant. En s’installant dans l’immobilisme, le chef du gouvernement sortant a installé le pays dans l’immobilisme général. Or, il est entendu que tout ce qui ne se meut se dégrade. La dégradation a atteint un point tel qu’insuffler un souffle nouveau à l’action gouvernementale était devenu indispensable.