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Younous Hameye Dicko, president du RDS : « L’Etat et les groupes armés doivent présenter des excuses au peuple malien »
Publié le lundi 10 avril 2017  |  Le Pouce
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© aBamako.com par A.S
Dans le cadre des concertations avec les forces vives de la Nation, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a rencontré hier à Koulouba les responsables des partis de la majorité présidentielle.
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Ayant activement pris part aux travaux de la conférence d’entente nationale, en qualité de délégué de la CMP, le professeur Younous Hamèye Dicko, président du RDS (Rassemblement pour le Développement et la Solidarité), tire les enseignements de ce grand rendez-vous de l’unité nationale, du dialogue commun et de la cohésion sociale.
Le natif du Gourma pense que l’Etat ne doit plus rigoler avec l’utilisation de la notion Azawad pour des fins qui ne sont pas prévues dans l’accord pour la paix.

Le Pouce : Quels sont les enseignements que vous tirez de la conférence d’entente nationale ?

Pr Younous Hamèye Dicko, « J’ai effectivement participé à cette conférence d’entente nationale. Naturellement, je suis RDS, mais j’avais participé essentiellement en tant que délégué de la CMP. Cela n’empêche pas que les idées que je développe soient à la fois celles du RDS et de la CMP. Les enseignements que je tire de cette conférence d’entente nationale, c’est d’abord que ces assises ont été un succès complet.Tout simplement au départ, on avait des inquiétudes. Voici la CMA qui dit qu’elle ne participe. Voici l’opposition qui dit qu’elle ne participe pas. Même si la CMAn’est pas la composante militaire la plus importante dans la zone, elle est la composante qui dit non. Quand on dit non, ce n’est pas bon même pour la majorité écrasante. Dieu faisant bien les choses et le président de la République ayant eu une grande souplexe sur la question, finalement la CMA a intégré les rangs.
Elle a beaucoup travaillé avec nous, même si on n’a pas été toujours d’accord. Elle a apporté sa contribution. La commission, c’est-à-dire le groupe de travail présidé par la CMA, est parvenue à la même conclusion que les autres groupes présidés par d’autres composantes de la conférence. Ensuite l’opposition est venue un peu en retard. Mais elle est venue en force. Elle a fait les déclarations les plus conformes à sa nature d’opposition et à la démocratie. Et, ils ont participé à la clôture de la cérémonie. C’est dire qu’au finish, la famille malienne était complète. Cela veut dire que les Maliens ont des ressources inimaginées qu’il faut saluer. Le RDS salue tous les participants pour cet esprit de nation, d’intégrité territoriale du Mali, de son unité et de sa cohésion.
Le deuxième élément sur lequel je tire un enseignement et qui est vraiment la problématique principale quand nous allions à cette conférence, c’est précisément la question de l’AZAWAD. Les maliens sont parvenus à la certitude qu’il y a un abus qui a été fait de ce mot par une toute petite minorité qui a eu des « tam-tams accompagnateurs » qui se trouvent malheureusement parmi nos amis d’Europe. Ces accompagnateurs ont prêté mauvaises oreilles. Ils n’ont pas compris la réalité des choses. Ils ont cru à tort que cette zone appartient à des Touaregs.C’est un tort qu’on fait à notre nation. Ils connaissent la composition de la zone, mais ils ignorent l’histoire de la zone. Ils ont fait croire au reste du monde que la zone n’est habitée que par des Touaregs, par conséquent n’appartient qu’à ces Touaregs. Ils ont créé une forme de racisme et d’exclusion qui n’existait pas chez nous. C’est une erreur extrêmement grave. Ceux qui ont écouté ces sirènes, sont les vrais ennemis du Mali. La zone appartient aux Maliens tout court. Nous sommes des Maliens et personne ne nous a précédéslà-bas.
Personne ne peut venir se taper la poitrine pour nous parler de droit de propriété du premier occupant. Personne ne peut dire non plus qu’elle peut nous occuper. Quiconque nous occupe va disparaitre tôt ou tard. Les premiers qui occupée cette sont connus. Il y a eu les empires du Mali, Songhoï, le royaume peul du Macina, qui ont eu des beaux jours dans la zone. Les peuls, les arabes, les Songhoïs et les Touaregs sont tous les mêmes là-bas. Nous avions vécu comme une même famille. Par exemple, dans le gourma, ces populations vivaient comme si on nageait dans une piscine, sans danger. Dans le gourma, nous avons toujours vécu en paix totale. On dormir sur une dune comme on le souhaite.Il est normal qu’on revienne à ces réalités. Lors des débats, la problématique de l’AZAWAD était essentielle pour nous. L’accord issu du processus d’Alger dit que dans cette conférence d’entente nationale, il va falloir de façon consensuelle éradiquer la problématique de l’AZAWAD.

Alors la conférence d’entente nationale dans toutes ses composantes a enregistré le refus et le rejet total de toute notion d’AZAWAD ayant une connotation politique ou administrative. On a aussi rejeté le fait de dire que l’AZAWAD, c’est Kidal, Gao, Bourem, Ansongo, Gourma-Rharous, Tombouctou, Diré, Goundam, Niafunké, Douentza, Koro, etc. Cette notion administrative aussi administrative a été rejetée. Il faut attention. C’est comme le quartier de Bozola se lève se lève un jour pour dire que Djicoroni, Hamdallaye, Lafiabougou, Badalabougou, font partie de son territoire et sont désormais sous son autorité. Ces quartiers n’accepteront jamais cette soumission pour aucune raison. On ne peut pas venir avec les armes pour faire dominer les gens comme au moyen-âge.

Nous avons évacué la notion d’Azawad politique et administratif. Nous avons décidé que ce qui est raisonnable de dire, c’est que l’AZAWDA peut être géographique. Personne ne peut s’opposer à ça. Tout le monde est libre d’appeler la zone AZAWAD. L’Azawad reste là-bas avec son sentiment mémoriel, historique et culturel. C’est normal et c’est même beau. C’est une fierté pour nous que le monde entier se déplace pour aller la mosquée de Djenné ou un site touristique qui se trouve dans la zone appelée. La dénomination géographique est laissée à chacun. C’est comme si quelqu’un dit qu’il vient du Wassoulou, du Kanadougou ou du Kenedougou. Si c’était comme ça, les gens n’allaient pas mourir pour l’AZAWAD. Il faut donc arrêter avec cette banalisation qui dit que les gens sont morts pour l’AZAWAD. Le Mali a choisi que plus encore le mot d’Azawad politique encore moins qu’administratif. C’est une terre du Mali, rien d’autre. Un sudiste peut se lever pour aller s’installer dans l’Azawad sans problème ».

Le Pouce : D’autres préoccupations majeures exprimées ?

Pr Younous Hamèye Dicko, « Evidemment, nous avons exprimé d’autres problèmes. Ce qui a obtenu ne suffit pas. Si les gens ont des souvenirs qui les motivent à se battre, il faut en parler. A cet effet, nous avons proposé des solutions. Par exemple, l’assistance a beaucoup parlé de gouvernance. Il faut reconnaître que nous avons une gouvernance qui a des carences, qui a drainé beaucoup d’inégalité, d’injustice sociale, frustration, qui à leur tour ont entrainé des réactions négatives quelque part, et qui d’ailleurs ne pourraient pas être la raison de diviser le pays. Si quelqu’un se lève pour changer un régime pour sa mauvaise gouvernance, il aura beaucoup de militants.

Par exemple le premier manifeste d’Iyad Agali dans les années 1988-1989, que j’ai lu sous forme de télégramme, avait pour but d’établir une démocratie de Ménaka à Kolondièba. C’était son programme au départ. C’est après que les autres sont venus. Aujourd’hui, chacun veut son Azawad et son coin au détriment des autres. Si Iyad était resté dans sa première déclaration, il allait avoir une grande notoriété. Mais, il a dévié. Aujourd’hui, c’est ça tout le problème.En tant que citoyens, nous allons agir de manière que les affaires de l’Etat soient mieux gérées et que l’autorité écoute ceux qui aiment le pays.

Dans ce problème de mal gouvernance, il y a la question de la justice. Les gens se plaignent de la justice. Il a été jugé nécessaire de moraliser, socialiser et civiliser la justice. Aujourd’hui, c’est selon ta poche que tu as un bon jugement ou pas.

Nous avons aussi demandé que l’armée nationale soit vraiment nationale quel qu’en soit ses difficultés. Il faut que ceux qui intègrent l’armée, sachent qu’ils sont prêts à mourir pour le Mali. Ils doivent défendre le pays.Devant l’ennemi, ils doivent se battre. S’ils meurent, Dieu l’aura voulu. S’ils survivent, ils seront des héros. Les choses doivent changer.

Il y a aussi le problème de l’éducation, de la santé, de l’eau. Mais si on est objectif, ce n’est pas pire à Gao qu’à Kayes.Les infrastructures ne sont pas pires à Kidal qu’à Tombouctou. C’est un problème que nous connaissons sur l’ensemble du territoire. Mais ce n’est pas suffisant pour prendre les armes pour tuer les gens. Quand tu prends les armes, tu détruis tout.Par conséquent, tu mets ton pays en retard. Beaucoup de points ont été discutés.La réconciliation nationale a été largement discutée. Tous les participants sont conscients qu’il faut une réconciliation nationale pour l’instauration d’une paix durable »

Le Pouce : Que propose le RDS comme solutions ?

Younous Hamèye Dicko : « Au niveau du RDS, nous avions exprimé la question du pardon.Mais ce n’est pas ressorti pendant la conférence d’entente nationale. Je parle en tant que le président du RDS.Nous avons pensé qu’il faut que les mouvements armés demandent le pardon au peuple malien. Aussi, le RDS demande que le gouvernement de la république du Mali présente ses excuses au peuple malien. Le RDS insiste dessus. C’est normal que les mouvements armés demandent ce pardon. C’est eux qui ont tué les populations, violé les femmes et filles. Dans ces conditions, les populations ne peuvent pas accepter les mêmes individus qui ont violé et tué les leurs, et qui reviennent un beau jour sans autre forme de mesure pour s’installer sans leur demander.

C’est mauvais pour la paix. C’est mauvais pour Dieu aussi. En faisant ça, tu sais que tu vas mourir. Il faut demander pardon à ses victimes avant que Dieu même ne vous pardonne. Tu ne vas pas demander en cachette pardon à Dieu. Dieu ne te pardonne pas pour le mal que fais à quelqu’un. Le RDS demande aussi que l’Etat demande pardonau peuple. Pour la simple raison que les populations du nord ont été abandonnées par l’Etat malien, peu importe ce qu’il a fait en termes d’actions de développement. L’Etat a abandonné les femmes, les enfants, les biens des gens à des hordes qui en ont fait ce qu’ils ont voulu. Tantôt, ils se comportent en religieux pour couper les mains des gens. Tantôt, ils se comportent en bandits qui tuent et qui violent les populations impuissantes.

Il n’y a que Dieu qui les protège. Quel que soit ce qu’on dit, le RDS estime que l’Etat actuel est normal, démocratique et qui n’a commis aucun crime. Dans les empires ou dans les Etats démocratiques, le Chef est le seul responsable, les autres sont des exécutants. Aujourd’hui que l’Etat malien est fort, avec un président qui n’a rien à avoir avec les turpitudes du passé concernant le nord. Aujourd’hui, il est capable de présenter les excuses de l’Etat aux populations. Le RDS demande au Mali, en tant qu’Etat souverain de présenter ses excuses au peuple. Ce qui s’est passé dans le nord affecte Bougouni, Kayes et toutes les populations. Tout le monde a su l’impact des personnes déplacées du nord chez leurs parents qui sont vers le sud. Le Mali est une famille. En fait c’est toute la nation malienne qui a souffert, qui a été humiliée par la débandade que nous avons subie dans le nord.

Pour nous, c’est très simple. Nous n’exagérons pas, seul l’Etat peut faire ça. Il faut présenter ses excuses pour l’histoire. Il y a des endroits où l’Etat a présenté des excuses pour l’esclavage, ou pour le génocide. Ils l’ont fait pour d’autres régimes qui sont passés et qui sont responsables de ces crimes. Le nord a été abandonné avant 2012. Quand les envahisseurs arrivaient, aucune garnison ne pouvait résister. Les accords d’Alger de 2006 ont dégarni l’armée de ses petites bases militaires au nord. Il y a des gens blancs comme neige et d’autres qui ne le sont pas. Ceux qui sont blancs peuvent avoir le courage de dire au peuple que ce qui s’est passé ne se reproduira plus jamais.

Pour ce faire, l’Etat doit s’organiser pour se défendre afin que les populations du nord, du centre et du sud se sentent désormais en paix. Je crois que le Mali ne doit plus jamais rigoler avec celui qui utilise AZAWAD pour des fins politiques ou administratives. L’utilisation de la notion AZAWAD dans un sens politique ou administratif doit être criminalisée. Celui qui est dans la zone d’AZAWAD ne doit avoir aucune prétention sur les autres régions ou sur les autres appellations de la zone, comme Issaber, Tiessou, Dendi (Bourah), Gourma etc.Ces appellations sont plus anciennes que l’Azawad ».

Entretien réalisé par Jean Goïta

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